Les peintures, sculptures, installations, dessins, photographies, vidéos d’artistes d’artistes connus et moins connus (Henri Matisse, Marcel Duchamp, Andy Warhol, César, Richard Baquié ou Bernard Plossu) nous embarquent pour une virée imaginaire ou réelle vers des paysages tantôt poétiques, tantôt tragiques, toujours émouvants.
Quand tu aimes, il faut partir » (Tu es plus belle que le ciel et la mer / feuilles de routes 1924) c’est avec ce vers célèbre de Blaise Cendars en tête que les commissaires d’exposition Christine Poullain et Pierre-Nicolas Bounakoff ont réuni un grand nombre d’œuvres qui questionnent la notion de voyage sous toutes ses formes.
Autant prévenir les amateurs de muséographie spectaculaire et d’œuvres plastiques grandioses, cette exposition ne leur arrachera pas de « whaou » d’étonnement. Est-elle pourtant digne d’intérêt ? Oui , et à double titre. Le premier pour son parcours pédagogique qui vous fait revisiter l’histoire de l’art sous le prisme de la thématique choisie (le voyage donc) avec les prêts d’œuvres rares. Le second par le dialogue qu’elle établit entre les œuvres qui ont marqué leur époque et d’autres plus contemporaines qui vont faire résonner leur concept à l’aune de notre époque (la crise migratoire, la mondialisation, l’urgence écologique).
La première salle qui confronte les œuvres de Marcel Duchamp avec l’installation de Shiharu Chiota en est la parfaite illustration. D’un côté une boite-en-valise contenant les reproductions miniatures de son œuvre questionnant la notion de reproductibilité en art, de l’autre une vague de valises où l’objet devient le médium, le vecteur de souvenir mouvants.
S’en suit sept autres sections. « Sur l’autre rive » où les fantasmes d’exotiques des siècles passés (orientalisme) se heurtent à l’implacable évocation d’un exil impossible et/ou tragique (les photos de Zineb Zedira d’homme et de femme contemplant des frontières invisibles).
« La planète affolée » présente le voyage sous le prisme de la fuite et fait la part belle aux artistes surréalistes dont les œuvres dépeignent l’urgence d’échapper aux horreurs de la guerre.
« Sur la route » fait du chemin plus que la destination le motif majeur des œuvres dans la droite lignée de la Beat génération. L’œuvre XXL de l’artiste marseillais Richard Baqué, « cockpit » habite la pièce sans que l’on sache vraiment si les romantiques écritures « les ciels étoilées des nuits d’été » soient la cynique légende d’un crash à venir.
« Cartes et traces », « Exil » et pour finir une dernière section baptisée tout simplement « Matisse » clôt l’exposition avec des tapisseries célèbres, « Polynésie la mer et Polynésie le Ciel » où s’expriment en des motif naïfs d’oiseaux, algues, poissons et coraux le souvenir d’un voyage effectué quinze ans plus tôt.
Le Petit Plus : A l’entrée de l’exposition un dispositif sonore de Pascal Massaoudi baptisé « Voyage Emoi » propose l’écoute des témoignages de 120 marseillais de tous âges quant à leurs souvenirs de voyages, réels ou imaginaires (des enregistrement ont eu lieu entre autre au centre pénitentiaire)
Par Eric Foucher