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Six ans après son dernier Album "Valdevaqueros", Fred Nevché continue de tailler la route d’un itinéraire musical de plus en plus intérieur. "Emotional Data" nous plonge dans une bulle intime et douce pour raconter le monde agressif et parfois hostile qui nous entoure.

Poésie, musique, images, Fred Nevché aime toucher à tout et prendre le temps de mûrir ses projet à la faveur de multiples rencontres avec d’autres écrivains, musiciens et artistes. Lui qui n’aime rien tant que les métissages de cette ville qui l’a vu naître d’un père arménien et d’une mère espagnole. A la faveur d’un retour en grâce de la chanson à textes – et oui ce n’est plus un gros mot – auquel il a contribué à travers la Coopérative, le label Grand Bonheur et le festival Avec le temps , ses balades cinégéniques nous trimbalent dans les décors de son quotidien ou dans les méandres de sa mémoire interne. C’est ce que semble vouloir traduire dire le titre et la pochette de son nouvel album Emotional Data figurant son portait sur fond de circuit imprimé. Spoken words, chants, instrumentaux alternent durant onze titres ciselés avec son équipe première à Marseille, Paris et les mythiques studios de Miraval où sont passées des figures tutélaires comme les Pink Floyd ou Alain Bashung. Les technologies dernier cri se mettent ici au service de sonorités analogiques, d’un mélange de douceur et force dans la voix, les rythmes et les synthétiseurs. La dernière chanson (Demain) résonne comme une injonction à protéger l’avenir. « Il va falloir occuper l’espace de la beauté, la gentillesse, l’invention, le rêve et la lumière » dit-il. Et il le fait très bien pour sa part !

Il s’est passé presque 6 ans entre ce nouvel album et le précédent ? Pourquoi autant de temps ?

En vrai, j’avais pas mal de choses déjà en cours, ou d’envies, et je me suis laissé porter par les rencontres et les choses du moment. J’ai imaginé une version musique baroque de l’album Valdevaqueros, puis j’ai sorti un album concept avec French79 en 2021 autour de Lou Reed, The Unreal Story of lou Reed, un EP de 4 titres autour de l’histoire de la Villa Valmer, intitulé Villa Valmer en 2023, et quelques featuring sur les disques d’autres artistes comme Kraak & Smak en 2021, Schvedranne en 2023. Je ne me suis pas posé véritablement la question de l’urgence à sortir un nouvel album sous mon nom.

Que veux-tu dire à travers le titre « Emotional Data » ?

Comme son nom l’indique, c’est un recueil de données émotionnelles, une façon de dire que derrière les écrans, il y a l’émotion, de l’humain, tout ce qui nous touche.

En dessous ou plutôt au-dessus de la machine il y a les êtres humains, fait de chair et de sang, d’émotions.

Tu restes fidèle à pas mal de personnes pour ce nouvel opus (Simon Henner, Martin Mey, Sébastien Germain, Julien Sabourin). En quoi c’est important cette famille quand tous les remparts semblent s’écrouler ?

Quand tu rencontres des partenaires avec qui le travail est fort, émouvant, complice, et que tu te mets avec eux à chercher l’équilibre esthétique de ta musique, tu as envie de continuer parce que cela se passe bien, et qu’au-delà du travail il y a le plaisir et l’excitation de faire quelque chose de chouette. Faire de la musique avec ces personnes est vraiment une grande expérience dans ma vie. J’aime bien les équipes réduites en ce moment, chacun y a une place et tout le monde travaille ensemble.

Tu dis écrire et enregistrer souvent la nuit entre ton studio (Unité) et celui de Simon Henner (Paradis) ? Un besoin de se mettre dans une bulle dans une ville très agitée ?

Oui, la nuit c’est si bien, tout le monde dort ou presque, tout retombe, tout devient silencieux, on se peut se concentrer sans être interrompu par le quotidien, c’est merveilleux.

La nuit je me sens plus courageux, pour écrire, composer, la nuit apporte beaucoup de lumière, de magie, de connexion avec les émotions.

Une fois n’est pas coutume, tu t’empares du texte des autres comme le Goncourt 2018 Nicolas Mathieu et la poétesse Mylène Tournier. Pourquoi les avoir choisis et en quoi est-ce différent de chanter ou dire les mots des autres ?

J’aime aller vers les autres auteurs, les autres en général. J’aime rencontrer de nouvelles personnes. Je passe beaucoup de temps à parler avec les gens que je ne croise parfois qu’une seule fois, c’est ainsi. Nicolas et Mylène se sont imposés à moi pour l’écriture d’Emotional Data. Je les avais rencontrés par l’intermédiaire d’amies. J’avais beaucoup aimé Nicolas Mathieu « Leurs enfants après eux » et ses post Instagram, d’ailleurs les deux textes de Nicolas qui figure sur mon album ont été publier dans son livre « Le ciel ouvert ». Quant à Milène, je l’ai rencontré au festival Midi/Minuit de la maison de la poésie de Nantes. Elle faisait une performance, et c’était magnifique !

La lumière est un thème qui revient souvent chez toi. C’est aussi le titre d’une chanson hommage à un ami photographe mort trop tôt. Un besoin de conjurer la noirceur des ténèbres qui s’approchent trop près de nous en ce moment ?

Oui, traquer la beauté, mettre de la lumière dans chaque chose, de l’amour, de la fraternité, mais aussi de la fermeté et de l’intransigeance face à ces ombres noires, j’imagine que tu parles de l’extrême droite, de la guerre etc…

On ne peut pas se contenter de liker ou de mettre un cœur sur un écran.

Quel est ton luxe de musiciens aujourd’hui : pouvoir passer de ton petit studio à celui mythique de Miraval dans la même journée ?

Non, mon luxe, c’est de faire ce métier que j’ai choisi, j’en connais la précarité, la difficulté pour gagner de l’argent avec. Les disques ne se vendent plus et il est très difficile de trouver des concerts. Le reste dont tu parles, c’est, comment dire, des rêves qui se réalisent, qui se réalisent parce qu’on va les chercher avec mon équipe.

Il faut rêver très fort et mettre tout en œuvre pour aller vers les choses que tu as rêvé de faire.

Ton portrait figure sur la pochette de l’album et l’un des très beaux clips de l’album est plein cadre sur ton visage. A 50 ans, ce temps était-il nécessaire pour oser regarder ton public dans les yeux ?

Je m’étais effacé des outils de communications, oui. Puis cela nous a semblé évident que pour parler d’émotions, de données émotionnelles il fallait regarder les gens droits dans les yeux.

Spoken words, chants, instrumentaux et morceaux de 39 sec’ seulement (la Chanson de Jim et Gary), tu ne sembles rien vouloir t’interdire. Briser les formats convenus et les codes restent le but de l’artiste ?

La liberté dans la création est essentielle, elle répond chez moi à un équilibre, un fil discret qui passe entre chaque chanson dans un album et les relie entre elles. Je dirai qu’au-delà de briser les formats, c’est d’en trouver un qui correspond à ce que tu veux dire. Et chez moi cela passe par cette liberté de mouvement oui, de temps, de construction, de mise en relation.

Je conçois mes albums ou mes concerts comme un récit, une histoire.

Tu vas partir en tournée pour présenter ton nouvel album. Comment abordes-tu le live sur scène et à quoi nous attendre ?

J’adore la scène, c’est mon élément. Cette fois ci ce sera un live/video et lumineux reprenant les circuits imprimés de la pochette, c’est assez spectaculaire !

Propos recueillis par Eric Foucher / Photos dans le studio EF