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Du gris au bleu, son horizon a changé de couleurs en passant des Flandres à la Provence. Mais Nathalie Dewez ne s’est jamais départie de la créativité qui fait la force de son pays natal, et lui permet de décliner son talent de mille façons. Belge de jour et belge la nuit. Lumière sur une designer de grand talent.

Installée à Marseille depuis 2018, la belge Nathalie Dewez se compare volontiers à la figure locale du poulpe pour son côté touche-à-tout dans la création. Architecte d’intérieure de formation (École de la Cambre à Bruxelles), elle s’est ensuite très vite distinguée dans l’univers du design d’objet (principalement les luminaires) mais aussi par son sens de la pédagogie et du conseil. Après avoir enseigné aux Beaux-arts de Marseille, elle a participé au commissariat de la section Design du salon Art-O-Rama, aidé au lancement et développement du concours Design Art Prize pour Sessùn tout en continuant à dessiner des meubles et des éclairages pour des boutiques, hôtels et collectivités. Aussi discrète que travailleuse, elle espère pouvoir ouvrir dans le futur un atelier collaboratif autour du design. Nous l’avons retrouvé chez elle, sur la magnifique terrasse de son pavillon du quartier de la Timone. Étrangement coincé entre de récents programmes immobiliers, il est comme une poche de résistance du beau au cœur d’un plan d’urbanisme ingrat. Elle y possède son atelier et organise régulièrement des apéros dînatoires où se côtoient créatifs et talents en tous genres.

Du petit objet au design lumineux d’une ville, tu travailles à plein d’échelle différentes. Est-ce un choix ?

A la base mon métier c’est designer. Mais vu que j’ai une formation d’architecte d’intérieur (École de la Cambre) et pas de design produit, j’aime bien travailler aussi l’espace pour des bureaux, commerces, halls d’entrée d’entreprise. J’ai fait beaucoup de salons du design (Milan et d’autres) pour rencontrer des éditeurs comme le font tous les jeunes designers au début de leur carrière. Dans ce cadre,  j’ai dessiné pour eux des objets qu’ils produisaient et éditaient. Mais en parallèle, j’ai très vite travaillé avec des agences d’architecture directement pour produire des objets sur mesure, principalement des luminaires.

Je travaille pour que tous les jours ne soient pas les mêmes. Je suis un peu comme un poulpe menant de front plusieurs projets 😉

 

Peux-tu justement nous raconter ces journées ?

Les journées d’un designers se suivent et ne se ressemblent pas, en tout cas pour moi. J’ai toujours travaillé à la fois sur des projets en séries comme sur des pièces uniques, sur des installations de grandes tailles comme sur de petits objets.
Les production expérimentales côtoient les projets en séries et c’est ce qui me plaît.  Dernièrement, je travaillais par exemple sur un projet de mobilier pour des hôtels qui seront exposés au prochain salon EquipHôtel à Paris, à des éclairages pour des particuliers – une mission très récurrente – mais aussi à l’éclairage du centre-ville Courtrai en Belgique avec l’agence d’architecture 51N4E pour lequel nous produisons des luminaires sur-mesure. Cette dernière mission n’est pas facile mais très intéressante, car il s ’agit d’éclairage extérieur, public et pérenne. Il faut rechercher les matières, réfléchir au process de fabrication, aux normes environnementales, etc. Ça fait partie des projets de longue haleine.

De quoi te nourris-tu pour tes créations ?

Surtout de visuel. J’adore aller voir des expositions. Mais tout peut être une source d’inspiration, y compris les plantes.

Qu’est-ce qui t’a donné l’envie de venir à Marseille ?

J’adorerai dire l’amour, mais ce n’est pas cela (rire). Les Beaux-Arts de Marseille m’ont invitée pour une conférence il y a quelques années, puis à donner des cours. J’ai commencé à faire des aller-retours depuis Bruxelles pendant 6 mois. Je me suis dit que Bruxelles n’était pas si loin si je devais revenir (5.30 en TGV). J’ai finalement été très heureuse d’avoir déménagé un peu avant la période du Covid. Dans mon métier, on a très vite pris l’habitude de pouvoir travailler depuis partout avec des clients de tous horizons aussi.

Quelle perception as-tu  maintenant de Marseille en y vivant ?

J’ai tout de suite été fascinée par la lumière, le bleu du ciel. Elle est vraiment magique ici, un truc hyper particulier et différents des autres villes du sud. Le minéral, la roche, le mistral sans doute.

Cette lumière de dingue, chaude et enveloppante en été, rasante et éclatante en hiver, je n’ai vu ça nulle part ailleurs et ça ça change vraiment la vie.

Qu’est-ce qui te manque de Bruxelles et de l’Europe du Nord ?

J’aurai envie de te dire la rigueur et l’adaptabilité. J’ai redécouvert la culture Belge en étant ici, depuis l’extérieur.

Il y a quelques choses d’assez incroyable avec ce petit pays (i.e la Belgique) qui a connu toutes les influences (françaises, hollandaises, allemandes).

Il y a une ouverture et une facilité à s’ouvrir aux autres, ne serait-ce que par la langue – tout le monde en parle deux ou trois. Il y a quelque chose de très directe avec les gens, ce qui est très sain.  Même si j’adore la France, elle se prend encore un peu pour le nombril du monde.

Quelles sont  les  luminaires qui t’ont fait connaître ?

Il y a cette lampe à balancier. L’idée était d’intégrer le transfo au design de l’objet. En l’utilisant en contrepoids, j’ai fait disparaître le laid. Il y a aussi le lampe « Delta »,  la lampe à poser ou  la « Car Light  » chez Ligne Roset en verre  inspirée des pharesde voiture, ou bien encore la « Still » chez Delta Light qui se présente comme un mobile.

Pourquoi ce choix de maison ?

Oui sans doute, y compris dans le choix de cette maison à Marseille Je préfèrerai être excentrée du centre-ville pour avoir des grands espaces. Je suis installée dans un bureau-atelier de 70 mètres carrés qui se trouve chez moi. C’est un lieu que j’ai cherché longtemps à Bruxelles sans le trouver offrant une vie privée et professionnelle  proche. Avec des entrées différentes cela permettant de bien séparer les deux domaines quand nécessaire.

Cette maison permet plein de chose : vivre, travailler et recevoir. Régulièrement, j’y organise des apéros pour faire se rencontrer les gens.

Quels sont tes projets du moment  ? 

Je suis en train de mettre en place une exposition qui aura lieu en novembre prochain à la galerie La Traverse à Marseille sur la thématique du ré-emploi, un sujet qui me semble incontournable aujourd’hui pour l’avenir de toute production. Un teaser de cette exposition qui présentera plusieurs designers sera installé sur un espace de la section Edition du salon Art-O-Rama fin août prochain à Marseille.

 

Quels sont les lieux où tu aimes déjeuner, t’inspirer ou te balader à Marseille ? 

A Marseille, j’aime le poissonnier Chez Yves (Place Sébastopol) qui est d’accord de vous vendre des sardines en filet (!) le luxe suprême, et puis j’adore le Royaume de la Chantilly où on vend des barquettes de chantilly incroyable, le gros kif ! J’aime découvrir des montagnes (ndlr : le nom que donne à nos collines les gens du plats pays 🙂 et des vues mer en sortant d’une impasse improbable ou au détour d’un boulevard quand je ne m’y attends pas.

À Marseille, il ne faut s’attendre à rien et on est toujours surpris.

J’aime le mélange des cultures, le fait qu’on mange à la fois des couscous de fou et des pizzas incroyables que ce soit Chez Etienne ou chez Jean-Claude, le camion de pizza devant chez moi. Qu’on boive du super vin fait ici à côté et distribué par mon voisin (Blend Wine and Spirits) mais aussi du pastis et qu’on visite l’usine ici derrière (Cristal Limiñana) qui fait la meilleure boisson anisée sans alcool que j’ai jamais goûté.

Propos recueillis par Eric Foucher / Photos E.F sauf dernière Victoria Nossen pour Sessun Bruxelles.