Quoi ? : Groupe psychédelisco anatolien
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Anselme, Milan, Hakan et Benjamin: quatre enfants de la méditerranée. Ils sont jeunes, plein d'énergie et à coups de saz, d'électro-disco et de sonorités turques, nous emmènent au pays de la « mélancolie heureuse ». On a rencontré Biensüre, auto-proclamé groupe de « psychédelisco anatolien » qui fait vibrer les âmes et bouger les corps marseillais depuis 2019.

Biensüre, c’est d’abord quatre garçons aux horizons vastes, qui ont mixé leurs origines pour arriver à une musique que seule la Méditerranée peut engendrer : du rock psychédélique, des nappes électroniques, des chants mélancoliques en kurde et en turc – le tout saupoudré de sonorités empruntées à la scène disco stambouliote des années 80. Sous leurs airs dansants, leurs textes racontent des histoires d’exil, de déracinement, des couchers de soleil éphémères, des amitiés avortées, la dureté de l’urbanité marseillaise conjurée par la puissance des vagues qui s’échouent sur les côtes.

Né en 2019 à Marseille, Biensüre a sorti en mai un mini-album qui nous a fait vibrer, rêver, pleurer, danser, espérer (oui, tout ça à la fois). Nous avons rencontré Anselme Kavoukdjian (au synthé), Milan Petrucci (à la batterie et aux percussions), Hakan Toprak (au saz, au chant et à la composition des textes), et Benjamin Dauvergne (à la basse). Ils racontent le parcours de leur groupe encore jeune, mais plein de promesses.

Comment est né Biensüre ?

Milan : On est trois à venir des Alpes de Haute-Provence : Anselme, Benjamin et moi. Avec Anselme, on se connait depuis le lycée. À l’époque, on faisait déjà de la musique : Anselme du piano et moi de la batterie. On avait un groupe, on faisait un genre de rock psyché (mais ne cherchez pas, il est hors de question que l’on révèle le nom du groupe !) Après le lycée, on a eu un moment où on a tous fait nos vies, on a déménagé… Mais dès qu’on s’est retrouvés à Marseille avec Anselme, on a recommencé à faire de la musique. On voulait monter un groupe de techno… Mais au moment où on a rencontré Hakan, avec son saz et sa voix, on a complètement changé de projet !

C’est donc la rencontre avec Hakan qui a donné naissance à Biensüre ?

Anselme : Oui. Avec Milan, on réfléchissait à des choses, on avait monté un petit studio dans ma chambre avec un peu de matériel, on bricolait. Mais à l’anniversaire d’une copine à nous, on a rencontré Hakan. Hakan, il est kurde, il vient de Turquie, il est arrivé en France il y a 11 ans. Il chante et joue du saz, notamment dans les mariages kurdes. À cette soirée, on s’est super bien entendus, et on lui a proposé de venir jouer avec nous, pour essayer. Ça nous a plus, alors on a encore joué la semaine d’après. Et la semaine d’après. Et encore la semaine d’après… Et ça s’est créé, comme ça. Et un peu plus tard, Benjamin, l’ancien prof de de batterie de Milan, s’est aussi joint à nous.

Comment vous êtes arrivés au style « psychédelisco anatolien » ?

Anselme : C’est le mélange de nos influences qui a donné ça. Au départ, Milan écoutait plutôt de la techno et du disco, même de la cold wave – New Order, ce genre de choses. C’est Hakan qui nous a fait découvrir la scène disco d’Istanbul des années 80, avec des gens hyper intéressants comme Barış Manço, Erkin Koray, Selda… Notre structure musicale est donc sous l’influence de cette scène disco, pop, psyché. Et avec son saz, Hakan y fait écho. Le saz est au cœur de notre musique : c’est un peu la signature de Biensüre !

Hakan, comment tu as appris à jouer du saz ?

Hakan : Dans ma famille, je suis le seul à faire de la musique. C’est venu comme ça : à huit ou neuf ans, j’avais cette envie de jouer, alors j’ai pris une planche, des ciseaux, des cordes en plastique, et j’ai fabriqué un saz. Toute mon enfance, j’ai joué là-dessus, et je chantais. Puis un jour, j’ai réussi à acheter un vrai saz… Avant de venir en France, j’avais même été accepté au conservatoire d’Istanbul ; mais je suis venu ici, donc finalement, je n’y suis jamais allé.

Tu joues du saz, tu chantes, et c’est aussi toi qui écris les textes. Comment se passe la création de vos morceaux ?

Hakan : Quand on répète, on joue, et on trouve petit à petit l’air, la batterie, le saz, la musique. Une fois qu’on a ça, j’écris un texte. Ce que j’écris dépend donc de l’air, ce que ça m’évoque. J’écris tout le temps : dès qu’il m’arrive quelque chose, je l’écris. Du coup, les paroles sont en turc ou en kurde ; mais dans notre vinyle, on pourra trouver les traductions en français de mes textes.

Certains sont loin, certains sont près,
Certains passent par mon cœur mais
Hélas, Hélas,
Je n’ai pas trouvé d’ami
Comment vais-je trouver ?
(extrait des paroles de Eyvah, Eyvah)

Une des thématiques qui revient souvent dans les textes, c’est l’exil…

Anselme : Oui, on est plusieurs à avoir des origines hors de France : Milan a des ancêtres en Italie, Hakan est Kurde, et moi, ma famille vient de Turquie – ce sont des Arméniens de Turquie, qui ont été chassés par le génocide. Je n’ai plus de contact avec la Turquie, mais quand on s’est rencontrés avec Hakan, on a très vite parlé de ça, de nos origines, du déracinement. On le retrouve dans les textes : Hakan parle beaucoup d’amour, d’amour oublié, d’amour impossible, d’amitié perdue… Et en même temps, dans le clip de Eyvah Eyvah par exemple, un groupe d’amis s’amuse à la plage. Les textes d’Hakan racontent ce paradoxe là, une sorte de mélancolie heureuse.

Vous tournez beaucoup de clips en extérieur, près de la mer… Marseille fait aussi partie de vos influences ?

Anselme : Marseille est au coeur du projet, comme une identité méditerranéenne, tournée vers la mer. Moi, ma famille, en 1915, elle est arrivée ici. L’histoire de la vie d’Hakan est aussi celle d’un exil avec comme point de chute Marseille. Alors c’est important pour nous de parler de Marseille, de participer à cette scène émergente qui lui donne cette image assez fascinante, sauvage.

Pourquoi ce nom, Biensüre ?

Anselme : C’est un clin d’œil à Hakan. Quand on l’a rencontré, il ne parlait pas très bien français, moins bien qu’aujourd’hui. Et il avait ce tic de langage : il disait tout le temps « bien sûr », pour tout ! « Hakan tu peux venir ce soir ? » « Bien sûre ». « Hakan, tu travailles ? » « Bien sûre »… Et il l’écrivait comme ça, avec le « e » à la fin. Alors ça nous faisait plaisir de garder ça, comme un hommage. Et on a ajouté un trema pour turquifier le nom.

Vous avez monté le groupe en 2019. Vous avez fait votre premier concert en janvier 2020 à La Brasserie communale. Qu’est-ce que ça vous a fait, ce premier concert ?

Anselme : C’était trop bien. On avait tous déjà fait des concerts, donc c’est quelque chose qu’on connaissait… Mais c’est à ce premier concert qu’on a senti une alchimie particulière entre nous, qu’on a senti qu’on voulait continuer. Les gens étaient réceptifs. Biensüre, c’était évident !

Et depuis, vous avez bien grandi : en mai 2022, vous avez sorti un mini-album (à retrouver en vinyle à l’automne), vous avez plusieurs dates en France cet été, et vous avez même eu un article dans Libération, la consécration ! C’est quoi, les prochaines étapes ?

Milan : On est désormais accompagnés par un label (WeWantSound) et un distributeur (Modulor records) : ça donne des perspectives un peu plus professionnalisantes. Maintenant, Anselme est à plein temps sur le groupe – même si les trois autres, on continue nos activités professionnelles parallèles : Hakan est dans le bâtiment, Benjamin prof de batterie, je suis intermittent. On va aussi sûrement enregistrer un album l’hiver ou le printemps prochain. On espère pouvoir le travailler le plus longtemps possible, pour en être fiers… Et surtout, notre volonté, c’est d’avoir un groupe qui tourne : on fait de la musique qui est faite pour être jouée en live !

Par Julie Desbiolles
Photos : ©Fabrizio Scarpignato (couverture, photo 3) / ©Xavier Lours (photo 2) / ©Oyku Aytacoğlu (photos 4 et 6) / Autres photos : ©DR