Manufacturistes, le duo féminin formé par Guillemette et Audrey nous raconte toute la créativité de Marseille à travers ses objets, ses métiers et ses artisans d’excellence.
C’est bien souvent un regard extérieur qui nous fait prendre conscience des richesses de Marseille. L’artisanat local, de qualité mais souvent confidentiel, n’y échappe pas. A travers Manufacturistes, qui édite depuis peu et en séries limitées de beaux objets d’usage et de déco, deux femmes entendent mettre à l’honneur des créations qui en disent plus long sur la ville que tous les beaux discours.
Avec Audrey, marseillaise d’origine et ancienne chef de projet en joaillerie à Paris, Guillemette, ex-styliste produisant toujours des cahiers de tendances s’est lancée dans ce projet ambitieux.
« Quand je me suis installée à Marseille il y a deux ans, ça m’a sauté aux yeux. Il y avait quelques articles un peu folkloriques – la cigale, le cube de savons – et à côté un artisanat très riche mais pas vraiment territorialisé. Je trouvais cela dommage, car Marseille a une telle histoire avec ses objets. »
Ainsi se sont nouées des collaborations avec une douzaine d’artisans, marseillais ou des alentours, dans des domaines aussi variés que le textile, la cire, la céramique, le savon, ou l’osier.
Les commandes sont variées et respectent le style de l’artisan mais collent toutes à une ligne directrice, à l’idée qu’elles se font de Marseille, en termes de simplicité et de couleurs.
« Avec ces objets, on peut parler des influences et traditions provençales mais aussi italiennes, espagnoles ou d’Afrique du Nord. Ça fait partie de la ville.
Au fond d’une impasse, elles se sont installées dans l’atelier de l’un de leurs collaborateurs, pour une expo-vente autour d’un thème emblématique de Marseille.
« A travers le cabanon, c’est l’idée d’une déco qui n’est pas fixe, qu’on peut arranger, déplacer en permanence selon son humeur. Il y a aussi l’idée de ne pas tout coordonner, d’assumer une certaine pagaille. »
Ainsi avec Jean Guillaume Simonot qui les a accueillies, elles ont travaillé des baladeuses en béton que l’on peut accrocher ou poser où l’on veut, comme à Marseille où tout semble provisoire.
L’artiste textile Aurélie Benoit a créé une nappe « cabanon », la brodeuse Sophie Baillet a retravaillé des dessins provençaux traditionnels sur des coussins en chanvre.
La vannière Kim Anh Le Tih a proposé une adaptation décorative du panier des poissonnières. Nancy Wallart a remis au goût du jour sur un tablier et des torchons un imprimé provençal au bloc de bois (« block print » en anglais), une technique d’impression traditionnelle très connue en Inde et qui revient sur le devant de la scène mode et déco pour son côté imparfait.
Le feutre à damiers produit par la manufacture bi-centenaire de l’Isle-sur-la-Sorgue Brun de Vian-tiran servait autrefois faire les guêtres des pêcheurs. Il recouvre ici des coussins d’extérieur que l’on peut trimballer partout.
Vincent Verde céramiste reconnu a lui peint ses vases de chardons, l’une des fleurs des calanques. Sets de table inspirés des rideaux marseillais traditionnels, savons bleus aux couleurs de la ville ou bougies d’un jaune tournesol comme la Provence, le Sud est bien là qui s’étale nonchalamment.
Des collaborations fructueuses des deux côtés. Ainsi avec la céramiste Dorothée Juilliard, cette superposition aléatoire de contenants jusqu’à atteindre ce résultat surprenant, évident, toujours utile d’un vase coloré.
« L’usage est très important. Marseille c’est humble et laborieux On n’est pas dans l’apparat ».
Pour faire connaître et vivre leurs créations, les deux femmes ont eu l’idée de laisser carte blanche à des artisans ou des chef.fes. La fleuriste Lila Noir a proposé des bouquets de fleurs coupées ou séchées en rapport avec les créations. Mahéva Angelmann (La Bonne Mère) a rempli un grand plat de terre de sa recette de boulettes marseillaises, et pâte à l’ail. Charlotte (Carlotta With) a proposé sa version de l’apéro sur des planches en bois et des micro-plats. Prochainement, ce sont les charcuteries de Marie Caffarel (Maison Payany) qui mettront à l’honneur les services des tables. « Quand on n’a pas de boutique physique, c’est une façon de faire parler les objets et pour nous aussi ce sont des rencontres enrichissantes. » concluent-elles.
Par Eric Foucher