Comme en témoignent les spectacles qui les ont fait connaître, la danse s’exprime chez (la) Horde autant par la chorégraphie des corps que par leur image médiatique. En prenant la direction du Ballet national de Marseille il y a trois ans, le jeune trio a aussi découvert une somme considérable de costumes et d’images qu’il présente dans un magnifique ouvrage intitulé « Danser l’image ».
En cette froide soirée de février, Jonathan Debrouwer et Arthur Harel arrivent sur scène aux Théâtres Bernardines pour présenter un gros ouvrage, conçu en même temps qu’une exposition au Centre national du costume de scène de Moulins qui vient tout juste d’ouvrir. La coordination éditoriale a été confiée Matthieu Buard et la direction artistique à Alice Gavin, déjà associée à l’image de (la)Horde depuis leur arrivée à Marseille.
En l’absence Marine Brutti (la troisième du trio retenue aux Etats-Unis pour un autre projet) les deux jeunes hommes expliquent les circonstances dans lequel le projet est né, quand ils ont découvert au Ballet comme dans un centre de conservation annexe une somme considérable d’archives photos, films, accessoires et costumes.
« Nous avons commencé à défricher l’archive plutôt que de l’énumérer » déclare Arthur Harel comme pour préciser le côté work in progress du projet.
« Nous avons voulu présenter avec ce livre une vision transversale de l’image médiatique, tenter de savoir comment on l’enregistre. Le vêtement est tellement signifiant qu’on essaie d’y réfléchir progressivement ».
« Le costume est un aspect très épineux pour nous. C’est étonnant de nous être lancé dans cette aventure. » poursuit Jonathan Debrouwer.
Au sommaire, c’est le créateur du Ballet National de Marseille, Roland Petit, qui se taille la part du lion.
« Roland Petit encore très présent dans l’imaginaire collectif à Marseille. On a voulu nous opposer à lui alors qu’on a trouvé beaucoup de similitudes. C’est un peu comme un grand père pour nous ».
Et les archives de dévoiler au fil des pages les collaborations du danseur et chorégraphe avec le peintre Fernand Léger ou Keith Haring, le créateur Yves Saint Laurent ou les musiciens de Pink Floyd ou The Edge.
L’approche nouvelle du ballet contemporain de Frédéric Flamant qui a fait collaborer à la danse architectes ou designer a bien sûr beaucoup intéressé également le trio de (la)Horde par son aspect hybride.
Présenté en trois parties (des entretiens, un cahier d’images puis des indexes autour de la vie du Ballet national de Marseille), « Danser l’image » représente en quelques sortes les archives ouvertes.
Si on retrouve beaucoup pièces qui ont marqué les ballets célèbres (costumes de scène, chaussures, perruques, accessoires, photos de maquillages), des décors scéniques qui permettent de parler des métiers de la danse (de la costumière au répétiteur) l’idée était aussi de réactiver ses archives.
Parce que l’archive doit toujours être vivante, le trio a décidé de faire revivre des costumes dans les quartiers Nord de Marseille avec la Foresta ou bien encore devant la Villa Noailles en invitant la styliste Salomé Polodiny et des danseurs comme le Famille maraboutage.
« On ne respire pas, on ne danse pas de la même façon avec les costumes. Il faut se les approprier tout comme les make-up ».
Et de rappeler leur implication très forte pour l’image dans chacune de leurs créations (qualifiées un temps de « danse post-internet »). Stylisme documentaire, travail de composition sur des personnages, étude de l’activation du mouvement à travers le vêtement, chacun est le reflet de la vie et de ses considérations actuelles (politiques et sociétales).
« Le digital est très présent dans notre travail, mais il n’est pour nous qu’un outil ».
« La télévision est très formatée. C’est difficile d’y être créatif. Alors on a choisi des formats différents comme la publicité. Elle nous offre la possibilité d’y créer des mini-fictions et pas des pièces des décoratives. Nos moteurs restent le désir, le plaisir, la rencontre ».
Le Petit Plus : Jusqu’au 30 avril 2023 vous pouvez découvrir l’exposition “Danser l’image” au Centre national du Costume de scène de Moulin. « [Nous avons] souvent eu l’occasion de présenter notre travail performatif et nos films dans des espaces de musée, et nous sommes à la fois très honorés et excités d’avoir imaginé un écrin qui pourra accueillir les histoires et les œuvres qui ont traversé l’institution que nous dirigeons aujourd’hui. »
Par Eric Foucher
* Ouvrage à se procurer dans le librairie Ensemble, la FNAC Marseille/Aix, et sur commande chez Histoire de l’oeil, Maupetit, la Salle des machines, la librairie du Mucem et quelques-autres.
Photos EF et Jean-Marc TEISSONNIER (Exposition CNCS)