Quoi ? : Art Contemporain
Où ? : MuCEM, 1, Esplanade du J4, 13002 Marseille, France
Quand ? : De 19 Mai au 18 Octobre 2021
Combien ? : 11 € (réduit 7.50 €) / Billet Mucem Famille 18 €
Transport ? : M1/2 Vieux Port ou Joliette et T2/T3 Joliette / Bus 82-60-83 Fort Saint Jean
Des Questions ? : 04 84 35 13 13 / reservation@mucem.org
Un lien ? : Cliquez-ici

Quand un artiste tape-à-l’œil fouille dans les vestiaires des arts et traditions populaires, cela donne une exposition pop à souhait. Un dialogue riche qui vous instruit en même temps qu’il vous fait réviser vos préjugés sur ce qui est art et ce qui ne l’est pas.

A l’annonce d’une exposition de Jeff Koons au Mucem, certains penseront bien évidemment à l’aspect opportuniste de la venue cet artiste contemporain à l’aura sulfureuse. Le profil idéal pour plaire aux média avides de controverses, et aux réseaux sociaux, principaux pourvoyeur d’une culture prédigérée et mondialisée qui n’aiment rien tant que la beauté plastique instagramable.

En la matière Jeff Koons coche toutes les cases. Mais après pas mal d’expositions aux thématiques intéressantes mais parfois ardues, on se dit très vite que ce genre de raisonnement n’est pas raccord avec la politique culturelle du Mucem et qu’il faudra chercher ailleurs les raisons de sa venue.

Alors on écoute ce qu’à nous dire Émilie Girard, conservatrice en chef du Patrimoine. A la suite de Jean-François Chougnet qui avait invité l’artiste à visiter une première fois le fonds des collections des arts populaires du Mucem pour initier la collaboration, elle nous a raconté une relation au long cours, bien plus surprenante qu’attendue avec l’artiste américain.

Elle et Elena Geuna, commissaire d’exposition indépendante, ont été amenées à travailler avec lui et ses équipes durant près de deux ans (ndlr: Covid oblige) et ont souligné la très forte implication de l’artiste pour que la relation entre les vingts œuvres prêtées par la Collection Pinault et les pièces empruntées au fonds du Mucem ne soit pas un dialogue de sourd.

Après l’acceptation de Koons de participer à ce projet dont il est peu coutumier, un groupe  s’est mis au travail à distance. Des listes de propositions de mise en correspondance entre les prêts de la Collection Pinault et les pièces du Mucem seront envoyées sur lesquelles l’artistes rebondira en personne : « ça c’est une bonne idée, là je ne suis pas sûr, auriez-vous telles type de pièces ? ».

Fin janvier 2020 Koons revient à Marseille pour trois longues et intenses journées de travail dans les réserves du Centre de Conservation du Mucem à la Belle de Mai. ” Koons a bien compris l’histoire et le mode de constitution de ses collections (ndrl: rappelons qu’elles furent initiées par Georges Henri Rivière au Musée des arts et traditions populaires de Paris dont sont issues une grande partie des pièces).

Il n’a pas misé sur des objets particuliers mais des ensembles assez importants ce qui fait que près de 300 pièces des collections du Mucem sont présentées dans cette exposition: depuis les tambours dont la peau marbrée donne l’illusion lunaire jusqu’aux tenues de cirques très spectaculaires en passant par des ex-votos ou des figures en porcelaine,  symbole sde bling bourgeois façon XIXème siècle. Les correspondances entre les artefacts des deux époques seront tantôt évidentes – le clown Mimile gonflant des ballons Vs le célèbre Balloon Dog –  tantôt plus subtiles comme le buste bourgeois le représentant avec Iliona (alias la Cicioliolina) présenté à côté d’une enseigne de Maréchal-Ferrant tel un bouquet de la Saint-Eloi.

La compréhension ne sera pas facilitée par un côté didactique. On ne trouve en effet dans ce parcours chronologique qu’un seul texte introductif, puis des petits cartels dans les salles à côte de chaque œuvre et quelques citations issues d’une interview d’Elena avec l’artiste qui sera publiée dans son intégralité dans le catalogue de l’exposition. Ceci, pour que chacun puisse faire sa propre interprétation selon son propre vécu.

Regarder la collection est une expérience métaphysique car chaque fois que vous regardez quelque chose, vous vous appuyez sur l’essence de votre potentiel. C’est vraiment ce qu’est l’art selon moi. 

Le travail de scénographie de Pascal Rodriguez envisagé en accompagnement dès le début du montage de l’expo,  a permis de concevoir un espace très homogène entre contenant et contenu. Les habitués des expos de Jeff Koons seront assez surpris. Une fois n’est pas coutume, il ne s’agit pas d’un White cube mais de pièces aux volumes différents où les œuvres se répondent sans que l’une ne prenne forcément l’ascendant sur l’autre.

Le début du parcours permet de comprendre pourquoi l’invitation faite à l’artiste n’est pas innocente. Dans la veine de Marcel Duchamp, passionné par les œuvres du quotidien,  les œuvres de Koons sont des clins d’œil permanents aux artefacts de la culture populaire, que cela soit des objets de consommation courante comme des clins d’œil au discours publicitaires. En le mettant sous cloche, Koons décide par exemple lui aussi de faire de  son aspirateur un œuvre d’art.

De façon plus formelle, on sera admiratif du travail des sculptures en aluminium polychrome qui reproduisent de façon assez bluffant les plissés, les effets de matières et les reflets de lumière. Et de se rappeler que Koons comme les artistes de la Renaissance fait travailler une centaines d’assistants à la réalisation de ces œuvres afin d’obtenir un rendu parfait, comme un mirage de réalité. Les peintures que l’on pourrait également prendre pour des photos montages ne révèlent leurs fines traces de pinceaux qu’a proximité immédiate.

On pourrait argumenter à l’infini sur les correspondances symboliques dans les treize salles que compte le parcours (avec un gros coup de cœur de notre côté sur la dernière œuvre, Bluebird Planter, un oiseau en miroir poli aux mille reflets) mais on laissera à Koons le mot de la fin :

C’est une expérience que j’adore parce que la collection du Musée est composée d’objets du quotidien que l’on peut voir autrement que dans le contexte traditionnel de l’art. C’est le contraire qui se passe avec mon travail, en ce sens qu’on peut aussi le regarder en voyant exactement d’où il vient .

Le Petit Plus : Koons insistera plusieurs fois auprès des équipes du Mucem sur l’aspect joyeux qu’il souhaite voir se dégager de l’exposition. Mission accomplie puisque cette dernière procurera indéniablement au spectateur un sentiment d’euphorie assez nécessaire vue l’époque.

Par Eric Foucher