Il y a un dicton qui dit que l’art est une activité qui ne vous abandonne jamais. Pas étonnant donc que Patrick Raynaud (artiste, réalisateur, professeur et le directeur des plusieurs écoles des beaux-arts) ait ouvert chez lui une galerie d’art (un loft industriel et une énorme terrasse végétalisée)à l’heure de prendre sa retraite.

De généreux parrain, il est devenu galeriste bénévole en ouvrant sa maison et son carnet des adresses à des amis artistes, collègues et ex-étudiants. Il organise pour eux un dimanche par mois des vernissages sans prétention.  En partageant ses connaissances sur des artistes qu’il connaît, et plus important, dont il apprécie le travail, il expose son rapport intime à l’art. Raynaud a tombé amoureux de Marseille pour la possibilité d’une découverte à chaque coin de rue.  Il lui offre en retour avec Sept Clous une insolite oasis culturelle au cœur d’un quartier populaire de Marseille.

Comment êtes-vous retrouvé à Marseille ?

Je suis arrivée un peu en hasard il y a 6 ans. J’ai cherché une terrasse en ville dans le Midi pour revenir vers Carcassonne d’où je suis originaire. Je n’aime pas la campagne, je préfère les villes, mais j’aime la végétation. Alors cette toit-terrasse ou m’a immédiatement séduit.

 

Qu’est-ce que vous plaît dans cette ville portuaire ?

 J’aime surtout le mélange des civilisations et des cultures, des quartiers qui sont un peu déstructurés. J’aime cette ville comme elle est, avec les choses désordonnées. J’aime le désordre. J’aime beaucoup l’énergie qui est dans cette ville.

 

Les quartiers et les endroits qui vous tentent?

J’aime aller aux Catalans, me balader sur la Corniche, visiter les commerces de Noailles. J’adore aller aux Puces. J’ai l’impression d’être ailleurs qu’en France, de l’autre côté de la Méditerrané. On est dans un melting pot. Ça me fascine. C’est tous ce que j’aime. Ce sont des joies sans cesse renouvelées.

 

Votre projet est vraiment Marseillais

 Ce que je trouve le plus intéressant à Marseille, c’est ce qui passe par les réseaux, le bouche- à-oreilles, chez les gens, les particuliers. Il y a beaucoup de générosité.  Par exemple, Grégory Murot (nb : le galeriste et l’artiste qui gère Sept Clous) a fait des expositions dans des lavomatiques (nb : Le Lavomatik) ouvertes aux gens  -qui viennent faire leurs lessives mais pas que. C’est chouette. Il n’y a qu’à Marseille qu’on peut faire ça car ici tout est un peu permis. Les gens sont assez souples.

 

Avez-vous toujours eu envie d’avoir une galerie d’art chez vous ?

 Non. J’ai acheté cet appartement pour prendre ma retraite. Au bout d’un certain temps, j’ai eu envie de faire vivre cet endroit qui est beau et très grand. J’ai connu beaucoup et passé beaucoup de temps avec des artistes durant ma carrière. L’idée de la retraite m’ennuyait vraiment. Ce projet m’a donné un coup de fouet et une nouvelle énergie. C’est une fête une fois par mois autour du travail d’un artiste. Une façon pour moi d’aller à la rencontre des gens d’ici, de m’intégrer aussi à Marseille parce que c’est vrai que je suis assez solitaire en général.

 

Pourquoi le nom Sept Clous pour cette galerie ?

 J’avais sept masques africains accrochés aux murs de mon salon. J’ai eu l’idée de proposer ces sept clous aux artistes. Mais dès la première exposition, ce n’était pas suffisant. Il y en a eu 14 puis le mur entier.

 

Comment choisissez-vous les artistes ?

Il s’agit souvent de retrouvailles avec des artistes que j’ai rencontré dans les écoles d’arts. Certains étaient alors profs ou jeunes étudiants et sont devenus très connus par la suite. Je vais par exemple exposer prochainement Ida Tursic et Wilfried Mille qui sont représentés une grande galerie à Paris et qui étaient très fébriles au moment de leur donner leurs diplômes.

Je les choisis donc en fonction de leur travail mais aussi, tout d’abord, en fonction de rapport que j’entretiens avec eux. Comme je fais ça pour le plaisir, je n’(ai pas envie de perdre mon temps avec des artistes antipathiques.

 

Les artistes assistent aux vernissages ?

 Oui, s’ils le peuvent car le but est bien sûr la rencontre. Ils viennent avant pour faire l’accrochage et parfois réalisent des pièces spécifiques. Fabrice Hyber est par exemple venu avec une boite des crayons de couleurs et des peintures et a réalisé une quarantaine des dessins en quatre ou cinq jours. C’est chaque fois une petite aventure comme ça.

 

Peut-on acheter les œuvres ?

 Moi, je ne fais pas la vente. Elles sont à vendre généralement avec l’artiste ou la galerie qui le représente. Je ne veux pas avoir le travail de galeriste. C’est plutôt festif de commercial. Je n’aime pas du tout le commerce.

 

Parlez-nous d’une exposition récente…

 J’ai organisé une exposition avec Berdaguer et Péjus qui s’appelait « les Boros de Belsunce » (voir photos) Ils habitent à 200 mètres de chez moi. Ils passaient souvent devant une boutique de Belsunce où étaient exposés depuis une dizaine des années des jeans. Avec le soleil  ils étaient devenus complètement délavés et irrécupérables.

Les artistes en ont créé des œuvres dans le principe japonais des boros, qui consiste à s’emparer de pièces pour créer de nouvelles par un système de patchwork. Du sable bleu tombant des poches symbolise le temps qui passe, la destruction des choses.

 

7 clous Marseille

150 rue de Crimée 130013 Marseille

www.septclousamarseille.com

 Propos recueillis par Alexis Steinman