En langue romani, Barvalo signifie « riche » et, par extension, « fier ». Ce mot sert de titre à l’exposition mais aussi à la grande fresque qui la termine et représentent des hommes célèbres et moins connus qui ont tous en commun d’avoir les mêmes racines.
Au moment de fêter ses dix ans d’existence, le nouveau directeur du Mucem, Pierre-Olivier Costa, rappelait combien cette institution pouvait être fière d’inaugurer cette exposition.
« C’est un moment historique car c’est une des premières expositions sur la culture romani sans le folklore et les stéréotypes qui l’accompagnent ».
Elle aura nécessité sept ans de travail collaboratif pour l’équipe de dix-neuf personnes d’origine romani (Roms, Sinti, Manouches, Gitans, gens du voyage / Voyageurs) et non romani, de nationalités et de profils différents autour des cinq co-commissaires de l’exposition.
L’exposition a pour but de mettre fin à l’invisibilité dont la culture romani a trop longtemps souffert, pendant de la stigmatisation de ses membres durant des siècles.
200 œuvres et documents (imprimés, vidéo et sonores) issus de collections publiques et privées, françaises et européennes, sont là pour illustrer l’histoire, la culture, traditions et le patrimoine romani d’hier et d’aujourd’hui avec des commandes à des artistes romani européens – Luna De Rosa (Italie), Gabi Jimenez et Marina Rosselle (France), Mitch Miller (Écosse), Emanuel Barica (Roumanie) – et 9 créations audiovisuelles (films, carte animée et son). Autant d’artistes contemporains qui donnent de la chair au « tsiganisme » bien que ce terme soit peu utilisé du fait de sa connotation négative.
La première partie raconte les premiers flux migratoires depuis le nord de l’Inde aux environs de l’an 700 vers différents pays d’Europe jusqu’à nos jours où la population romani est estimé entre 10 à 12 millions d’individus.
Sont retracés le lent et continu processus de stigmatisation puis de persécution de ces populations jusqu’au paroxysme de l’Holocauste. Tout ceci entretenu dans l’imaginaire collectif par des représentations stéréotypées dans la culture et le folklore.
A l’entrée de l’exposition, une sculpture (un arbre créé à l’aide de parasols forains) explique que c’est la langue romani qui forme le tronc commun de toutes les communautés qui se sont disséminées partout en Europe. Les cartels et le catalogue de l’exposition ont été traduits dans cette langue. C’est une première pour une exposition de cette envergure.
Une autre œuvre, le patchwork textile de l’artiste Malgorzata Mirga-Tas (en une de cet article) crée d’après une gravure française du XVIIè siècle – représentant les gitans comme d’éternels vagabonds aux mœurs suspects – tente de transformer la charge négative en beauté visuelle.
La deuxième partie de l’exposition propose une réflexion sur les notions d’appartenance et d’identité. On y fustige les stéréotypes, comme celui assez sexiste de la belle gitane volontiers lascive, véhiculé dans l’imagerie populaire.
Un peu après, un corridor un peu plus sombre où les panneaux d’interdictions côtoient de murs tapissés de tweets haineux sert à nous plonger dans l’expérience de la stigmatisation.
La dernière salle est une installation de l’artiste Gabi Jimenez. Le « Musée du Gadjo » propose d’inverser le regard du visiteur. On y découvre la « gadjologie », une science imaginaire et parodique de l’Autre qui se ferait l’écho d’une perception romani des autres cultures en les enfermant dans des clichés.
En fin de parcours une galerie de portraits de personnalités célèbres et moins célèbres (De Charlie Chaplin à Django Reinhardt et passant par Pierre-Andrée Gignac ou Manitas de la Plata) témoigne de la richesse des cultures romani et de la fierté des différentes communautés à contribuer à la diversité culturelle des sociétés européennes.
Par Eric Foucher