Au nord de Marseille, sur un site aux bâtiments industriels classés, la Savonnerie du Midi vous raconte l’histoire d’un produit devenu indissociable de la ville. A travers un joli musée d'une part, mais aussi grâce à un parcours dans les unités de productions d'un savon a toujours gardé la même recette.
Sur l’autoroute en arrivant sur Marseille, un cube vert olive géant signale sa présence : savon de Marseille, extra pur, 72%. Tout est dit et pourtant on va envie d’en savoir plus sur la Savonnerie du Midi, l’une des trois dernières à Marseille.
Installée depuis 1894 devant le ruisseau des Aygalades qui l’approvisionnait en eau à ses débuts, son bâtiment originel recouvert de bois apparaît au détour d’un virage. Le site a été complété par des constructions plus modernes, à mesure que le production s’est industrialisée. Mais la recette, elle, est restée la même depuis les débuts.
A défaut de brevet, la savonnerie respecte tous les critères traditionnels établis par l’UPSM (Union des Professionnels du Savon de Marseille) : cuisson au chaudron, au cœur de Marseille, à base d’huile exclusivement végétale, sans huile de palme, sans colorant, sans parfum ni conservateur. Le tout identifié par un pentagone estampillé sur les vrais savons de Marseille (ndlr: un savon à la lavande ne pourra par conséquent pas obtenir le label par exemple).
A ce cahier des charges, elle a rajouté une particularité qui lui est propre : une certification bio. Afin de faire découvrir la spécificité de ce travail ancestral, la Savonnerie du Midi a décidé fin 2018 d’ouvrir un musée du Savon auquel on accède après un parcours dans l’usine. On pourra y découvrir la cuisson dans les chaudrons d’époque qu’un maître savonnier et son apprentis surveillent comme du lait sur le feu. Mais aussi en fin de visite les chaînes d’estampillages et d’emballage.
5 étapes pour la fabrication (pour une durée de 7 à 10 jours au total) : l’empattage (mélange de l’huile et de soude qu’on fait chauffer pour obtenir une pâte), un premier lavage pour enlever les impuretés et excédents de glycérine, cuisson, nouveau lavage avec de l’eau salé, liquidation (on rajoute de l’eau douce pour rendre le savon extra pur.) puis on envoie à l’atelier de séchage la pâté qui sera décomposée en petit granulé (les bourdillons) avant de prendre forme en barres, savons, savonnettes ou produits liquides.
La savonnerie du Midi accueille régulièrement des artistes en résidence. Dernièrement, Jérémy Setton a orné des retables (ndlr: nom donné à la pelle du savonnier) dressant un parallèle avec les décors ornementaux religieux. Imaginant la savonnerie telle une cathédrale, il a également crée des gravures et des sculptures de savon.
Le musée possède trois salles. La première retrace l’histoire des savonneries marseillaises, des grandes heures (ndlr: on en comptait 129 au début du XXè S.) jusqu’au déclin à l’arrivée de la lessive industrielle et de la machine à laver, en passant par le renouveau récent à la faveur d’une prise de conscience d’un retour aux cosmétiques et produits naturels, sains et non polluants.
La seconde montre les machines : balance à peser la soude, tampons en buis et tulipes en fonte pour marquer les savons sur les 6 faces – pour ses propres marques comme la Corvette mais aussi d’autres pour lesquelles elle était sous-traitant, chaudron transformé en fauteuil par les soins de la Cité des arts de la rue voisine qui a assuré une très belle scénographie.
Sur un mur on peut y admirer l’une des plus belles collections privées de savons de Marseille : plus de 250 avec chacun leur timbre différents qui permettait de les identifier même pour les gens qui ne savaient pas lire.
Une dernière salle montre le dur labeur de lavandières (idéalisé dans les publicités où celles-ci sont tout sourire) lors leurs travaux quotidiens ou lors des bugades (ndlr: terme provençal qui désigne la grande lessive du linge de maison et par extension le lavoir où on faisait la lessive). Battoir, planches à laver (devenu l’instrument de musique américain washboard), et photos d’époque permettent de figurer l’ardeur de la tâche.
Cette visite du musée complétée par un parcours dans les différentes salles de l’usine (chaudrons, séchage et moulage) permet de voir les salariés sur leurs ateliers à la tâche et découvrir que ce produit qui fait partie de l’histoire de Marseille représente une tradition encore vivace.
Le Petit Plus : Une boutique d’usine à l’entrée du site permet de se fournir en produits de soin ou d’entretien La Corvette à moindre coût.
Par Eric Foucher