Et si on voyageait dans nos confinements ? C'est ce que propose le CCR du Mucem avec Psychodémie, une exposition qui juxtapose 13000 photos prises compulsivement par le photographe et cinéaste Antoine d'Agata, et des objets de la vie quotidienne de confinés.
Mars 2020, confinement numéro 1. Alors que les rues se vident, chacun, dans son quotidien d’« essentiel » ou de « non essentiel », créé des stratégies pour faire baisser l’angoisse, pour s’occuper, pour communiquer, pour rire, pour se protéger.
À ce moment là, pour Antoine d’Agata, photographe et cinéaste, ça devient une nécessité : il faut enregistrer, documenter ce moment unique. Il le fera d’abord dans les rues, photographiant non seulement leur vacuité mais aussi ceux qui sont contraints d’y errer, puis à l’hôpital. Presque au même moment, le Mucem lance sa vaste collecte d’objets « vivre au temps du confinement » : le musée récupère 600 photos et 170 objets qui témoignent des vies enfermées.
C’est toute la matière accumulée que le Mucem et Antoine d’Agata exposent au Centre de conservation et de ressources (CCR) du Mucem avec Psychodémie. En cinq chapitres (Ordonnances, Contagions, Traitements, Seuils et Processions), on est invité à une déambulation dans les confinements de chacun, mis au regard de tout ce qu’a pu capter Antoine d’Agata de l’extérieur.
C’est ainsi que face aux attestations, masques et créations artistiques étranges – comme ce “stérilisateur de masques” DIY à base de papier d’alu – on trouve sa collecte d’images sur les réseaux sociaux chinois, ses propres photos de gants abandonnés, ses premières photos de soignants. Dans la rue vide, il capte les personnes sans domicile fixe qui, comme les autres, essayent de se fabriquer des protections de fortunes. La dernière salle, Seuils, est une accumulation d’images de soignés prises dans les hôpitaux avec une caméra thermique : on garde le sens, les gestes de soin et les souffrances, moins la brutalité des fluides et des corps nus, sous assistance.
Antoine d’Agata dit d’ailleurs : « La rue était très violente. Mais à l’hôpital j’ai réussi à retrouver une communication, les gens se touchaient… »
Dans cette polyphonie, on entrevoit non pas le confinement, mais les confinements : le dedans et le dehors, le vide de la rue et ceux qui y vivent, les soignés et les soignants, les stratégies désespérées ou drôles de chacun pour survivre à l’enfermement et à l’angoisse. Tout ça mis ensemble, ça ressemble à un premier récit de ce qui nous est arrivé, dans toute sa complexité… Et bizarrement, malgré la rudesse des images, cette exposition qui relie toutes ces solitudes pour en faire une grande expérience collective fait un bien fou.
Le petit plus : Profitez de votre passage au CCR pour aller visiter la salle de lecture : une bibliothèque en accès libre, pas très grande mais lumineuse, où l’on peut même emprunter les bouquins.
CCR Mucem / 1, rue Clovis Hugues 13003 Marseille
Par Julie Desbiolles