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Couple à la scène comme à la ville, Pascale Bartoli et Thierry Lombardi ne parlent pourtant pas d’une seule voix. Leur agence, Architecture 54 est le fruit de cette complémentarité. Nous les avons rencontrés dans des nouveaux locaux chics et chaleureux qui leur ressemblent.

En décembre 2008, on appelle Thierry Lombardi pour valider un projet de tribune de quatre mille places sur la Circuit du Castelet en prévision d’une relance du Grand Prix de F1 en France. Alors installé à Bandol dans l’ancienne agence de Rudy Ricciotti avec son épouse Pascale, elle aussi architecte, le passionné de belles mécaniques répond au pied levé afin de ne pas rater la belle aubaine de ce qui sera (il ne le sait pas encore) une aventure au long cours. Il réalisera en effet tous les nouveaux travaux du circuit après cette date depuis les tracés des pistes jusqu’ aux nouvelles tribunes et centre de presse en passant par l’Hôtel-Spa du Castellet. Après un déménagement de leur agence à Marseille, s’en suivront une dizaine d’années riches en projets et rencontres, au cours desquelles ils affirment une signature pour leur agence (Architecture 54) qui fait la force de leur duo : la précision des dessins de Thierry et la compréhension historique, environnementale et sociale des lieux qu’ils investissent par Pascale qui a par ailleurs beaucoup écrit et enseigné sur le sujet (Elle vient de publier un ouvrage “Habiter les vacances” sur les cités de vacances varoises, comme terrain d’expérimentation pour l’habitat). Dans chacun de leur projet, depuis le restaurant Albertine jusqu’au restaurant d’entreprise au sommet de la tour la Marseillaise, ils revendiquent une architecture contextuelle et créative, une architecture du Sud. Année après années, ils ont construit un atelier qui fait travailler aujourd’hui dix collaborateurs. Architecture 54 a fêté ses quinze ans cette année et décidé pour l’occasion de déménager –  de quelques centaines de mètres seulement – dans le quartier des Antiquaires pour s’installer dans les anciens entrepôts Noilly-Prat.  C’est dans cet espace empli d’histoire qu’ils ont magnifiquement réhabilité que nous avons pu revenir sur leur parcours et discuter de leurs projets à venir.

Racontez-nous votre rencontre ?

T.L.  Après être diplômé de l’École d’architecture de Nantes,  je suis arrivé en 2000 chez Rudy Riccioti où j’ai passé 4 ans et rencontré celle qui deviendra mon associée, ma femme et qui est elle diplômé de l’École Supérieure d’Architecture de Marseille. J’ai enchaîné ensuite par un an et demi chez Christophe Gulizzi, pour vous dire comme je suis masochiste (rires). Après cinq ans en agence,  on a décidé de franchir le pas et de s’installer. Initialement prévue à Marseille où Pascale est née, a grandi et a obtenu son diplôme d’architecture, les premiers pas seront faits finalement à Bandol.

Et les débuts de l’agence ?

T.L. Démarcher, se créer un réseau relationnel, les débuts sont assez difficiles pour de jeunes architectes. Nous créons quelques villas pour des particuliers et des petites missions pas forcément complètes.

Le chantier du Castellet opèrera-t-il comme un déclic dans son développement ?

T.L. Oui. En 2008 Claude Sage, patron du Salon de l’auto de Genève et de Mc Laren Honda, décide de faire revenir le public pour redonner son aspect populaire à la formule 1, ce qui passe déjà par une grande tribune.  On me demande si je sais dessiner un circuit, c’est-à-dire traduire en termes de dessins toutes une série de contraintes techniques, fonctionnelles. Bien sûr  je n’avais à l’époque aucune expérience en la matière.  Mais comme pour l’architecture des bâtiments de restauration (comme Albertine ou le Petit Nice pour Passedat) où il faut comprendre le cheminement technique et le travail de chacun, on avait l’habitude de faire du sur-mesure. J’y suis donc allé au bluff. Pour acquérir un tel savoir-faire, je suis allé tous les week-end suivre les courses et mon pass All access et j’ai traîné dans les paddocks, les bords des pistes. Depuis le dessin de la petite piste école,  les missions se sont ensuite multipliées pour le cabinet d’archi (extension des stands jusqu’à 12 paddocks qu’exige la F1, trois nouveaux virages et en 2018 le centre de presse pour les grandes compétitions)

Les nouveaux locaux de l’agence traduisent bien votre approche d’une architecture vivante mais respectueuse du passé.

P.B. On a mis le local à nu en supprimant les faux-plafonds, les dalles en plastique pour révéler les briques, les parquets aux sols, les poteaux de fonte. On a décapé les jolies portes aussi pour dévoiler les traces du passé. Notre intervention a été de partitionner l’espace et d’apporter des volumes qui lui rendent honneur. Comme cette boite à l’entrée de nos locaux qui disparaît derrière un miroir en même temps qu’elle agrandit l’espace. L’ouverture de la façade et ce jeu sur la disparition du volume permet de laisser passer le plafond et de cacher le vestiaire et les zone techniques (stockage, photocopieur) du secrétariat de l’entrée.  Les chemins de câbles apparents et le positionnement des luminaires permettent de magnifier l’esthétique industriel du milieu. Dans la pièce principale avec son parquet qui craque comme dans une vieille bibliothèque, on y a tout de suite vu la salle de dessin. C’est pourquoi on y a installé d’ailleurs cette table 6 mètres et des rayonnages comme une matériauthèque.

D’où viennent vos inspirations ?

P.B. En manipulant des échantillons de pierre, de céramique et de bois glanés auprès d’artisans, j’ ébauche une histoire (ndlr : On trouve de nombreux échantillons des matières sur les linéaires).

De nombreux architectes commencent par le dessin. Nous ce sont souvent les matières qui vont orienter nos choix de constructions.

Thierry collectionne les carottes de béton ou de pierre qui permettent de passer les gaines comme souvenirs tangibles d’un chantier. Il y a aussi l’idée de détournement, évoquer une tradition sans pour autant être trop littéral. Aller déjeuner Chez Albertine (ndlr : restaurant aux Docks aujourd’hui fermé) comme on irait un dimanche chez sa grand-mère c’était retrouver une ambiance familiale en Provence. Une salle à manger très coquette à l’intérieur mais rustre à l’extérieur.

Résidentiel particulier, hôtellerie, restauration et projets d’exception : comment choisissez-vous vos clients ? Travaille-t-on de la même façon pour chacun ?

P.B. On ne choisit pas vraiment ses clients, même si maintenant nous essayons de faire connaissance, de trouver des points communs, des envies partagées – que cela soit dans la vison du projet comme dans la méthode de travail – avant de nous lancer dans une aventure.

Qu’est-ce qui, selon vous, caractérise le mieux l’architecture ici ? N’avez-vous pas peur justement d’être catalogués « architectes du sud »?

P.B. Architectes du sud, c’est un titre que nous arborons avec une grande fierté.

La modernité architecturale est résolument ancrée depuis son origine dans la tradition méditerranéenne, les matières brutes, la simplicité des volumes, les jeux d’ombres et de lumière la caractérise.

Passer d’une petite agence à une dizaine de collaborateurs, n’est-ce pas beaucoup de pression ? Travaille-t-on toujours de la même façon ?

P.B. Pendant des années, nous avons travaillé seuls ou avec un ou deux collaborateurs. Aujourd’hui on a la chance de pouvoir transmettre, former des jeunes architectes. Le travail en équipe est très stimulant, porteur de renouveau, d’énergie, même si la pression est le prix à payer.

 

Quelles sont les réalisations qui vous ont donné le plus de fils à retordre ?

P.B. Les réalisations les plus difficiles ne sont pas toujours les plus grandes. On y est souvent bien entourés techniquement. La plus compliquée ? Notre maison ! Il fallait renoncer à toute les possibilité pour n’en retenir qu’une ?

Il y a une forte dimension narrative dans vos projets ? Un bâtiment raconte-t-il forcément une histoire ?

P.B. Un bâtiment, c’est toujours une histoire humaine, de construction d’abord puis un lieu qui abrite.

De quoi êtes-vous le plus fiers après ces quinze ans d’activité ?

P.B. De ne jamais avoir baissé les bras.

Quels sont les beaux projets en cours ?

P.B. La réhabilitation d’une maison de pays dans les Alpes, une villa au Cap Bénat accrochée à la falaise.

Quel est le bâtiment que vous rêveriez de réhabiliter ?

P.B. Un couvent isolé dans un forêt pour en faire un restaurant.

Vos trois ou quatre adresses fétiches à Marseille? 

Joggingune boutique des mode, une épicerie, des amis.

Tuba Club où nous nous retrouvons pour y dîner maintenant chaque année avec nos collaborateurs.

Le Château Borély, le Musée des arts décoratifs aménagé par l’agence parisienne Moatti Rivière. La collection est incroyable tout comme les expositions temporaires.

La Basilique Notre Dame de la Garde car nul autre lieu ne représente mieux le Marseille populaire. Et la vue est époustouflante …

 

Propos recueillis par Eric Foucher / Photos : Portraits EF ,  Réalisations Caroline Chevalier, Marie Chemin et Olivier Amsellem (Architecture 54)