Quoi ? : Windsurfer Pro

Thomas Traversa parcourt le monde avec sa petite famille pour se confronter aux meilleurs et n’a de cesse de rechercher la vague parfaite. Une quête à la fois sportive et spirituelle qui nourrit cette passion de la glisse qui coule dans ses veines depuis son plus jeune âge.

F3, son numéro de voile, fait tourner les têtes à chaque fois qu’on a la chance de l’apercevoir en hiver domptant les vagues d’Epluchures Beach à Marseille, de Carro sur la Côte Bleue ou à la Coudoulière dans le Var. Le plus haut dans les sauts, le plus fluide dans les surfs et le plus radical dans la manœuvres, c’est sans doute aussi le windsurfer le plus humble sur la plage malgré un palmarès ahurissant qui comptent de multiples titres de champion du monde de vagues. Le reste de l’année, c’est sur les couvertures de magazines ou dans des vidéos spectaculaires remontant dans le fil de vos réseaux sociaux qu’il viendra sans doute à vous. Repoussant toujours plus loin les limites des conditions navigables dans la tempête avec Redbull et l’engagement dans les sauts après que sa planche a mordu la lèvre d’une vague énorme du North shore hawaïen, il mène aussi  une vie paisible dans la campagne aubagnaise. Itinéraire d’un rider surdoué…

Peux-tu nous décrire tes débuts en windsurf dans la région et les spots sur lesquels tu naviguais le plus souvent ?

J’ai commencé par le body-board, puis le surf vers 5 ou 6 ans. A l’âge de 8 ans, j’ai commencé le windsurf avec mon père. En gros, on a commencé à passer tous les week-ends et mercredis après-midi à la mer, principalement entre Les Lecques et La Ciotat. Je passais à vie dans l’eau!

Qu’a apporté le windsurf dans ta vie ?

Plein de choses… une passion pour oublier les soucis du quotidien, assez de sensations fortes pour ne pas faire de conneries à l’adolescence, l’opportunité de voyager énormément, la chance d’appartenir à une communauté et surtout une direction à suivre, des rêves à atteindre.

Atteindre ton niveau dans les vagues, ça implique beaucoup de sacrifices ?

Honnêtement je ne crois pas avoir fait de sacrifices pour le windsurf. Bien sûr j’ai passé énormément de temps sur l’eau. Très tôt j’ai commencé à quitter régulièrement la France pour trouver des belles conditions de vent et vagues… j’ai cassé beaucoup de matériel, j’ai souvent fini sur des rochers ou à me faire rouler sous des grosses vagues … mais c’est exactement ce que je voulais, je ne me suis jamais forcé, car c’est ce que j’aime et qui me pousse à aller de l’avant.

Comment s’organise ton calendrier de l’année ? J’imagine que tu n’es pas souvent à Aubagne ?

Nous avons une saison de compétitions qui va de juillet à novembre et pendant laquelle je ne suis quasiment pas chez moi. Ensuite en principe je reste basé ici pour profiter des bonnes conditions qu’on a en hiver, et cela me permet de faire plein de petits voyages en Europe dès qu’il y a un gros coup de vent entre l’Espagne, le Portugal, l’Irlande ou même la Bretagne. C’est là que je me fais plaisir. Puis je vais à Maui chaque printemps, c’est un peu la Mecque du windsurf.

Tu es à rebours de pas mal de stéréotypes : papa très jeune et une vie de famille qui semble assez rangée ? C’est un équilibre nécessaire par rapport à la radicalité de ton engagement sportif ?

Un des seuls buts que je n’aie jamais eu dans la vie était de trouver l’amour et fonder une famille. J’ai vécu avec énormément de liberté et d’insouciance entre 16 et 25 ans, vraiment au jour le jour. Après quelques années de bonheur avec ma compagne on a tous les 2 eu envie de fonder une famille, et avec mon mode de vie j’ai la chance de pouvoir passer un maximum de temps avec mes enfants, voyager en famille aussi… C’est une chance extraordinaire même si c’est parfois plus compliqué qu’en étant seul, j’ai l’impression d’avoir trouvé une utilité à ma vie autre que de m’amuser et faire le clown sur l’eau.

On voit des grands champions galérer pour des sponsors. Faut-il repenser l’image de ce sport comme l’a fait Red Bull (The Chase, à l’assaut des tempêtes ) pour le rendre plus médiatique ?

Tout est question de modes je crois. Le windsurf reste un sport assez confidentiel et c’est vrai que mis à part des évènements exceptionnels comme le Red Bull Storm Chase, on en entend assez peu parler dans les médias. Notre époque est celle du toujours plus, donc le côté extrême peut nous aider à faire parler de nous mais cela se limite à des événements ponctuels. Il n’y a pas la base importante de pratiquants et de fans nécessaires pour faire du windsurf un sport médiatisé. Il reste tout de même de nombreuses possibilités de sponsoring et nous (windsurfers professionnels ) avons une qualité de vie incroyable donc je pense que nous ne sommes pas à plaindre.

Malgré un palmarès impressionnant,  tu es resté fidèle à ton sponsor des débuts comme Tabou pour les planches ?

Cela fait maintenant dix-neuf ans que je navigue sur les planches de Fabien Vollenweider (shappeur et boss de la marque) et je suis toujours aussi impressionné à chaque fois que je reçois ses protos !

Le Kite, Le Sup ? Le Wing Foil ? Les pratiques-tu et comment vois-tu l’évolution du windsurf au milieu de ces autres pratiques ?

Je suis plutôt un puriste! Le surf et le windsurf sont les deux passions depuis mon enfance et cela me suffit. J’ai bien sûr essayé ces différents supports (sup, kite etc.) mais j’aime aussi faire d’autres activités qu’être sur l’eau, donc ça ne m’attire pas spécialement. Je préfère me concentrer sur ce que je sais faire. En tout cas, je trouve super la multiplication des possibilités d’aller sur l’eau, les nouveaux pratiquants ont vraiment le choix du meilleur support pour leur lieu et type de pratique, et cela agrandit la communauté des sports de glisse, comme une famille qui s’agrandit sans cesse.

Robby Naish vient de sortir un film retraçant sa carrière ? Fait-il partie de ceux qui t’ont marqué étant gamin ?

Oui bien sûr,  c’était un de mes héros, je visionnais régulièrement son film RIP quand j’étais adolescent mais pour être honnête, j’ai toujours eu plus de fascination pour les riders un peu moins mainstream. J’ai plus été inspiré par les surfeurs et windsurfers qui partaient explorer la planète a la recherche de nouveaux spots. C’est ça qui me faisait vraiment rêver

As-tu déjà réfléchi à l’après, ou t’imagines tu continuer à parcourir le monde comme il le fait passé 50 ans ?

Pour le moment, j’essaie de profiter du présent et de ce que je vis. Dans un sport comme le nôtre je crois qu’il faut être impliqué à 100% pour pouvoir faire partie des meilleurs et en vivre, j’ai cette chance donc je fais tout pour que ça dure le plus longtemps possible. J’ai évidemment des tas des questions que je me pose sur mon futur mais j’essaie de faire confiance à ma bonne étoile et je me dis que les choses qui doivent arriver finissent généralement par arriver!

Quelle est la destination qui t’a la plus fasciné et celle que tu rêves de faire ?

Je suis fasciné par le voyage en général, le fait de sortir de ce qu’on connaît, de se remettre en question, de s’adapter à la réalité dans laquelle on se trouve. Malheureusement, on est souvent enfermé dans notre fonctionnement stéréotypé, même lorsqu’on se trouve dans un autre milieu… j’ai un souvenir assez incroyable d’un road trip en nouvelle Zélande avec ma compagne à bord d’un petit camping-car: beaucoup d’espace, de nature, la mer la montagne et une sensation de liberté. Dans le même esprit, je rêve d’aller un jour en Colombie Britannique, sur la côte ouest du Canada .

Les victoires dont tu es le plus fiers ?

Toutes! Mes 4 victoires en coupe du monde, mon titre mondial en 2014 , mes 3 victoires sur le Red Bull Storm Chase, tous ces moments ont été irréels… un sentiment étonnant d’avoir atteint quelque chose en moi dont je ne soupçonnais même pas l’existence. En plus du bonheur fugace, ces victoires me permettent de continuer à faire du windsurf pour vivre et c’est ça la plus grande victoire.

Tes engagements écologiques ?

Haha sujet sensible car nous voyageons beaucoup et utilisons un tas de matériel construit à partir de produits polluants. Mon engagement est surtout dans la non-consommation, je n’ai pas besoin de grand-chose et j’essaie de garder au maximum tout ce que j’utilise. Par exemple répare mon van qui a 495 000 kms plutôt qu’en racheter un nouveau. profiter de la nature autour de chez moi car finalement je ne voyage presque que pour le windsurf. Manger un minimum de viande, faire pousser ses propres légumes et acheter local et de saison le reste du temps. J’ai été marqué par la dernière phrase de Candide et je vois ça comme une forme d’objectif de sagesse et de bonheur : « il faut cultiver son jardin. »

Propos recueillis par Eric Foucher