Quoi ? : Peintures, dessins, sculptures
Où ? : Centre de la Vieille Charité, 2 rue de la Charité Marseille 2e
Quand ? : 13 mai > 24 septembre 2023 du mardi au dimanche de 9h à 18h
Combien ? : 6 €/ réduit 3 €
Un lien ? : Cliquez-ici

Que sait-on vraiment de Fatma Haddad, artiste algérienne plus connue sous le pseudonyme de Baya ? Cette expo au Centre de la Vieille Charité faisant suite à celle de l’Institut du Monde Arabe permet enfin de tordre le cou aux idées fausses et montrer l’étendue de son immense talent.

La photo en couleur de cette jeune fille de seize ans posant devant ses peintures sous l’œil du photographe du Magazine Vogue semble terriblement contemporaine. Elle date pourtant de 1947 et accompagne un article qui lui est consacré par Edmonde Charles-Roux, future épouse de Gaston Déferre, le maire de Marseille, à l’occasion de sa première exposition monographique à la galerie Maeght.

Elle illustre parfaitement surtout le paradoxe Baya. Cette jeune artiste découverte très tôt par le célèbre marchand et galeriste parisien n’a pas souffert, comme d’autres femmes artistes, d’un manque de visibilité. Mais son travail, qualifié à tort « d’art naïf » ou « d’art brut » l’a très vite classé dans une mouvance orientaliste que l’Empire colonial

(rappelons que l’Algérie était encore française) se plaisait à entretenir.

« Les mots pour parler de Baya sont souvent piégés, car ils ressassent l’idée du miracle initial ou qualifient son art d’art naïf. L’un obère toute réelle historicité au regard de sa trajectoire et l’autre empêche de voir la singularité de son art, son raffinement, ses évolutions, sa dimension spirituelle » souligne Anissa Bouayed co-commissaire de l’exposition avec Claude Lemand.

La première monographie sur cette immense figure de l’art contemporain algérien qu’est Baya permet la redécouverte l’universalité de son art et combien elle fût importante pour l’art contemporain algérien mais aussi européen. Rappelons ici l’admiration pour ses peintures et son talents précoce que témoignèrent des écrivains et artistes comme André Breton, Albert Camus ou bien encore Pablo Picasso qui la croisa à l’atelier de céramique Madoura de Vallauris.

Les œuvres de Baya conservées au musée de l’Institut du monde arabe, celles de la donation Claude et France Lemand ont été enrichies par des peintures inédites exhumées des Archives nationales d’Outre-Mer d’Aix-en-Provence. Elles permettent de couvrir toutes ses périodes d’activité de 1947 à sa mort en 1998.

Depuis ses premières sculptures en terre réalisées dans la ferme horticole où elle travaille jusqu’aux émouvantes œuvres de 1998, en passant par l’introduction du thème de la musique à partir des années 1960 dans sa peinture, on découvre au fil des salles l’évolution de sa peinture.

Les articles de presse, la correspondance avec sa mère adoptive Marguerite Caminat, les croquis et les dessins permettent d’offrir un éclairage inédit pour comprendre comment cette jeune fille non scolarisée (comme 98% des filles « indigènes » de sa génération), est devenue Baya, jeune artiste maîtrisant à merveille les formes et des couleurs et créant un style bien identifiable qui la propulse dès l’adolescence au sommet de la notoriété.

Orpheline de père à 6 ans, de mère à 9 ans, Fatma Haddad (1931-1998) est remarquée à l’âge de onze ans par Marguerite Caminat venue en Algérie en 1940 pour fuir la France occupée. Elle embauche une institutrice qui lui apprend à lire et à écrire et lui fournit pinceaux et couleurs pour qu’elle se mette à peindre.

Très tôt,  elle se crée son nom d’artiste et nourrit sa personnalité et sa peinture de ce qui l’entoure : des poupées de tissus, des bijoux et parures, des animaux familiers. Elle n’est jamais dans un travail de copie mais réinvente son univers, joyeux, coloré et luxuriant. Sans le savoir elle célèbre déjà par ses motifs et bestiaire les traditions et le patrimoine algérien.

Mariée en 1953 au musicien El Hadj Mahfoud Mahieddine, elle s’arrête de peindre pour se consacrer à sa vie familiale (elle aura six enfants) pendant près d’une décennie. Sans jamais appartenir à aucune école, n’était-ce l’aventure du groupe Aouchem (Tatouages) en 1967 qui entendait connecter l’art contemporain aux sources de l’art africain, son aura grandi en Algérie comme à l’international où sa peinture symbolise une source d’émancipation de l’individu et un outil d’ouverture au monde.

A la fois ouvrage savant et livre d’art, le catalogue de l’exposition est un très bel ouvrage à se procurer à la librairie si vous aimez Baya pour comprendre son très riche parcours.

Le Petit Plus :Dans la Chapelle du Centre de la Vieille Charité une fresque participative va s’enrichir au fil de l’expo par les dessins de visiteurs et des scolaires.

Par Eric Foucher