Dans son univers qui associe la photographie à l’installation, l'artiste allemande Rebekka Deubner interroge la matière autant dans ses images que dans leur mise en scène. Elle explore la notion de projection en stimulant notre capacité à aller au-delà de l’image par la force de l'imagination.
“Quand enfant ta balade sur le rivage aboutissait aux grottes, face à l’île, tu t’engageais dans sa pénombre, là où la lumière cesse d’atteindre la peau et les corps qui s’offrent à elle. On ne t’a jamais dit que tu visitais les entrailles, et pourtant tu le savais : cette langueur venait de plus loin, de plus tard, que de l’interdit formulé, celui de fréquenter les grottes. À l’horizon des orages, à l’interstice des passages, tu t’y faufilais et quittais le monde explicite et connu pour rejoindre les abysses, le fantasme. Il y a peu de lieux où tu te sentais (te sens), immergée. L’obscurité nimbée d’une lampe torche est une enveloppe dans laquelle tu t’insérais (t’insères), avec calme. Il n’y a pas là de tourment, le bruit ne s’écoule pas : il s’impose de part et d’autre de ces parois qui t’enserrent. On est bien étourdie quand on a connu les grottes, ce berceau — leur fortune minérale. Le dévers t’emmenait plus au fond, au creux livide des pointes de roche dressées qui projettent, sur les faces tavelées des voûtes, un profil sévère. L’humidité qui fait couler sa saveur froide le long des membres : tu as tout vu, tout senti, imprégnée de cet envers du monde.”
Extrait du texte “Pour une jeune fille” de Camille Richert
(Source : Straat Galerie)
Exposition en partenariat avec La Photographie Marseille, Festival de Photographie Contemporaine du 22 octobre 2015 au 09 janvier 2016.