De femme ici, on a toujours beaucoup entendu parler dans la culture populaire. Mais plutôt celle du boulanger. Il faudra maintenant à s’habituer à celle du boucher. Rencontre dans le nouvel antre de la bonne chère.
Ah la barbaque, la bidoche, la bonne viande, … On ne peut pas dire qu’elle avait bonne presse ces derniers temps. La faute à des filières d’importations de viandes étrangères sous stéroïdes, d’éleveurs peu respectueux du bien-être animal, des prix qui s’envolent et des courants véganismes à la tolérance proche du zéro ? Un peu de tout ça mon capitaine ! Si bien qu’on l’avait un peu négligée sur les bonnes tables marseillaises, n’étaient-ce quelques bonnes côtes de bœuf de l’Aubrac ou des côtelettes d’agneau de Sisteron ici et là. Laetitia Visse, marseillaise d’adoption depuis deux ans et normande d’origine, ne l’avait, elle, pas oublié depuis ces repas de famille où la bonne pièce de viande ramenée par le paternel avait toujours sa place sur la table. Rencontre dans son nouvel antre, la Femme du Boucher, eden des meat lovers.
D’où te viens cette passion pour la bonne chère et les produits du terroir ?
J’ai grandi à Paris mais je suis d’origine normande, élevé au fromage blanc, crème et confiture de lait (rires). J’ai toujours eu le souvenir de repas de famille avec une belle pièce de boucher ramenée par mon père. Et puis ces andouillettes !
Ta formation t’a-t-elle préparé à ça ?
Non. J’ai étudié à Ferrandi (ndlr : École française de gastronomie) où j’ai beaucoup appris sur la cuisine gastro et l’étoilée. Mais j’ai dû mettre de côté cette cuisine familiale qui me plaisait tant.
Comment es-tu revenue vers ta passion première ?
J’ai rencontré un chef qui s’appelait Thomas Brachet et qui bossait alors au Beef club. Il m’a beaucoup appris. On recevait les aloyaux entiers qu’on faisait maturer en chambre froide. Un boucher venait aussi toutes les semaines pour la découpe de viande. J’ai découvert qu’on pouvait avec des gros jus de viande ou simple béarnaise maison faire des plats succulents.
Vous êtes ensuite devenu un joyeux binôme…
Quand il a ouvert son restau les Arlots à Paris, il m’a proposé de venir bosser avec lui. Je suis devenue sa seconde durant trois ans. Il a acheté à l’époque un vieux manuel de charcuterie et on a commencé à faire tout nous-même car ça nous faisait kiffer. Quand il m’a dit que des gens allaient venir de tout Paris pour manger une saucisse purée, j’ai cru qu’il avait pris le melon. C’est pourtant ce qui s‘est passé !
Comment se sont passés tes premières expériences locales ?
J’ai commencé par une adresse bien connue ici. Le bistrot de La Relève. Gregory Hessmann l’un des patrons m’a demandé « Qu’est-ce que tu veux pour ton anniversaire ? » Je lui ai dit « un poussoir à saucisse !». Il n’était pas très chaud au départ pour faire des têtes de veaux et du boudin par exemple, cela en raison des habitudes culinaires ici et du climat. Mais le pari a fonctionné jusqu’à ce le bâtiment soit frappé d’un arrêté de péril et qu’on se trouve tous le bec dans l’eau.
Que s’est-il passé pour toi ensuite ?
J’ai monté ma société pour être cheffe invitée dans des restaurants et sur des événements (comme au Bistrot ciné la Baleine). Rapidement, j’ai compris aussi qu’après avoir travaillé avec Brachet que j’avais une vision de la cuisine qui dénotait un peu. Je n’avais plus envie de faire de concession sur la qualité de mes produits ce qui sous-entend pour un patron que la marge sur les plats est beaucoup plus faible.
Ça a été le déclic pour ouvrir ta propre affaire et gérer les coûts à ta façon ?
Oui et des chefs comme Emmanuel Perrodin que je côtoyais sur nombreux événements m’ont poussé en ce sens. On ne peut pas tricher. La saucisse si elle est bonne c’est parce que le cochon que je mets dedans défonce. Rien de plus que de plus que du cochon, un peu d’assaisonnement et très peu de sel. C’est pareil pour tout ce que je sers, y compris la petite grillade de porc.
Un bon approvisionnement est déjà la base du métier. Tu te fournis où ?
Mon boucher (Jean Denaux) vient de Sens et je suis la seule que sa maison livre à Marseille Il a une sélection de viandes qui me convient avec une belle maturation. Quand j’ai besoin de trucs un peu farfelus comme trois kilos de couilles d’agneau – quoi que pour lui ça ne l’est jamais (rires) – je l’appelle et je sais qu’il va m’en trouver. Idem pour le gibier qui est un peu compliqué à trouver ici. Je sais que lorsque c’est la saison il peut me fournir en lièvre, je vais pouvoir me régaler. Les fruits et légumes viennent de Terre de Mars et de petits producteurs sur le marché du cours Julien.
Tu développes aussi une activité de caviste bien complémentaire à tes produits ?
Oui mais je ne la pousse pas trop pour l’instant car ni moi ni le personnel en salle ne savons bien parler de nos vins. J’attends de trouver la bonne personne pour cela. C’est le « Vin des potes » qui a fait la sélection que j’ai tous goûté bien sûr. Des vins bio ou nature car il faut arrêter de servir du poison aux gens, que ce soit sur le vin et les produits. On arrive à faire très bien sans produit chimique.
Comment vois-tu le développement de ton enseigne ?
J’aimerais développer l’aspect traiteur dans la partie boucherie à l’avant du restaurant pour vendre nos charcuteries (terrines, saucisses, boudins, etc.. ) des bocaux (on me l’a demandé pour des pieds paquets) mais aussi des fromages et pourquoi pas et une gamme de bons sandwiches par exemple.
Le restaurant est grand mais ne possède pas d’extérieur. Un pari à Marseille ?
Je voulais ouvrir mon restaurant dans une ancienne boucherie. J’ai pas mal cherché avant de trouver cette adresse qui avait déjà été transformée en restaurant par un boucher il y a de nombreuses années mais qui était fermée depuis deux ans après avoir été repris. Elle est grande, n’a pas de terrasse mais un patio lumineux et climatisé pour les chaudes journées alors c’est un atout aussi.
Propos recueillis par Eric Foucher
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