Tout comme le photographe Massimo Vitali, le peintre Benjamin Chasselon fait de l’espace balnéaire la scène de nombre de ses représentations depuis près de vingt ans. Il capture avec une infime minutie le théâtre de la vie marseillaise et les drames qui pourraient surgir parmi ces paisibles baigneurs. C’est de son expérience de restaurateur de tableaux que l’ancien élève des beaux arts a tiré ce soucis du détail qui fait sens. La mer qui semble invisible reste bien la première source d’inspiration de l’enfant de la Pointe rouge.

Quand as-tu commencé ta série sur les plages ?

En 1997, mon regard sur le paysage change, je me tourne vers les plages avec le désir de peindre le corps humain et l’envie de montrer l’optimisme ensoleillé. Les fonds ne sont pas encore dénaturés en blanc, la mer est encore « mer » et le sable reste dans son ton chaud. C’est en 2002 que la mer et le sable disparaissent au bénéfice de la chaleur humaine.

Qu’as-tu découvert en dépeignant ce terrain de jeu ?

J’y ai puisé le carburant pour continuer avec détermination. La plage était pour moi un sujet d’étude parfait, définitivement tourné vers l’être humain. J’ai d’ailleurs dessaturé le fond pour ne garder que l’essentiel.

 T’es-tu concentré uniquement sur les plages de la région ou bien as tu profité de tes vacances pour trouver des motif ailleurs ?

J’ai déjà peins des plages Landaises mais je n’ai jamais éprouvé le sujet à l’étranger. Pour faire murir la peinture, j’utilise le temps, je n’ai sans doute pas eu assez l’occasion de voyager. Le voyage semble être moins prometteur de liberté que l’exploration de mon propre cœur ou de ma propre ville. Ce n’est un secret pour personne, Marseille prouve chaque jour sa ferveur inspiratrice.

Quelles différences notables as-tu remarqué ?

Je crois que les attitudes des baigneurs sont universelles. La beauté n’a qu’un visage. Je ne cherche ni le scoop ni l’anecdote mais plutôt le coup de foudre. Je peins ce qui a du sentiment.

Dans tes peintures, seuls les personnages se détachent : mer et sable sont comme délavés par un soleil de plomb. Pourquoi ce choix ?

J’ai choisi de jouer la carte de la lumière, la lumière posée sur les hommes égarés éblouis somnolents ou sportifs. La perspective est donnée par la disposition des corps, les repères géographiques sont absents. Cependant notre œil se satisfait de ce paysage humain. Le fond blanc traduit la transcendance de l’expérience de la plage. Une pure joie pour la peinture.

Je crois savoir que tu as une discipline d’ascète quand tu te mets à peindre. C’est ce type de peinture très minutieuse qui te l’impose?

Oui, je peins assis, immobile, assidument et quotidiennement. Je peins avec le matériel des anciens maîtres.

A quelle école artistique aimerais-tu que l’on t’associe ?

Je m’associe personnellement aux artistes oubliés par les marchands, notamment les femmes artistes. Ceux pour qui la peinture, la création est vitale.

Le bord de mer, le skate, le surf : tes peintures sont très inspirées du lifestyle de la culture glisse. Celle ci t’as t elle inspirée dans le choix de tes sujets?

J’ai toujours dessiné ce qui était « surfable » Mes premiers pas avec de la couleur se sont fait sur des dessins de vagues et de skate. J’ai grandi et travaillé dans cet univers de glisse. Mon frère aîné surfe depuis 1980 et j’ai fait du BMX et du Skate depuis 1982, c’est de façon naturelle que la glisse a fait partie de nos vies.

Si tu devais stopper la peinture à l’huile et t’essayer à un nouveau médium ?

Dans mes rêves ou dans une autre vie, j’aimerais rencontrer la musique, l’architecture et le design.

Des projets futurs ?

Tisser ma toile au grès de la houle et au fil du vent …