Quoi ? : Créatrices de bijoux artisanaux et éthiques
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Quoi de plus merveilleux qu’un bijou comme prétexte à la rencontre. Ceux de Jourca signent la rencontre entre deux femmes, passionnées de cultures et d’artisanats à préserver comme autant de trésors.

Comme souvent dans notre beau pays, l’histoire débute au coin d’une table de café dans un joli comptoir du boulevard Longchamp. Joanne Journée et Pénélope Cadeau, deux jeunes femmes revenues de pas mal d’aventures s’imaginent toujours en partance pour une nouvelle marque de bijoux et créer des ponts avec la mode de façon respectueuse et raisonnée. Leur premier terrain d’échanges se trouve aux confins du Kenya et de la Tanzanie, chez la Massaï dont les histoires vont nourrir leurs premières créations.  Mais aux schémas classiques du coût de revient produit  (matériaux, main d’œuvres, charges, taxes) les deux entrepreneuses ont décidé d’ajouter d’autres paradigmes comme la propriété intellectuelle et l’impact social, etc. Rencontre en terres éthiques…

D’où vient cette première collaboration avec des femmes Massaï?

Pénélope Cadeau : J’ai habité huit ans en Asie où j’avais ma marque de bijoux (La Fiancée du Facteur). Puis je suis partie travailler dans une ONG en Tanzanie en tant que designer de bijoux où j’ai rencontré des Massaï. Certains, avec qui je suis devenue proche, m’ont demandé de les aider à leur faire évoluer leur design qui étaient les mêmes depuis très longtemps. Là-bas seules les femmes fabriquent des bijoux et elles voulaient prendre des cours pour proposer aux touristes des modèles plus actuels et mieux vendre. J’ai réalisé qu’il y avait quelque chose à proposer pour les aider.

Jourca, c’est l’union de deux noms (Journée et Cadeau). Racontez-nous cette rencontre ?

P.C : Je suis revenu en France au terme de mon contrat en Afrique et j’ai rencontré Johanne. J’avais les idées et  les circuits de fabrication. Elle a permis le développement de la marque.

J.J : Je ne venais pas du tout de cet univers là. Par contre,  j’avais l’habitude du montage de projets (ndlr : elle a travaillé au Mucem précédemment) et une vision un peu plus transversale pour développer notre marque.

Une des idées importantes du projet est celle de l’échange interculturel…

P.C : Ces pays ont de longues traditions dans la fabrication des bijoux. Ces femmes m’ont beaucoup appris techniquement mais leur culture ont a beaucoup nourri mon imaginaire. Moi je leur ai apporté des savoirs au niveau du dessin d’un bijou.

J.J : On n’est pas dans l’idée d’un charity business.  On voulait vraiment qu’il y a un équilibre et ça s’est fait naturellement. A ce stade du projet ce que l’on veut déjà, c’est préserver ces savoirs et ces traditions en les intégrant à nos designs. C’est aussi une façon d’en parler. Ce sont bien sûr eux les gardiens mais nous pouvons êtres des passeurs.

Vous veillez d’ailleurs à ne pas piller ces savoirs… Vous parlez d’inspirations croisées

P.C : Oui, on travaille effectivement avec une ONG  à définir ce partage dans la propriété intellectuelle et à la façon de pouvoir reverser une participation aux communautés avec lesquelles on travaille quand on s’inspire de leur culture.

Jourca, c’est plus qu’une marque ?

J.J : Oui c’est un projet de développement que l’on souhaite mettre en place afin de pouvoir apporter notre expertise en termes d’artisanats locaux. La Tanzanie est un projet pilote, mais on peut imaginer cela dans plein d’autres lieux dans le monde.

Le potentiel est énorme …

P.C : Oui la culture du bijou existe dans plein de pays et de communautés dans le monde, de l’Amérique latine et au Moyen-Orient Comme on a beaucoup voyagé déjà toutes les deux, il y a des cultures qui nous font plus envie que d’autres comme le Népal par exemple. L’Amérique latine que Johanne connait bien nous intéresse beaucoup aussi pour leur culture du tissage. Comment l’intégrer à nos bijoux ?

Là-bas comme en Afrique, c’est raconter des histoires…

J.J : Comme pour les parures des Massaï, les motifs et les couleurs ont un sens. Porter un bijou n’est pas purement ornemental. Ça raconte beaucoup plus que cela : l’appartenance à une communauté,  un statut social, etc.

P.C : En plus c’est très évolutif et mouvant car les nouvelles générations en habits traditionnels sont aussi à fond sur leur smartphone  et apportent de nouveaux codes.

La communication est-elle facile ?

P.C : Je baragouine un peu le swahili (langue tanzanienne) mais je ne parle pas le dialecte Massaï. Alors je me faisais aider par une traductrice.

L’idée in finé n’est-elle pas de donner aux femmes les armes de leur indépendance ?

P.C :  Tout comme l’ONG tanzanienne (qui a déjà développé un programme) on n’arrive pas là -bas en donneuses de leçon auprès des Massaï. On propose aux femmes exciseuses des activités leur permettant de subvenir à leurs besoins financiers.

J.J : On ne peut pas leur promettre le développement de leur business car chaque femme est différente. Être entrepreneur c’est un tempérament, c’est partout pareil. Certaines le seront, d’autres pas.

 

 

Vous avez un regard sur la culture Massaï, mais comment eux voient la vôtre ?

P.C : Ils n’ont malheureusement pas vu toutes le première collections car on n’a pas eu l’occasion d’y retourner.  Mais on sait qu’ils étaient assez excités à la vue des premières pièces qui sont passées de mains en mains dans les familles. Ils sont super ouverts, enthousiastes et réceptifs. Ils apprennent, on échange.

La crise Covid a-t-elle changé beaucoup la donne ?

P.C  (rires) : On est devenues les maîtresses du plan B. On a de la chance d’avoir une amie designer qui vit en Tanzanie et parle couramment le swahili.  Elle a accepté d’apporter un proto qu’on lui avait envoyé et de  superviser une micro-série de manchettes avec une finition argent que l’on souhaitait proposer aux hommes (et dont les femmes raffolent).

J.J :  On n’a pas pu produire toute la collection prévue et donc nous concentrer davantage sur la fabrication des bijoux en France avec des artisans de Vitrolles, Montpellier et à côté de saint Etienne.

Jourca semble un beau projet humaniste mais vous avez pris soin aussi de bosser votre business model…

J.J : Nous avons intégré Intermade, un incubateur de projets d’économie social et solidaires basé à la Friche Belle de mai et une promotion baptisée « Starter ». C’est une étape importante juste avant la couveuse pour t’aider à poser les bases de ton business et te mettre sur les bons rails. Nous avons eu la chance d’avoir un super formateur (Benoit Babinet) qui nous a même donné le goût de la gestion financière (rires).

Quels sont les prochains objectifs en termes de développement avec d’autres cultures?

J. J : Il faut que l’on arrive à définir des droits d’auteurs intégrés aux bijoux fabriqués par ces femmes. On veut aussi intégrer des structures qui mesurent l’impact social (avant/après), la  self-estime, amélioration des conditions de vie mais qu’il faudra adapter aux terrains et aux populations concernées.

P.C : Nous on arrive avec notre structure de langage, nos façons de penser. Les leurs ne sont pas du tout les mêmes. Il est question qu’on développe des ateliers en définissant les besoins de chaque population.

Si vous deviez dresser un bilan après un  an d’activité ?

P.C : Très sincèrement,  on ne s’est pas trop plantées (rires).  On est parti ensemble en Tanzanie et on a pris le temps de se connaître, de définir ce que l’on voulait. On n’était pas amies avant. On ne se connaissait pas.  Notre expérience et notre âge à beaucoup joué aussi. A 30 ans, on n’aurait j’allais pu monter cela.

J.J : On a eu la chance d’être entourée de plein de gens bienveillants qui aimaient le projet et sont venus nous aider et nous soutenir (comme Julie Lagier photographe de la dernière collection ou Jocelyn Meire du réseau FASK). Durant l’été on a diffusé sur nos réseaux sociaux pas mal de pastilles vidéos de personnes qui nous ont poulinées à nos débuts pour nos images, montages, etc.

P.C : C’était une année particulière, tout a carrément été stoppé et on a réussi à rebondir à chaque fois. On a dû se remettre en question sans cesse et quelque part, sans remercier le Covid pour autant, cette situation nous a obligé à être prudentes, à  anticiper. Ça nous a rendu plus fortes. Sans cela on aurait lancé notre crowfunding et nos collections trop tôt.

P.C : Ce dont je suis la plus fière,  c’est qu’on est restées à nos valeurs de départ. A aucun moment on ne s’en est écartées pour faire plus d’argent.

Découvrir la première collection « Histoires Massaï : la Rencontre » ICI

Propos recueillis par Eric Foucher / Photo Portrait © Melissa Sadouni / Les Autres © Jourca