Plus qu’un musée, Luma Arles est un vaste centre culturel vivant. Il propose des lieux d’expositions, de résidence pour les artistes et des laboratoires d’expériences créatives. La tour spectaculaire dessinée par l’architecte Frank Gehry en est le phare spectaculaire qui reflète et éclaire la création contemporaine.
Depuis la pose de la première pierre en 2014, l’édification de ce nouveau totem culturel arlésien, mille ans après celui religieux de l’abbaye de Montmajour que l’on aperçoit au loin, a fait couler beaucoup d’encre.
Haut de 56 mètres il a eu la modestie de ne pas dépasser le sommet du couvent des Cordeliers (57 mètres) mais son apparence n’a pas recueilli l’adhésion de tous. Et c’est tant mieux serait-on tenté de dire car c’est la signe que le bâtiment n’est pas le fruit du consensus d’une esthétique mondialisée, un geste fade et passe-partout.
Il est l’œuvre de Franck Gehry, jeune homme de 92 ans, architecte des formes libres, a qui on doit déjà des bâtiments qui ont fait date dans l’architecture, comme le Musée Guggenheim de Bilbao ou la Fondation Louis Vuitton à Paris.
La réalisation de cette tour autour d’un tronc central a été comme pour les précédentes un véritable défi technique. Faite de 11 500 blocs d’aciers inoxydables, tous uniques, sa structure offre 53 Glassbox, chacune d’elles donnant un point de vue unique sur la ville, tout comme les terrasses offrent un panorama particulier sur la ville d’Arles – en attendant l’ouverture de la terrasse supérieure au neuvième étage qui permettra de voir plus loin encore la Crau, les Alpilles et la Camargue.
Les lignes déstructurées font que de l’extérieur, il est difficile de parler de niveaux. Seuls les ascenseurs à l’intérieur vous permettent de comprendre qu’il existe deux étages en soubassement et neuf étages supérieurs.
Le gros diamant à facettes brutes et aux reflets changeants selon la course du soleil repose sur une vaste couronne vitrée faisant écho à l’amphithéâtre romain non loin de là. Il permet de desservir les différents niveaux du bâtiment dans un système de circulation libre assez déstabilisant de prime abord.
L’architecture du bâtiment – les niveaux, le haut et le bas, les nombreuses brisures qui créent des perspectives, les effets miroir – a été pensée pour contribuer à cette perte des sens. C’est tout l’enjeu de cet équipement culturel que de se positionner non pas comme un musée traditionnel mais comme un centre culturel expérimental et innovant où l’on vous donne autant à voir qu’à vivre les œuvres d’art.
Le magnifique escalier a double révolution sur quatre étages (du niveau moins deux au niveau deux) en est un exemple. Il est couronné par un grand miroir circulaire de l’artiste Olafur Eliasson. Celui-ci est fixé de bais et tourne sur son axe troublant notre perception de l’espace. L’expérience du glissement se vit aussi par les « Isométric slides » de l’Artiste Carsten Höller, un double toboggan qui évite de prendre les escaliers ou les ascenseurs et symbolise une nouvelle mobilité sans friction dans nos vies.
La présence d’un skatepark sur l’une des terrasses par l’artiste et designer sud-coréenne Koo Jeaong est loin d’être anecdotique. Phosphorescent la nuit, ses couleurs varient du vert au bleu en interaction avec la musique ambiante. Il est baptisé “OooOoO” en référence aux trois bowls que l’on peut rider et représente une sculpture à grande échelle et participative supplémentaire dans la proposition culturelle.
LUMA (contraction du prénom des deux enfants de Maja Hoffman, Lucas et Marina) est un projet de longue haleine mené par la mécène, depuis 2004 en Suisse et 2013 en Arles où la riche héritière a retrouvé ses racines. Elle y a vécu jusqu’à l’âge de 16 ans et les parois centrales du bâtiment recouvertes de carreaux de sel semble rendre hommage à cette Camargue qu’elle a au cœur. Son père Luc Hoffman, docteur en biologie et passionné d’ornithologie y avait acheté en 1948 le domaine de la Tour du Valat pour y créer un conservatoire des zones humides méditerranéennes.
Depuis une dizaine d’années, elle a beaucoup investi en Arles et en Camargue (restaurant La Chassagnette à Saint Gilles, Hôtel du Cloître et l’Arlatan à Arles) faisant travailler de très nombreux artistes dans la grande tradition familiale. Sa grand-mère était déjà soutien précieux aux artistes de son temps.
C’est l’art en train de se faire plus que la collection d’œuvres du passé qui l’anime, à l’image de la sculpture en cire qui se consume d’Urs Ficher – une réplique de l’Enlèvement des Sabines créé par le sculpteur italien Giambologna en 1580 – dans la grande galerie du soubassement qui regroupent des œuvres de la collection familiale. On y trouve des grands noms de l’art contemporain des années 60 à nos jours.
Les archives aussi sont vivantes, gardant au frais dans des sortes de frigos les œuvres des grands noms de la photographies et de l’image, dont on avait pu voir quelques extraits lors des Rencontres de la Photographies d’Arles des années précédentes: Annie Lebovitz, Derek Jaramn, Parkett, Nan Goldin, Diane Arbus, Simon Fisher Turner.
Dans le Parc des Ateliers (Une friche de réparation et de construction des trains de l’ancienne ligne Paris-Lyon Méditerranée devenue Sncf), on trouve de nombreux et très beaux bâtiments dont on a conservé le nom industriel d’origine (Les Forges, la Mécanique générale, la Grande Halle et le Magasin électrique) que beaucoup connaissaient déjà comme lieux d’exposition lors des rencontres de la photo.
Entre ceux-ci et sur onze hectares végétalisés, on trouve une pièce d’eau et de nombreuses installations et sculptures. Les plus visibles étant celle de l’artiste autrichien Franz West, une sculpture rose entrelacée de 13 mètres de haut faisant face à la tour ainsi que « Seven sliding doors cooridor », un tunnel de miroirs coulissant comme une invitation aux rencontre inattendues avec soi-même ous les autres .
Ainsi que le Musée Guggenheim de Bilbao a changé le destin de cette ville industrielle du Pays Basque, i l y a fort à parier que la tour Luma et son parc replace aussi la petite ville de Camargue – déjà classée au patrimoine mondial de l’humanité par l’UNESCO – au centre de l’échiquier mondial, non plus celui de l’histoire mais celui de la création contemporaine cette fois.
Le Petit Plus : Un joli petit Hôtel et son café à la magnifique terrasse de mosaïque au pied de la Tour permet de faire une pause rafraîchissante au cours de la visite qui demande plusieurs heures.
Par Eric Foucher