Cuisine plurielle dans ses inspirations, généreuse dans sa façon d’être partagée, respectueuse du vivant et du local dans ses recettes, Forest a tout pour séduire les amoureux d’une cuisine méditerranéenne moderne et solaire.
Quatre ans déjà que ce coin-là des Voûtes avait été déserté par les commerces de bouche. Si les restaurateurs précédents ne nous avaient pas laissé de souvenirs impérissables, on se languissait de revoir fleurir les terrasses sur la partie gauche de la place Albert Londres.
Avec Forest et Andia, c’est sur le groupe Moma qui repose tous nos espoirs de retrouver des bonnes tables sous la Cathédrale Sainte Marie-majeure, somptueuse dans sa robe néo-byzantine et enfin dépoussiérée.
Comme un clin d’œil à la vieille dame qui la surplombe, Forest, la première adresse à remettre le couvert, revisite elle aussi la Méditerranée et le Levant. Mais côté cuisine cette fois, avec fraîcheur et bonne humeur, comme le jeune chef autodidacte qui l’incarne.
C’est en effet au sémillant Julien Sebbag que l’on doit la carte originale de Forest. Après Paris au Musée d’art Moderne et avant Bruxelles, cette deuxième adresse n’a fort heureusement rien d’un copier-coller de la première. Bien au contraire, celle-ci reflète avec bonheur le côté solaire de la ville et s’est adaptée au terrain confie son instigateur.
« C’est une cuisine sans cliché, qui aime les produits et artisans locaux et reflètent les différentes facettes de la culture marseillaise ».
Jouant sur un camaïeu de teintes chaudes ocre-orangé, le décor du restaurant signé Uchronia est une vraie réussite visuelle.
Depuis la terrasse aux superbes luminaires jusqu’au comptoir du fond de salle en briques de terre cuite sous une verrière art d’inspiration Art nouveau (l’un des rares éléments conservés de l’ancien décor) en passant par les tables en olivier et les murs à la chaux, le cadre dans sa globalité respire le naturel, souligné par les fresques végétales colorées de l’artiste Florent Groc.
A côté des grandes tablées pour des retrouvailles gourmandes, des alcôves plus intimistes aux lumières douces et aux teintes marines font de l’œil à la Grande Bleue toute proche, tout comme le banc d’écailler à l’entrée de l’établissement où la pêche locale à la part belle.
Quand Thomas et Alix vous accueillent tout sourire dans leur établissement, vos pupilles sont déjà emballées par le décor. Reste maintenant à conquérir les papilles. Et ça, c’est le boulot de Guillaume, le chef à demeure et de toute sa brigade perchée en mezzanine.
Les premiers plats arrivent en farandole dans les jolies assiettes de la céramiste Emmanuelle Roule. Sur les recommandations de l’équipe et cuisine de partage oblige, on préfèrera en effet mixer les assiettes plutôt que de jouer le chacun pour soi.
Tremper le pain hallah (une collaboration spéciale avec la boulangerie T65), un délicieux pain brioché servi tiède dans la petite purée de piment vert ou la crème de sésame citronnée qui l’accompagnent annonce déjà la couleur et un festival de saveurs.
Il ne sera pas démenti par les différents plats proposés à la carte en chapitres, ceux d’une histoire entre Moyen-Orient et sud de l’Espagne où Julien Sebbag s’est nourri d’idées de recettes.
Le labneh marié aux anchois, olives noires à la grecque et aux oignons confits sera saucé jusqu’à la dernière trace. L’halloumi grillé parfumé au miel de romarin, citron vert et dukkah (mélange de graines, de noix et d’épices) à des saveurs quasi orgasmiques.
On se laisse surprendre par les gnocchi de betterave rouge ou la bougie au beurre de sauge qui fond sur un houmous de betterave et d’amandes torréfiées. Le végétal est ici célébré de façon joyeuse et très réconfortante.
Au chapitre deux, on attaque des plats plus conséquents mais toujours aussi créatifs. Le tartare de thon rouge marié au kiwi jaune et à la menthe à quelque chose d’incroyablement frais. Le millefeuille de rosbeef, pomme de terre, aïoli et chimichurri, tout en finesse n’a rien de roboratif. Le shawarma de poulet aux oignons blancs ou le filet d’agneau snacké, raddicho et orange sanguine que l’on voit filer vers les tables voisines nous fait de l’œil également.
Nous n’aurons malheureusement pas le temps de passer au chapitre trois qu’on nous avait tant vanté : le baba au sirop anisé et crème de fenouil, la tarte aux agrumes citron et oranges sanguines ou la mousse chocolat noir et harissa semblait tellement appétissants qu’il nous faudra revenir. Le seul frein à notre gourmandise ne pourra être que l’addition qui grimpe vite, justifiée néanmoins eu égard à l’expérience culinaire, à la qualité des produits et au cadre exceptionnel proposé.
Le Petit Plus : Le restaurant est ouvert tous les jours de la semaine midi et soir. Les cocktails de qualité sont aussi un vrai plus.
Par Eric Foucher