Chaque année, La Friche de l’Escalette nous émerveille par des nouveaux aménagements qui font rimer architecture sculpture et nature. Cet été, ce sont les artistes François Stahly, Pierre, Tual et Myriam Mihindu qui investissent les bungalows Prouvé et cette merveilleuse garrigue de bord de mer.
C’est à chaque fois un plaisir que de se rendre dans cette ancienne usine de plomb de bord de mer devenue le terrain fertile d’expérimentations artistiques et de mémoire architecturale. Après avoir pris rendez-vous sur le site, on pénètre sur ce site grandiose aménagé années après années par le galeriste Eric Touchalaume. Accueilli comme chaque année par un étudiant de l’école d’architecture – aujourd’hui c’est Enzo qui va faire montre d’une savante culture – on a hâte de découvrir les nouveautés du millésime 2020 tant au niveau des exposition que de rénovation du bâti qui fait partie intégrante de cette expérience de plein air. L’expression Mens sana in corpore Sano (Un corps sain dans un esprit sain) semble ici très adaptée tant le parcours grimpant jusqu’aux bassins et cheminées surplombant le village industriel et le Petit Port est à la fois instructif et sportif.
Dans la cour, on débute par la visite par les deux bungalows Jean Prouvé, l’un conçu pour les pays froids l’autre pour les chauds. Dans la première maison démontable – baptisée « Pavillon 6×9 », du nom de ses dimensions – datant de l’après-guerre, c’est l’artiste franco-gabonaise Myriam Mihindou déjà invitée l’an passé qui revient avec « Rakus et Savons », deux installations délicates qui contrastent avec le côté massif de la construction fer et bois. Il s’agit de petits modelages de terre émaillée et de savons usés et crevassés aux cent nuances de vieil ivoire suspendus à des cordes.
Le collectionneur et propriétaire du lieu a décidé d’aménager la seconde – « Bungalow du Cameroun » un modèle de logement d’instituteurs en brousse – en habitation de loisir avec les critères de confort actuel et en utilisant les énergies renouvelables. Parmi le mobilier, on trouve aussi une étonnante table basse de Pierre Tual en acier corten plié par le tracteur de l’artiste. Ces reliefs massifs tel des origamis de métal, baptisés « chiffonnage », semblent si légers et aériens lorsqu’accrochés à l’énorme mur de soutènement de l’ancienne usine, non loin de là.
Sur la droite de la Friche, on pénètre ensuite dans la grande nouveauté de l’année et ce qui préfigure les grands aménagements à venir. L’enjeu majeur est la préservation du patrimoine industriel au milieu et de la végétation méditerranéenne prospérant à nouveau sur les ruines et qu’il s’agit de faire cohabiter harmonieusement.
Les trois anciens ateliers dépourvus de toitures et dont les murs résonnent avec la roche voisine offrent des salles d’exposition de plein air étonnantes sous le bleu intense du ciel.
La lumière naturelle permet selon l’heure d’offrir des éclairages différents sur les sculptures exposées. Ici les magnifiques œuvres en bronze, aluminium et pierres de François Stahly (Chaînes d’eau, méduses, etc.)
Pour l’heure une seule pièce est aménagée, mais deux autres vont suivre avec des ateliers de menuiserie et de métallurgie destinés à la restauration des œuvres, des résidences d’artistes mais aussi un en « Bistrot de l’Escalette » pour la restauration des visiteurs et des randonneurs.
Sur les hauteurs on découvre enfin l’installation maîtresse –celle qui a donné son nom au corpus d’exposition – et sans doute la plus poétique. « L’été de la forêt « de François Stahly, est un ensemble de sculptures en bois sculpté de différentes tailles et noircies naturellement avec les temps. Erigées telles des totems face à la mer, on ne peut que penser qu’au sacré, ou tout du moins à une certaine forme de mystique, à contempler leur élévation magique. souvenir des hautes futaies suisses de son enfance et des vastes forêts américaines découvertes lors de ses voyages.
Mais c’est le critique Pierre Descargues qui donnait de cet ensemble qui trônait il y a peu de temps encore dans la propriété américaine des Rockfeller une interprétation prémonitoire dès 1975. « (…) Maintenant, la menace de pollution devenant de plus en plus forte, nous commençons à nous sentir solidaires des nuages, des eaux, des feuillages, des terres, alors peut-être pouvons-nous voir en François Stahly le premier sculpteur moderne de l’environnement, le premier à concevoir à nouveau la sculpture comme un lieu où il serait possible d’être ensemble. » (François Stahly, Éditions la connaissance)
Le Petit Plus : Sur les hauteurs, vous découvrirez un point de vue unique sur le début de Parc National des Calanques.
Par Eric Foucher