Quoi ? : Chanteuse et Musicienne
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Avec un nom pareil, on l’eût aisément imaginé en justicière dans un western de Tarentino. Mandy Lerouge a fière allure en chevauchant Aramis de Sauvagine. Avec son blanc destrier, elle nous propose un galop aux premiers rayons du soleil vers d’autres Amériques, plus au sud, dans le Nord Este argentin, sur les terres historiques des indiens Guaranis, loin des tangueros de la capitale.

Mandy Lerouge chante une musique métisse, mélange de traditions natives et coloniales baptisée le « Chamamé ». Elle l’a découvert sac au dos et enregistreur en bandoulière lors d’un récent voyage dont elle est revenue bouleversée, au point de vouloir faire siennes ces airs-là, tous comme les zambas et autres chacateras qu’elle a piochées dans le répertoire traditionnel. Elle les a arrangés aux goûts du jour et avec son vécu avec des cadors du métier : Vincent Segal son mentor et Lalo Zanelli (pianiste de Gotan Project) son papa de là-bas au premier chef.  Entre confinement et limitations de déplacement, la baroudeuse au long cours a pu peaufiner son premier album et dû trouver des palliatifs aux voyages et à la scène avec ses duos confinés avec d’autres musiciens. « La Madrugada » (le lever du jour, ndlr)  son premier album sort enfin. Gardianne en indiennes montée sur un cheval blanc de Camargue à l’image, elle devient gaucha latina par la magie des mots et des mélodies, à fredonner chez soi pour s’évader là-bas.

Quelle a été ta pratique musicale enfant ?

J’ai toujours chanté et dansé. Ma famille me raconte que déjà à 3-4 ans, je chantais par-dessus les K7  que mon frère et ma sœur, plus âgés que moi de 11 et 15 ans, écoutaient. Je dansais sans pouvoir m’arrêter sur « So What ? » lorsqu’ils écoutaient l’album « Kind of Blue » de Miles Davis. C’est d’ailleurs mon premier souvenir musical. Ma sœur, qui a, quant à elle une formation musicale poussée, m’enregistrait avec son magnétophone pendant que je chantais, pour faire écouter à ses amis du lycée.

Je n’ai pas réellement suivi de formation musicale. Je ne sais ni lire ni écrire la musique et n’ai que très peu de notions théoriques de la musique. J’ai pris quelques cours de piano à 5 ans, parce que « tout le monde faisait du piano dans la famille », mais aussi parce qu’on me surprenait parfois sur le piano familial, à chercher à l’oreille des petites mélodies que je connaissais. Cela s’est très mal passé, des cours « à la dure », à l’ancienne, et moi j’avais sûrement trop envie de m’amuser. Mes parents ont eu la lucidité de ne pas me forcer, mais je n’ai plus touché au piano pendant une dizaine d’années.

Heureusement, quelques années plus tard, au collège, j’ai eu une prof de musique très ouverte, qui nous faisait chanter, faire du piano, de la batterie, des percussions brésiliennes. C’est grâce à elle que j’ai compris que j’avais « des prédispositions » à chanter, mais surtout que j’aimais ça, par-dessus tout.

Je me suis remise au piano, toujours sans savoir ni lire ni écrire la musique, cherchant à l’oreille les chansons qui me plaisaient, et chanter en m’accompagnant au piano. A l’époque plutôt en français, Sanseverino, Barbara, Bénabar, David Lafore. Ensuite je me suis mise à la basse électrique, à la trompette, plus par curiosité de voir comment marchaient ces instruments et par goût pour leurs sonorités, que par ambition de savoir bien en jouer.

J’ai très longtemps pensé que « je n’étais pas musicienne », car je n’avais pas appris de manière académique. J’ai croisé sur ma route de jeunesse des musiciens pas toujours très ouverts ou bienveillants à ce sujet, et qui m’ont confortée dans cette sensation d’illégitimité.

Mais d’autres t’ont au contraire encouragé…

Heureusement, il y a 15 ans, j’ai rencontré Vincent Segal, j’étais encore ado et il est très vite devenu pour moi une sorte de « parrain musical ». Il m’a fait découvrir énormément d’artistes, a toujours pris le temps d’écouter ce que je faisais, de me donner des conseils, avec rigueur, exigence mais toujours une immense bienveillance. Il m’a surtout fait découvrir que dans de nombreux pays, de nombreuses cultures, la musique se transmettait « comme ça », oralement.

A mon arrivée à Marseille, pendant mes études de Sciences Physiques à Luminy, j’ai passé deux ans en classe de Musiques actuelles à la Cité de la Musique de Marseille. Là, on nous apprenait à « jouer ensemble », à s’écouter, sans se focaliser sur la théorie, et j’adorais cette démarche. A la même période j’ai rencontré l’artiste Alif Tree, ingénieur du son et producteur de musique trip-hop. J’avais 19 ans et il a été le premier à me faire confiance, en tant que voix, mais aussi en tant que plume. Il m’a confié l’écriture d’une dizaine de morceaux. Ensemble nous avons sorti deux EPs où j’écrivais et chantais en anglais principalement, et un peu en français. Ça a été un vrai mentor, il sait exactement ce qu’il veut d’une voix, et est très précis dans ses demandes. Il était très exigeant et m’a réellement aidée à sortir de ma zone de confort. A partir de cette période, j’ai pris la musique plus au sérieux, tout en faisant d’autres études, d’autres métiers en parallèle. J’ai prêté ma voix et parfois ma plume à d’autres projets, comme au producteur de hip-hop marseillais Creestal et au rappeur américain Moshadee.

Peux-tu nous raconter ta rencontre avec la musique argentine ?

En 2014 je suis partie une première fois en Argentine. Pour danser le tango mais surtout pour réaliser un rêve d’adolescente : rencontrer les chevaux argentins et les gauchos, le peuple cavalier. Dans le nord du pays, j’ai pris un bus très tôt le matin, proche de la cordillère des andes. Le chauffeur du bus a mis la radio à fond dans le bus et c’est là que j’ai entendu pour la première fois ces musiques populaires argentines. C’était comme vivre un rêve éveillé, les paysages qui défilent, les couleurs du matin, le décalage horaire, moi dans un demi-sommeil. Le souvenir est très présent, mais est resté dans un coin de ma tête sans que je ne creuse sur l’instant.

Quand as-tu eu le déclic pour faire de la musique ton métier ?

Un an plus tard, en novembre 2015, quelques jours après les attentats de Paris, je me suis rendue à un concert de Chango Spasiuk au Musée du Quai Branly, grâce à un ami en commun. J’ai été bouleversée. Sûrement en partie à cause du contexte national. Mais ça allait bien au-delà. Sa musique que l’on appelle le chamamé, venue du nord-est de l’Argentine, m’a bouleversée comme jamais. J’avais envie de pleurer, de rire, de chanter, de crier, de danser. J’ai appris bien plus tard que l’on dit que le chamamé est comme « une vipère sinueuse, qui s’enroule autour de la cheville, nous mord et nous transforme à jamais ». C’est vrai. Ce jour-là a littéralement changé ma vie. En sortant de la salle de concert j’étais comme obsédée par ces musiques, j’ai acheté des disques, creusé sur internet, ai même organisé un festival dédié à ces cultures à Marseille en 2016. Chango Spasiuk a accepté d’en être le parrain, et il m’a fait la surprise de m’inviter à chanter sur scène un chamamé. En sortant de scène, j’ai décidé que c’était ce que je voulais faire de ma vie.

D’où vient ce nom étrange de Mandy Lerouge (qui me fait penser à un nom cajun)?

Mandy est un diminutif de mon vrai prénom, Amandine. Je le dois à Nitin Sawhney, compositeur et musicien anglais d’origine indienne avec qui j’ai eu la chance de collaborer à deux reprises grâce au Festival Marsatac. Il n’arrivait pas à prononcer « Amandine » alors je suis devenue Mandy. J’ai bien aimé, alors c’est resté.

Lerouge est un vrai nom de famille. Je ne voulais pas utiliser mon nom de naissance, que j’aime pourtant énormément, car je voulais mettre une certaine distance protectrice entre la scène et la vie. Lerouge est le nom d’un arrière-grand-père maternel, que je n’ai pas connu, dont j’ai découvert l’existence et l’histoire dans une boîte à souvenirs.

Cette musique métisse résonne-t-elle aussi par rapport à tes propres racines ?

Je suis issue du métissage. Née à Marseille d’une mère française (de l’Oise) et d’un père malgache. J’ai grandi à Briançon dans les Hautes-Alpes et vis depuis 15 ans à Marseille.

Je n’ai pas vraiment grandi dans une « double culture » car notre père était assez discret sur son histoire. Je n’ai par exemple réalisé que « mon père était noir » que lorsque pendant l’enfance j’ai été pour la première fois confrontée au racisme. Je crois que c’est mon installation à Marseille qui m’a fait prendre conscience de cette chance d’être issue d’une double culture. J’ai découvert pour la première fois les beautés du métissage, du brassage culturel, en arrivant ici. Les cultures ici se lisent sur les visages, mais aussi à chaque coin de rue. Les restaurants, les lieux de concerts, les lieux de vie, l’ambiance des rues, le monde se parcourt presque entier dans certains coins de Marseille. Et même si aujourd’hui je ne sais pas énormément de choses sur Madagascar et sa culture, je pense qu’avoir grandi dans un environnement métissé me rend sensible aux musiques populaires argentines et notamment au chamamé qui est issu du métissage, au fil des siècles, entre les rythmes du peuple guarani, les guitares des conquistadors espagnols, les accordéons des vagues de migrations d’Europe de l’est.

Lors de mon dernier voyage en Argentine, j’ai visité la province de Misiones, à l’extrême Nord-Est, où se situent les chutes d’Iguazu. La terre y est rouge comme celle de Madagascar. Étonnamment aussi, en écoutant parler la langue Guarani, j’ai retrouvé la même musicalité que la langue malgache (que je ne parle pas du tout), la même douceur, la même rythmique.

Comment et avec qui as-tu appris cette musique ?
J’ai appris à chanter ces musiques comme pendant mon enfance, en chantant par-dessus les CDs. Puis j’ai commencé à être invitée de manière informelle par les argentins de France à chanter par-ci par-là lors des fêtes populaires, c’est là que j’ai le plus appris.

J’ai appris le bombo leguero (nflr : tambour à double peau : mouton et chèvre) d’abord seule, en écoutant des disques, notamment de Minino Garay, grand percussionniste argentin vivant en France. J’ai ensuite cherché quelques tutos sur internet, mais je ne parlais quasi pas un mot d’espagnol à l’époque, et maitrisais encore moins le vocabulaire de la musique et des percussions. Ensuite, j’ai parfois demandé quelques conseils en tournée à Javier Estrella, le batteur/percussionniste qui est à mes côtés dans La Madrugada.

Cette année, j’ai eu la chance d’être lauréate de la bourse de compagnonnage de la FAMDT et de l’ADAMI. Cette bourse m’a permis de me former pendant 10 jours auprès de Guillermo Zalazar, un argentin qui réside à Marseille. Un grand danseur aussi, que l’on retrouve dans le clip de mon premier single « Chacarera de un triste ».

D’ailleurs, il convient de préciser que ces musiques sont intimement liées à la danse….

Oui l’une ne va (presque jamais) sans l’autre là-bas. Ce sont des musiques et des danses qui rassemblent réellement les peuples lors de fêtes populaires qui ont lieu très régulièrement, autour d’un repas, d’un concert, où tout le monde peut prendre un instrument, danser, chanter, partager.

J’ai donc aussi voulu apprendre ces danses, la chacarera et la zamba (ndlr : oui, avec un « z » et pas un « s), qui viennent du nord-ouest de l’Argentine. A Marseille, j’ai eu la surprise de découvrir qu’il y avait un conservatoire populaire de folklore argentin, l’AKDmia del tango y del folklore argentino, dirigé par Marion Ouazana, une française elle aussi tombée sous le charme de ces cultures. C’est là que j’ai appris à danser, auprès de Marion, mais aussi de Guillermo Zalazar et de maitres internationaux comme Luis Lopez. Ensuite je me suis aussi formée en Argentine lors de mon dernier voyage.

Ton projet est le fruit de belles rencontres (ndlr: arrangement par le pianiste de Gotan Project et réalisation par Vincent Segal). Née sous une bonne étoile ?

C’est le moins qu’on puisse dire. Passionnée d’astronomie (c’est pour cela que j’ai étudié les Sciences Physiques), je parle souvent d’ailleurs d’alignement de planètes… voire d’alignement d’étoiles. « La Madrugada » est avant tout une succession de rencontres, aussi belles que surprenantes, certaines faites il y a 15 ans, d’autres beaucoup plus récemment. Toutes ces rencontres ont contribué à la floraison du répertoire. J’ai encore du mal à réaliser, je suis souvent prise d’un vertige grisant en pensant à tout cela. C’est une réelle chance d’être aussi bien entourée pour un premier projet artistique, une première tournée, un premier album. On me parle souvent de Vincent Segal ou de Lalo Zanelli, mais dans l’ombre aussi, je suis magnifiquement entourée. Côté scène, par l’ingénieur du son marseillais Romain Perez, rencontré il y a 10 ans alors que j’étais sa stagiaire à la Cité de la Musique, il a vraiment contribué à la création du « son » de La Madrugada sur scène et je refuse de donner des concerts sans lui. Côté studio, par Gérard de Haro et le Studio La Buissonne, une pépite régionale, sur le plan technique mais aussi sur le plan humain. Le son de l’album n’aurait probablement pu être celui-ci nulle part ailleurs.

Le confinement a bouleversé beaucoup les plannings des musiciens. Comment as-tu vécu les choses et en quoi ta culture digitale t’a-t-elle servie?

Après une année de concerts pour me rôder aux morceaux et à la musique, l’année 2020 était dédiée à l’album donc n’avons donc presque pas eu de concert annulé. Nous avons dû en revanche repousser l’enregistrement mais seulement d’un mois. Heureusement pour moi toute l’équipe était disponible,  sauf le chanteur argentin Melingo avec qui je devais enregistrer le titre La Noche en duo avec dont la tournée avait été annulée, Il m’a proposé de l’enregistrer à distance, depuis Buenos Aires, avec son ingénieur du son. De notre côté, nous avons hésité, Vincent Segal qui réalisait l’album n’était pas forcément pour, car nous travaillions dans une optique d’authenticité, de naturel, de son très acoustique, comme si nous jouions dans le salon des auditeurs. Mais j’avais l’intuition que cela pourrait marcher, alors Vincent m’a dit de faire confiance à mon intuition. Je pense que cela marche, car la chanson en elle-même, écrite et composée par Melingo, parle d’une séparation physique entre deux personnes, d’un éloignement.

Pendant le confinement, je n’avais pas envie de faire de live en direct. Je ne suis pas équipée techniquement pour, et je n’avais pas l’impression que cela aurait apporté quelque chose, certains le faisait vraiment très bien. En revanche j’ai voulu profiter de ce moment de confinement pour m’initier au montage vidéo. Ça m’a beaucoup amusée, et j’ai posté une première vidéo en reprenant seule un titre de Peaches, avec un montage vidéo un peu déjanté, qui illustre un peu le « pétage de plomb » possible du confinement. J’ai été étonnée des réactions positives, et finalement j’ai publié une vidéo par semaine, mais ça ne m’amusait plus de le faire seule, alors j’ai proposé chaque semaine à un musicien que j’apprécie de faire un duo à distance. J’en ai profité pour chanter des morceaux n’ayant rien à voir avec l’Argentine et faire des duos avec des artistes avec qui je n’ai pas ou plus l’occasion de jouer depuis que je me dédie aux musiques argentines, comme Mattias Mimoun (clavier de Polo & Pan) avec qui j’ai fait une reprise de LCD Soundsystem, le guitariste Bruno Bongarçon (avec qui nous avons repris un titre de Led Zeppelin) ou le marseillais Bruno Allary (avec qui nous avons repris une chanson de Bertrand Belin), et évidemment Melingo, avec qui j’ai repris déjà « La Noche ».

Le digital m’a aidée à garder le contact avec le public, mais je n’ai toujours pas envie de me lancer dans les concerts live sur Instagram ou autre par exemple. Je pense que les musiques que j’ai choisies, ces musiques populaires, doivent être partagées en live. Face au public. Avec des claps dans les mains, des cris de joie, et si possible avec des empanadas (ou toute autre spécialité locale) et un bon verre de vin (avec modération) en main.

On est dans l’ère de l’image et tu as particulièrement soigné les visuels de ce premier album ; ppeux-tu nous raconter ce premier shooting en Camargue et à Roussillon alias « le Colorado Provencal »?

Depuis que je me suis lancée dans la musique (en 2018), je travaille avec la photographe ardéchoise Anne-Laure Etienne. J’ai découvert son travail quelques années plus tôt, et j’ai été touchée par sa démarche artistique et son œil. Notamment son rapport aux paysages, à la nature, où elle plante des décors, des personnages, des situations souvent en décalage avec cette nature, ce qui donne à ses clichés une dimension poétique, parfois énigmatique, souvent hors du temps, sans époque, sans réel repère géographique. J’ai un rapport très fort à la nature, tout en étant très heureuse en ville. Son univers me paraissait vraiment en adéquation avec ma démarche d’aller chercher une musique populaire, pour l’amener ailleurs, tout en respectant son essence.

Nous avions déjà réalisé une première série de photos ensemble, vers Aix-en-Provence dans un immense champ de coquelicots. J’avais cette identité graphique avant même que les arrangements finaux ne soient livrés par Lalo Zanelli. Avec Anne-Laure, nous avons aussi tourné le premier clip de cet EP, El Cosechero, tourné encore une fois dans des paysages naturels marquants, cette fois-ci dans les Hautes-Alpes, près de chez moi, dans les marnes de Chateauvieux.

Pour l’album, j’ai choisi cette fois le Colorado Provençal. Ça me tenait à cœur de rester dans la région, de trouver un nouveau paysage marquant. Je suis rentrée d’Argentine deux semaines avant le confinement, j’ai donc visionné et trié mes photos, vidéos et prises de son. J’avais toujours en tête cette terre rouge d’Iguazú, de Misiones, si proche de celle de mes ancêtres malgaches. Et puis j’ai repensé au Colorado Provençal. C’était comme une évidence, un moyen de tirer le fil (rouge) entre mes racines (malgaches), mon port d’attache (Marseille) et mon lieu de floraison (le nord de l’Argentine).

Il y a aussi l’envie de faire le lien entre les gauchos, le peuple cavalier argentin et les gardians, nos cavaliers camarguais, non ? 

J’ai passé beaucoup de temps avec les gauchos lors de mon dernier voyage. A travailler avec eux, trier le bétail, à cheval toute la journée, levée aux aurores pour enregistrer des sons de la nature. Le cheval de la pochette, Aramis de Sauvagine, est un cheval de Camargue. Ma tenue est un mélange de pièces issues de la tradition gardiane et de la culture gaucha. Je porte une longue jupe, mais ne voulais surtout pas faire penser à une « princesse sur son cheval blanc ». Je suis à cru, sans selle donc, à califourchon, pieds nus aussi et rougis par le sable, vulnérable et connectée à la terre.

En Camargue, nous avons tourné le premier clip de l’album. Chacarera de un triste, réalisé par Francesco Garbo. Je voulais encore une fois que la beauté brute et naturelle du paysage soit au cœur de la vidéo. Nous ne voulions pas de la carte postale, mais bien montrer l’aspect sauvage, souverain et parfois rude de la nature qui nous entoure. Par chance, le temps n’était pas de notre côté ce jour-là, nous avons dû « lutter » avec la pluie, la boue, le mistral, la mer déchaînée, le froid. J’étais en difficulté face caméra, parfois même en souffrance et c’était exactement ce que je voulais mettre dans cette vidéo.

Quels messages souhaites-tu faire passer avec cet album ?

Je ne sais pas si j’ai vraiment l’envie de faire passer un message mais plutôt de partager le voyage que j’ai pu faire. Le voyage au sens de l’errance dans une autre terre, mais aussi le voyage au sens plus initiatique et presque spirituel. Faire connaitre aussi ces cultures méconnues, car on connait surtout en Europe le tango, et j’ai été assez surprise de voir lors de mon premier voyage que dès que l’on sort de la capitale, ce sont pourtant ces musiques et ces danses-là, la chacarera, la zamba, le chamamé, qui sont les plus répandues. Peut-être aussi partager ma joie de voir que les musiques n’ont pas de frontière. Je ne me pose plus la question de la « légitimité » à chanter ces musiques sans être d’origine argentine. Je ne suis pas argentine et ne cherche pas à me faire passer pour une argentine. Je garde sans cesse en tête que je me dois de respecter ces cultures, leurs histoires, que je ne maitriserai surement jamais autant que les natifs, mais pour lesquelles j’éprouve un amour profond, viscéral, inexplicable, qui tient autant du mystère que de l’évidence.

Sont-ce uniquement des reprises comme la magnifique chanson de Mercedes Sosa Cosechero ou bien y-a-t-il des compositions ?

Ce sont des chansons du répertoire populaire. Plusieurs ont été rendues célèbres par Mercedes Sosa ou Atahualpa Yupanqui (qui sont un peu les seuls grands noms du folklore argentin à avoir traversé l’Atlantique).  Il y a aussi deux compositions de Lalo Zanelli (pianiste et arrangeur du répertoire) : Tilcara, qui est un morceau instrumental et Un escandalo cualquiera, qui est le seul morceau à avoir une couleur un peu « tango » mais avec une énergie assez rock. Le texte est aussi de Lalo, et d’ailleurs, c’est sa voix que l’on entend dans plusieurs morceaux comme « voix additionnelle ».Ces deux titres n’ont pas été écrit pour l’album, ils ont déjà été enregistrés par Lalo dans ses albums.

Propos recueillis par Eric Foucher 

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