« J’ouvre les yeux et j’ai le monde devant moi ». Depuis la fenêtre de sa petite maison familiale, le cinéaste Robert Guédiguian a depuis son enfance mesuré l’horizon des possibles que lui offrait Marseille. Une exposition lui rend hommage autour des thématiques qui lui sont chères : le village de l’Estaque, le monde ouvrier, l’engagement politique et sa tribu.
Avec Zinedine Zidane, Jean-Claude-Izzo, I AM ou Roland Petit, Robert Guédiguian fait partie de ces trop rares « figures » marseillaises qui représentent Marseille bien au-delà de ses frontières.
Il faut dire qu’il l’a un peu cherché, lui qui depuis son premier film Dernier été sorti en 1981 jusqu’à la Pie Voleuse, son 24ème – actuellement en post-production- a choisi Marseille pour toile de fond dans une grande majorité de ses films.
Et l’on devrait préciser l’Estaque plutôt que Marseille, tant le célèbre village qui avait déjà accueilli les plus grands peintres au début du XXème siècle est le décor récurrent de ses longs métrages.
Ki lo sa ? Dieu vomit les tièdes, L’argent fait le bonheur, À la vie à la mort jusqu’à Marius et Jeannette qui le fera connaître du grand public nous donnent à voir avec poésie l’univers laborieux et populaire du port industriel, des cimenteries et des cabanons où se trament les intrigues de ses films, entre rébellion prolétarienne et amitiés indéfectibles.
Pendant contemporain du cinéma réaliste italien de l’après-guerre, le cinéma de Guédiguian ne s’embarrasse pas d’effet spéciaux sans pour autant s’empêcher de rêver à des jours meilleurs.
À ceux qui lui reproche de tourner en boucle, il répond : « je suis né là et c’est là que mon regard s’est ouvert sur le monde ».
Et de fidélité, il n’en est pas question seulement dans le décor. De son copain de l’école communale Gérard Meylan à un autre de ses acteurs fétiches Jean-Pierre Darroussin, en passant par sa compagne Ariane Ascaride et toute l’équipe d’Agat Films, la boite de production qu’il a contribué à créer, sa tribu s’est agrandie mais a toujours gardé ses piliers originels. On les voit vieillir au fil des films comme des personnes de la famille.
L’exposition « Avec le cœur conscient » mêle des éléments biographiques sur son ascendance arménienne, ses engagements politiques aux côtés des communistes, avec de nombreux documents inédits, archives personnelles et objets qui ont nourri les scénarios de ses films.
Depuis une dizaine d’années, il a ouvert la focale vers d’autres horizons qui l’ont emmené sur les traces de son passé (Le Voyage en Arménie) ou en Afrique (Twist à Bamako) pour comprendre l’histoire des migrations souvent douloureuses.
« Dans tout voyage, y compris dans le passé, on va de l’avant. »
Par Eric Foucher