Décalée d’une année, la Saison Africa 2020 a bien débuté et clame haut et fort la vitalité artistique de tout un continent sous le titre "Here comes Africa". Une saga loin des folklores et des postures dans le QG de la Friche Belle de mai.
Avec ses moquettes et peintures multicolores, l’accueil en rez-de-chaussée de la Friche Belle de mai est aussi coloré qu’un boubou africain. Il vous met vite dans le bain de l’événement. Le vaste espace permet de découvrir la programmation multifacettes de l’événement (performances, cuisine, expositions, spectacles, cinéma, concerts, théâtre), de récupérer des informations sur les manifestations qui vous intéressent et d’y rencontrer quelques intervenants.
Car qu’est-ce au juste que « Here comes Africa » ? La Manifestation se présente d’abord comme le Quartier Général marseillais de la Saison Africa2020 (ndlr : d’autres évènements ont lieu aussi à Marseille à Montévidéo ou au Frac par exemple), un événement initialement prévu l’an passé (comme son nom l’indique) mais décalé du fait de la pandémie.
Durant cinq semaines, La Friche Belle de mai se transforme en centre culturel panafricain, comme d’autres lieux culturels en France abritant la Saison Africa2020 dont la commissaire générale N’Goné Fall résume l’ambition en « une invitation à regarder et comprendre le monde d’un point de vue africain. « C’est le moment de se laisser surprendre par la nouvelle génération d’artistes venus d’Afrique » complète Angélique Kidjo, marraine de l’évènement.
A Marseille, ce sont plusieurs artistes, chef·fe·s, danseurs, festivals et structures artistiques résidentes qui portent la parole et le geste pluriels de la création d’aujourd’hui en Afrique.
C’est l’artiste Emeka Ogboh qui propose avec Fræme et Les grandes Tables – I.C.I, le projet le plus protéiforme avec « Stiring the pot » que l’on pourra traduire par « faire bouger les choses » puisqu’il traite d’art plastique, de cuisine, de musique.
Sa première expo au deuxième étage de la Tour est « Ámà : The Gathering Place » une œuvre réalisée en 2019 pour laquelle il investit l’espace muséal pour en faire un lieu de vie : ici des gros coussins en textiles traditionnels de l’ethnie Igbo au Nigeria, région d’où proviennent aussi les très beaux chants composés à partir de leurs musiques sacrée par un dispositif sonore polyphonique. La sculpture d’un arbre à palabres traditionnel de ces lieux de rassemblement n’a malheureusement pu être installé dans la salle.
Au sein du Panorama, Emeka Ogboh propose avec « Migratory Notes », une œuvre nouvelle. Une installation multimédia et sensorielle qui vous plonge dans le monde globalisé du transport de marchandises – ici des denrées alimentaires depuis la récolte jusqu’à leur consommation – qui s’affranchit des frontières beaucoup plus facilement que les hommes.
Ce brassage des genres entre les différentes médiums est symbolisé aussi par la réalisation par l’artiste de deux bières artisanales produites par la Brasserie du Castellet et servies dans un « Danfo » (ndlr: taxi collectif de Lagos). Re-crée avec Sud Side pour l’occasion, il sera présent sur le toit terrasse du Panorama pendant toute la durée de l’événement. Celle que nous avons pu goûter est une bière ambrée brassée avec du poivre Uda du Nigéria. Délicieuse …
Envisagé comme une plateforme des possibles, le toit terrasse sera investi dans la continuité des expositions par de performances culinaires avec des chef·fe·s venu·e·s du Nigéria, du Bénin, Cameroun ou Comores et des Dj sets.
Moins connue qu’Emeka Ogboh, l’ artiste d’origine algérienne Lydia Ourahmane propose elle sa première exposition personnelle en France. Elle est intitulée « Barzakh », un mot arabe signifiant « barrière » ou « séparation » et qui fait référence à un espace entre le vivant et l’au-delà ou encore au refuge.
Celle qui avait réussi au culot à faire sortir d’Algérie des barils d’essence comme œuvres d’art – rappelons que depuis l’Indépendance, il était interdit d’en faire sortir du pays – a cette fois décidé de faire venir tout son appartement d’Alger qu’elle n’avait pu regagner en raison de la fermeture des frontières. Un intérieur habité par les souvenirs d’une femme qui lui avait loué et laissé de très nombreux objets. Une façon pour la jeune artiste de tester la perméabilité des frontières et les formes d’existences transitoires.
Le festival des Rencontres à l’échelle propose une immersion dans la scène théâtrale et chorégraphique actuelle conçue avec plusieurs festivals du continent africain. La Friche accueille également Les Cuisines Africaines, avec des chef·fe·s d’Afrique et de la diaspora (Lalalna Ravelomanana, Nadjat Bacar; Hughes Mbenda, Siradji Rachadli, Gagny Sissoko, Yas et Georgiana Viou) : elles associent découvertes culinaires, démonstrations de chef·fe·s, débats, ateliers et un Grand Marché.
Un week-end festif à ne pas rater du 9 au 11 juillet, Afriques Fantastiques – Fantastic Africa, concluera l’évènement avec des nombreuses performances dans les espaces extérieurs et intérieurs de la Friche.
Tous les dimanches du 19 juin au 29 août des projections de films conçues avec Shellac et la Cinémathèque de Tanger se produiront comme chaque année sur le toit-terrasse avec les soirées Belle & Toile pour une traversée des cinématographies africaines.
AU PROGRAMME
13 juin : Cabascabo d’Oumarou Ganda – Niger, 1969, 48 min
20 juin : Samba le Grand de Mustapha Alassane – Niger, 1977, 14 min + Mwansa The Great de Rungano Nyoni – Zambie, 2010, 24 min
27 juin / Tinye So de Daouda Coulibaly – Mali, 2010, 25 min + Pumzi de Wanuri Kahui – Kenya, 2009, 23 min
4 juillet / Touki Bouki de Djibril Diop Mambety – Sénégal, 1973, 95min