Les îles du Frioul sont devenues une étape incontournable pour les visiteurs de l’antique Phocée. Mais ce trésor est à redécouvrir pour les marseillais en quête d’un rapide plan d’évasion.
Il y a ceux qui y ont un anneau pour amarrer leur bateau qui n’a pu trouver place dans un Vieux-Port saturé ; ceux qui ont la chance d’y mouiller dans les eaux turquoises les week-end de farniente ; et quelques rares autres encore qui y ont un petit appartement de famille quand on s’était mis à y bâtir des ensembles balnéaires et populaires dans les années 70. Mais tout cela additionné représente finalement très peu de monde en regard du trésor qui s’offre sous nos yeux : un paradis pour randonneurs naturalistes, plongeurs d’aquarium et baigneurs grands seigneurs.
Rattaché au septième arrondissement de Marseille, s’y rendre n’a pourtant rien d’une sinécure. A peine trente minutes depuis le quai des Belges avec des rotations de vedettes très nombreuses et plus abordables depuis que la Métropole en a pris la gestion.
Appelé plus communément le Frioul, cet archipel tire son nom du mot provençal « Frieu », qui désigne un passage maritime, ici le bras de mer séparant ses deux îles principales de Pomègues et Ratonneau. If qui mérite à elle seule une autre escapade et l’ilôt Tiboulen à l’ouest de Ratonneau complètent le tableau.
Les résidents eux-mêmes vous le diront, on ne se lasse jamais de la traversée sauf par vent mauvais quand le mistral chahute l’embarcation pourtant solide. Les monuments du Vieux-Port anciens ou récents défilent en rangs serrés sous vos yeux de part et d’autre : l’Hôtel de Ville, la Bonne Mère, l’Abbaye Saint-Victor, les Fort Saint-Jean et Saint Nicolas, le Mucem, le Palais du Pharo, la Digue du large puis la Corniche que l’on embrasse bientôt d’un seul regard à mesure que l’on s’éloigne. « Qu’est-ce que c’est beau Marseille » est la phrase que l’on chuchote en immortalisant les scènes, mais il n’est pas né l’hashtag qui suffirait à la résumer.
Ici plus qu’ailleurs, le voyage fait partie de la thérapie pour citadins stressés en manque de grands espaces. Passé le Château d’If qui se refait une beauté, on découvre bientôt le port et cet étrange village : Port Frioul, entre le village vacances d’une petite île grecque dominé par son temple et une cité lacustre un peu kitsch, comme une utopie des seventies. A gauche ou à droite, votre cœur balance. Il y a bien maintenant un petit train, mais on le laissera aux touristes, pressés de faire le grand tour dans la journée durant leur escale marseillaise.
Les îles Pomégues et Ratonneau méritent chacune leur voyage. Pour atteindre la première, on se dirige vers la grande digue Berry au fond du port construite en 1822 et qui la rattache à la seconde créant un immense mouillage. A vous ensuite les petits chemins serpentant entre les rochers calcaires à la découverte des nombreuses criques et fortifications (tours, batteries et forts), certaines anciennes pour protéger Marseille, d’autres datant de la seconde guerre mondiale.
Faisant partie du Parc national des calanques et à ce titre aire protégée, Pomègues possède une faune et une flore exceptionnelle, surtout à la fin du printemps ou à la faveur des pluies, les plantes endémiques tapissent les sols de fleurs. De nombreuses écoles de plongée viennent jeter l’ancre sur ces rivages mais un simple masque et tuba permet déjà d’en prendre plein la vue. Depuis les hauteurs, on aperçoit les bassins de la ferme aquacole approvisionnant de nombreuses tables marseillaises en poissons frais.
Ratonneau la jumelle où l’on débarque du bateau est, elle, plus urbanisée. Les terrasses des bars et restaurant déballent leurs terrasses criardes pour attirer le chaland et l’on peut maintenant y déguster poissons frais et panisses en cherchant bien. De toute façon, même un simple sandwich-frites a la goût des vacances là-bas. Au bout de celui-ci donnant sur le large une première petite crique est accessible facilement pour les fatigués de la marche: la plage du Grand Souffre
En revenant sur ses pas, on traverse le village par les hauteurs. Aire de jeux pour les enfants, table de pique-nique et grande place, tout y respire les loisirs. Depuis la petite chapelle qui domine le port, on a une très jolie vue pour se repérer. Au bout du port, on est à l’ouvrage sur les chantiers de construction et l’on y trouve une petite cabane pour louer kayak, paddle et bateau électrique pour faire le tour de l’île par la mer(Calanque évasion). Une seconde calanque (Morgiret) accessible par une faille rocheuse reste à une distance raisonnable du village pour les familles.
La balade jusqu’à l’Hôpital Caroline et la calanque Saint Estève qui la précède se mérite (comptez une bonne vingtaine de minutes de marche en plus). Mais le chemin y menant mérite le détour. On y découvre l’imposant Pavillon Hoche, un édifice de mise en quarantaine des officiers en provenance de ports où sévissait la peste, aujourd’hui désaffecté ; des jardins partagés prouvant qu’on peut faire pousser des choses sur ce gros caillou ; la maison des pilotes dans un bâtiment rappelant la proue d’un bateau. Puis la petite route serpente en direction de L’hôpital Caroline, dernier lazaret du pourtour méditerranéen datant du XIXème siècle réhabilité par Actavista avec des compagnons. On marche sous le Fort de Ratonneau, plus au point de l’île, avant de toucher au saint graal des amateurs de farniente : la calanque de saint Estève aux allures de paradis caribéen dans lequel on trouvera même une buvette (ouverte juillet-août) pour se rafraîchir après ce petit périple.
Par Eric Foucher