Nommé d’après un poème du chantre de la créolité Edouard Glissant, cet événement aux expositions ambitieuses et riches entend donner aux scènes contemporaines ultramarines la place qui leur revient. « Loin ne veut pas dire petit » annonçaient les journées professionnelles en ouverture d’un Champ d’îles qui se conclura par un grand festival musical.
Souvent caution exotique d’un art joyeux et coloré, la scène artistique d’Outre-mer n’a que très rarement la place qu’elle mérite sur la scène culturelle française.
Bérénice Alliaud, directrice de Documents d’artistes de la Réunion, une ressource gratuite qui offre de la visibilité aux artistes, souligne qu’avec cet événement, « c’est la première fois qu’il y a autant d’acteurs pour rebattre les cartes sur la façon dont est vue la création des artistes d’Outre-mer ». Qu’ils soient originaires de la Réunion et de la Guyane comme dans l’exposition « Astèr Astèrla » ou des Antilles et d’Haïti comme dans « Des grains de poussière sur la mer », l’idée et bien évidemment de les mettre plus en lumière malgré l’éloignement et de les intégrer davantage aux réseaux culturels.
ASTÈR ASTÈRLA
Avec l’École supérieure d’art et son Frac, la Réunion et Mayotte ont déjà commencé à se structurer pour faire la promotion de leurs artistes. C’est d’ailleurs le Frac qui est à initiative de l’exposition Astèr Astèrla déjà passée par la ville de Tour précédemment et qui signifie « Maintenant et ici » en créole réunionnais.
Julie Crenne, la commissaire d’exposition y a convié une trentaine d’artistes, originaires ou vivant à la Réunion ou en Guyane, pour raconter une histoire commune, loin des cartes postales souvent envoyées en métropole.
Insularité oblige, la mer y est souvent évoquée mais moins dans sa dimension balnéaire que dans sa force régénératrice. Post-colonialisme, questions de genres, migrations, rapport au mysticisme et à la terre nourricière y sont aussi bien sûr abordés dans leurs arts envisagés comme des forces de résistance.
« Notre volonté n’est pas de « ghettoïser » les artistes de l’île en les identifiant comme réunionnais, donc d’ailleurs, donc exotiques. »
Au détour des cimaises, on découvre des œuvres existantes ou créées pour l’occasion. Un ex-voto en hommage à la terre, notre jardin, s’accompagne d’un texte en créole. Le catalogue de l’expo a d’ailleurs eu la bonne idée d’être traduit en créole en plus de l’anglais, affirmant ainsi l’importance de la langue dans le processus créatif.
Masami, seule artiste japonaise vivant à La Réunion a conçu une maille géante de vêtements lacérés pour en faire un vitrail textile. Lolita Bourdon, diplôme de l’École supérieurs d’art du Port, passionnée par le corps (et les fesses en particulier) crée un alphabet de poses et d’attitudes.
DES GRAINS DE POUSSIÈRE SUR LA MER
Le titre de la seconde exposition « Des grains de poussières sur le mer » au 3ème étage de la Tour est produite par Fræme et n’a rien de fortuit non plus. Il fait écho à la définition du confetti d’îles vu par le Général de Gaulle surplombant la mer des Caraïbes lors d’un voyage d’état en 1964. Par ces mots, il révèle également une perspective en surplomb que semble toujours avoir prévalu depuis la France.
Bien que présentant de nombreuses œuvres très politiques (comme pourrait-il en être autrement dans des îles encore marquées par un passé esclavagiste), les artistes présents s’inscrivent davantage dans un monde de l’art mondialisé que dans une beauté exotique ou le seul passé traumatique.
Yoann Sorin propose une forêt de pianos à queue transformés en caisse de résonance rythmiques pour faire entendre les revendications créoles. L’artiste Jean-François Boclé transforme une étagère de 6m20 de long en timeline de la perception de l’image des blancs et des noirs à travers les produits de consommation courante (très infamants pour les gens de couleur) qu’il glane dans les supermarchés lors de ses voyages. Du tout blanc au tout noir, de l’univers des loisir à ceux de service, l’héritage colonial a fait long feu bien que de nombreuses marques se soient tout de même emparées du sujets (Uncle bens, Banania, etc).
Louisa Marajo brûle, elle, l’iconographie facile du tourisme (les palmiers et la couleur) et bascule dans le noir et blanc. La catastrophe comme un un retournement et la possibilité d’un renouveau.
Du 30 Mai au 2 juin , France télévision célébrera les cultures ultra marine avec la 1ère Edition du festival Convergences. Au programme trois jours de concerts, grand dîner, rencontres et spectacles.
Le 4 mai le festival Hip-Hop Society produit par l’AMI et Kadans Caraïbes invitera lui le collectif Expéka à se produire sur scène.
Le Petit Plus : Tous les samedis du 10 février au 2 juin, la Friche propose de « Visites Visite Flash » de 30 minutes à 15, 16 et 17h00.
Par Eric Foucher / Texte et photos