Dans son Bistrot Baya, Maeva cuisine ses origines algériennes et rend hommage à ses grands-mères arabe et kabyle. Elle renoue le fil du passé à travers des recettes familiales qui invitent au partage et à la convivialité en y apportant sa créativité.
Longtemps artère sans âme, le Boulevard National revit à la faveur de nouvelles adresses gourmandes qui ont rejoint le célèbre Débouché. Après Ashourya et la Marmite Joyeuse, c’est le Bistrot Baya qui a emboité le pas à la confrérie des adresses de partage où l’on aime s’attabler seul avec un livre ou en bonne compagnie avec quelques quilles bien choisies.
Avant d’être une aventure culinaire, le Bistrot Baya est une idée de transmission entre une jeune femme et ses deux grands-mères arrivées d’Algérie dans les années 60 à qui on a demandé d’oublier le passé en élevant leurs enfants. La conscience et la fierté des racines a sauté une génération.
« A 30 ans, le cheminement a été de ma dire : que va-t-il rester de ces histoires, de cette culture, de tout cet héritage qu’elles ont laissé à mes parents »
Dont acte. La restauratrice autodidacte renonce à son local dans le Panier pour aménager finalement un commerce dans ce quartier cosmopolite des Réformés où elle réside et qui colle mieux à son idée de cuisiner les origines.
Si le restaurant semble faire écho à une artiste algérienne récemment sortie de l’oubli à la faveur d’une remarquable expo, il est en fait un hommage à l’une de ses deux grands-mères qui porte aussi ce nom.
La jeune femme a prévu d’inviter régulièrement des chef.fes en résidence comme dernièrement Sahra-Aïda (Vegan sur Mars) avec qui elle partage les mêmes les mêmes racines enfouies quelque part dans ce continent qui leur fait face, par-delà la Méditerranée. « L’odeur du poivron qui grille sur le gaz, celle du cumin qui émane des casseroles bouillonnantes, ou celle me projette immédiatement dans le souvenir de la cuisine familiale » déclare-t-elle.
A la base, il n’était pas prévu qu’elle soit en cuisine, mais elle s’est prise au jeu et a suivi une formation tout en avouant avec humilité ses limites.
« Ce n’est pas une cuisine qui va se faire remarquer par sa technicité et sa maîtrise des process culinaires. C’est autre chose que je fais passer. Je reproduis à plus grande échelle ce que j’ai toujours connu. Une cuisine d’instinct où l’on ne prend pas les mesures. »
Si vous êtes passé au bistrot ces derniers temps vous avez pu goûter au Lasbanne (boulettes de semoule berbères cuites dans un bouillon parfumé) ou à la mechouia (salade orientale) de la mamie cuisinée avec amour, des bricks aux épinards œuf et mozza. Tout cela avec un bon Matlouh, ce pain traditionnel algérien très moelleux que l’on aime tremper dans une bonne huile d’olives, sauce piquante ou la chorba.
Mais à l’ardoise, on voyage aussi en Méditerranée avec du Tzatzíki menthe et crackers, ou un rafraîchissant Gaspacho andalou. Peu de recettes chaque semaine mais uniquement réalisées avec des produits frais et de saison, avec au premier chef les excellents légumes de Manu, le Paysan moderne.
Nassim, qui s’occupe de l’accueil et du service, prend aussi le temps de vous expliquer dans les détails les recettes du jour, dont les noms pourront paraître bien mystérieux aux béotiens.
Ce jour-là, il nous a fait saliver grâce à un merlan au sésame avec un bouillon japonais à la datte, une purée de cèleri et de la semoule grillée. Intrigant à l’énoncé, surprenant aux premiers coups de fourchette mais extraordinaire de saveurs en bouche.
Et que dire de la Palouza, cette crème dessert algérienne sans œufs infusée à la feuille de figuier avec un compotée de melon ? Un délice !
A déguster le midi et le soir sur la terrasse habillée de nattes et guirlande colorées ou dans la salle principale où s’affichent photos familières et souvenirs de là-bas.
« Tout ici est une histoire de famille, jusque dans les assiettes façonnées par ma petite soeur, céramiste. »
Une deuxième salle aux allures de salon de thé oriental contemporain vous accueille également avec son mobilier tout en rondeurs et ses banquettes en coffrage à la chaux blanche. Elle a été réalisée tout comme le bar et le restaurant par l’artiste, sculpteur et designer d’intérieur marseillais Jordan Joevin. Maeva espère pouvoir ouvrir ce salon de thé en continu dans le futur si la demande le permet.
Le Petit Plus : Certains soirs Nassim, bassiste du groupe Rock SoVox (Lollipop records) programme des apéros musicaux « Cocktails et Kemia » au cours desquels dj’s et musiciens viennent enjailler la salle.
Par Eric Foucher / texte et photos