L’œuvre de Jean Dubuffet (1901-1985) peintre, écrivain, musicien et instigateur de l’Art Brut, est riche et protéiforme. Les œuvres, objets et documents présentés au Mucem nous révèlent toute l’épaisseur de l’artiste.
Un coup d’œil à la biographie de Jean Dubuffet que l’on découvre à l’entrée de l’expo vous met vite au parfum de la singularité de ce monstre de l’art du XXème siècle.
Contrairement à nombre de ses condisciples du XXème siècle, il n’est pas du sérail. Ni intello, ni aristo, il a ce côté débonnaire du négociant en vin, activité qu’il reprendra de ses parents et pour laquelle il stoppera sa carrière de peintre à deux reprises. « J’aspire à un art qui soit directement branché sur notre vie courante, un art qui prenne départ dans cette vie courante, qui soit de notre vraie vie et de nos vraies humeurs, une émancipation immédiate ».
L’exposition du Mucem montre à merveille comment l’homme arrive à célébrer le quotidien, l’ordinaire, la banalité. Avec ce qu’il nomme « l’homme du commun » il en finit avec le beau sujet, l’héroïsme si prégnant dans la peinture des siècles précédents.
« Ce n’est pas être un homme d’exception qui est merveilleux. C’est d’être un homme » est-il précisé en exergue dans la scénographie (ndlr : de nombreuses phrases clés rythmant les salles) Dubuffet est le peintre des trognes et laisse une large place à la figure humaine tout en la laissant, et c’est là le paradoxe, quasi anonyme, archétypales. Il plonge en immersion dans ses sujets, que ce soit dans le métro parisien (en ressortira Métromanie un livre de Jean Paulhan illustré de ses peintures ) ou au Sahara.
L’exposition permet de découvrir d’autres pans de son œuvre. Sa passion pour les arts premiers qu’il se refuse à nommer « primitifs » comme le fera la culture coloniale et post coloniale par exemple. Son intérêt pour les murs graffités de la ville ou les dessins d’enfants aussi « Se nourrir des inscriptions, des tracés instinctifs, les spontanéités ancestrales de la main humaine quand elle trace un signe » dira-t-il.
En fréquentant les ethnographes, les sociologues, les psychiatres, il définit les contours de ce qu’il nommera l’Art brut, des productions qui soient le moins affectées par l’intellect et une culture esthétique. « L’art brut, c’est l’art brut et tout le monde a bien compris de quoi il s’agit. » conclue-t-il pour balayer toute tentative de théorisation.
Des affiches, quelques vidéos, des sculptures et surtout des peintures, on vous invite à regarder ses œuvres plusieurs fois et en changeant à chaque fois d’angle comme il le fait sur le monde … « surtout de biais » précise-t-il malicieusement. Vous percevrez toute l’épaisseur de sa peinture et du bonhomme ….
Par Eric Foucher
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