L’ancêtre de la telenovela a fait les beaux jours de la presse populaire après-guerre avec ses histoires de jalousie et de trahisons, de tendres baisers et cœurs brisés. L’expo « Roman photo » nous montre que ces feuilletons sont plus riches qu’il n’y paraît.
Considéré comme un divertissement vulgaire, le roman-photo n’a jamais attiré l’attention des intellectuels ni des institutions culturelles. Cette première exposition dans un musée national consacré aux arts et traditions populaires permet d’apporter un regard sociétal différent sur le genre et toutes les déclinaisons qu’il a occasionnées. Et le fait qu’elle se tienne dans le Musée des Civilisation d’Europe et Méditerranée tombe fort à propos tant le genre à des racines fortement ancrées dans la culture latine (nb : le Roman photo n’a jamais réussi à s’imposer dans les pays Anglo-saxon ou d’Europe du nord).
Le parcours propose ainsi de plonger dans son histoire en 3 temps et 3 espaces (le roman Photo sentimental, la Salon de lecture, les avatars et détournements) depuis sa naissance en Italie après-guerre et les images plus anciennes qui l’ont inspiré au dernier projet artistique qui joue avec ses codes. Et de découvrir ainsi que le genre était très codifié dans les mouvements et les postures (La Compagnie Royal de Luxe s’amusera d’ailleurs à faire des Roman-Photo vivants dans le théâtre de Rue), que l’adaptation des films en roman-photo permettait de toucher un public plus rural pour les distributeurs, là où on ne trouvait pas de salles de cinéma. Il était parfois découpé en feuilletons pour la presse hebdomadaire ou quotidienne afin de tenir les lecteurs en haleine. Des films comme « A bout de souffle » seront ainsi saucissonné.
Considérés par d’autres comme un moyen d’abrutissement des masses (1 français sur 3 est lecteur de roman-photo au début des années 60) ils seront détournés à des fins coquines (Hara Kira en tête) ou moqués par les avant-garde comme le groupe des « situationnistes ».
Reste que malgré le pouvoir de la télé qui créera des feuilletons à l’eau de rose (telenovelas), le roman-photo continuera d’exister à l’image de son titre le plus célèbre en France « Nous Deux . La référence du genre depuis 70 ans continue à tirer à 230 000 ex malgré la crise de la presse. Le roman-photo a même pris le virage du numérique avec des sites et des applications dédiés. La littérature en cases semble avoir encore de beaux jours devant elle… (EF)