Au milieu d’un village d’irréductibles cabanoniers, Georgina continue d’écrire les chapitres de sa saga. Terrain exploratoire artistique et social, elle accueille depuis dix ans des expositions et des artistes en résidence dans son laboratoire vue mer.
C’est une maison aux couleurs vives que vous avez forcément aperçu à votre retour des Goudes dans le quartier de la Verrerie… Avec ses grandes fresques peintes et recouvertes chaque année – on y a vu des poulpes géants, des symboles géométriques et actuellement un soleil géant inspiré du Tarot de Marseille – elle sort du lot parmi tous les petits cabanons de pêcheurs.
Le quartier dit du « Mauvais pas » a été créé par rapatriés d’Algérie, des pieds noirs originaires d’Espagne dans les années 60. Ce petit village de bric et de broc a été construit à l’origine illégalement (il est aujourd’hui régularisé) au-dessus d’une falaise fragile qu’il a fallu consolider. Il a résisté pendant plus de cinquante aux promoteurs et à leurs bulldozers.
C’est dans cette poche de résistance ou une forte vie communautaire s’est développée tout au long des ruelles étroites menant à la mer que Jérémy Chabaud a souhaité s’installer et apporter une vie artistique il y a plus de vingt.
« J’ai découvert ce quartier complètement par hasard. J’aimais la plongée, j’aimais l’escalade, j’aimais le dessin. Ici c’était le spot ! »
Au départ l’accueil des artistes est informel puis les réseaux sociaux naissent et permettent une communication au-delà du simple bouches-à-oreilles.
« Nous avons reçu plus de propositions d’artistes et l’on s’est aussi associés à Jeune création, dont je suis devenu président et directeur ».
Des liens très fort se sont créés et la Cabane Georgina est devenue l’antenne marseillaise de cette association qui n’est rien moins que la plus ancienne dans l’art contemporain en France – elle fût créée avant même le Ministère de la culture il y a 73 ans pour défendre et promouvoir le travail des artistes.
Cette mission, Jérémy la poursuit aujourd’hui à travers la Cabane Georgina, un prénom en clin d’œil à celle qui s’appelait Georgette et qui lui offrit son premier boulot à la Maison Zola de Médan (78).
« J’ai une approche de l’art qui se diffuse partout. Je ne sépare pas l’art de la vie. Il faut le mettre dans le quotidien des gens et pas uniquement entre quatre murs blancs ».
Pour autant, se faire accepter n’a pas été une mince affaire. Il a fallu prouver aux locaux que la Cabane n’était pas un simple opportunisme pour artistes en recherche d’exotisme (la vue et l’emplacement sont à pâlir à côté de la Plage de la Bonne Brise).
Mais années après années, des liens se sont tissés, au point que l’étage et le toit de la maison ont été réalisés avec l’aide des habitants du quartier. Jérémy parle volontiers du travail des castors pour parler de l’entraide et du système D qui règne ici.
Aujourd’hui, la Cabane Georgina est devenue un lieu de résidence pour les artistes, musiciens, écrivains. Elle s’anime chaque été grâce à des concerts, expositions et fêtes sous forme de chapitre racontant « la Saga de la Cabane ».
Le premier vernissage il y a dix ans a même permis de relancer la traditionnelle paella géante, fête de village informelle de la fin de l’été qui était tombée en désuétude.
A l’heure où tout le monde souhaiterait son expo personnelle, cohabitent dans les différentes pièces de la maison, les travaux de soixante-seize artistes, certains connus d’autres encore débutants.
Pour le 10ème anniversaire, Jérémy et son acolyte Dimitri Arcanger ont souhaité faire une sorte de bilan sur le thème « Mexico, Émile Zola, Georgina et nous ». Les photos inédites et originales prises par Émile Zola tirées d’après des daguerréotypes côtoient des totems et des peintures représentant à mort dans la grande tradition sud-américaine. Elle n’a jamais accueilli autant d’amoureux d’un art vivant.
« Cette maison à vocation à être ouverte le plus possible, aux voisins, amis du quartiers, artistes et plus généralement, aux amoureux de la vie. »
Le Petit Plus : La Cabane Georgina participe aussi à des nombreuses salons et expos hors les murs (Parédolie, Friche Belle de Mai, Galerie du Tableau, etc.) à découvrir sur son site et réseaux sociaux.
Par Eric Foucher (texte et photos)