Pour ses 30 ans, le [mac] met en avant les femmes dans l’art contemporain, en honorant deux artistes liées à Marseille. Parmi elles, Anita Molinero, figure majeure de la sculpture en France, qui transforme des matériaux industriels du quotidien en œuvres belles de monstruosité.
Ce sont une cinquantaine d’œuvres d’Anita Molinero que Stéphanie Airaud (Directrice du [mac] ) assistée de Camille Gouget (qui a réalisé un catalogue raisonné de l’artiste), ont réussi à réunir. Elles sont visibles dans les jardins du musée, le grand hall d’accueil, les salles d’expositions temporaires, le Ciné Mac pour la partie documentaire. Pas si simple quand on pense qu’un grand nombre d’œuvres ont été détruites par l’artiste faute de place durant ses 40 ans de production.
Elles couvrent une période allant de 1998 à 2024 agencées dans un parcours qui n’est pas chronologique mais plutôt fictionnel.
Car pour celle que l’on a parfois surnommé « la sculptrice du feu » tout part toujours d’une rencontre avec des objets, des rebuts de la société de consommation ou bien encore des symboles de la génération plastique.
Certaines d’entre elles sont iconiques du travail de l’artiste comme ces chaises fondues enchevêtrées d’autres ont été « réveillées » par une présentation différente. Ainsi ces poubelles fondues enserrées dans des filets de pêche tendus comme des cadres, ou la maison pour enfant Smoby éclatée au mur et complétée par des pots d’échappement, comme pour mieux souligner l’aspect toxique.
Anita Molinero a été diplômée des Beaux-Arts de Marseille en 1977 avant d’y enseigner quatre ans plus tard une dizaine d’années.
« Toutes les séries des poubelles brûlées m’ont été inspirées par Marseille. J’avais un atelier à la Belle de mai et un jour j’ai vu des gamins qui mettaient le feu aux poubelles lors de manifestations ».
C’est la rencontre entre feu et le plastique qui inaugure ces quasi ready-made désormais considérés comme des objets « signature » de sa pratique.
Une grappe de poubelles rouges fondues en forme de lustre ouvre d’ailleurs l’exposition dans le hall d’entrée.
Mais on trouve d’autres œuvres dans le jardin du musée qui dialoguent avec celles de César Baldaccini, artiste illustre qui a légué un grand nombre d’œuvres au [mac] en 1988.
Dans la seconde salle sont installées sur un podium plusieurs sculptures (chaises, barrières de chantier, poubelles) comme un défilé de monstruosités qui deviendraient belles en retrouvant une nouvelle vie par le feu.
« Elle chauffe, tord, lacère, troue, compresse et cogne. Elle contraint la matière de l’objet jusqu’aux limites de l’informe. Entre destruction et modelage, elle sculpte une nouvelle vie des formes » soulignent les commissaires de l’exposition.
Les plastiques fondus révèlent quelque chose de vivant et charnel. Un peu plus loin, les blocs de béton recevant les empreintes familières d’objets de notre société de consommation perdent de leurs froideurs et deviennent presque drôles installés dans une station de tramway.
Car derrière les gestes brutaux et irréversibles de transformation, pointe toujours l’humour de l’artiste qui ne se prend pas au sérieux. Ainsi « les ciments se la coulent douce » qui transforme des sacs de ce matériaux en sculpture ou « les larmes de Louise », une sculpture en pots d’échappements, brique et bronze en forme d’araignée, clin d’œil à Louise Bourgeois, figure féminine de l’art très importante dans sa pratique.
Le Petit Plus : Dans le Ciné Mac, « Extrudia » permet d’en savoir plus sur ce que deviennent les œuvres après leur présentation dans les salles d’exposition des musées et centres d’art . Ce film expérimental de 10 mn est une immersion au cœur du travail d’atelier.
Par Eric Foucher (Texte et photos)