Quoi ? : Photos, vidéos, peintures, documents
Où ? : MuCEM, 1, Esplanade du J4, 13002 Marseille, France
Quand ? : 10 déc. 2025 > 20 sept. 2026
Combien ? : 11 € (réduit 7.50€)
Un lien ? : Cliquez-ici

Au Mucem, Clément Cogitore exhume une île oubliée pour mieux interroger notre rapport au territoire, au pouvoir et au récit. Ferdinandea, l’île éphémère retrace l’histoire vertigineuse d’un rocher volcanique apparu en Méditerranée en 1831, aussitôt convoité, aussitôt englouti, et transformé ici en une œuvre puissante, à la croisée de l’art, de l’histoire et de la géopolitique.

Une île comme point de départ artistique

Découverte presque par hasard chez un bouquiniste à Palerme, l’histoire de Ferdinandea devient pour Clément Cogitore le socle d’un vaste projet mêlant film 16 mm, vidéos, photographies et archives.

L’artiste ne se contente pas de documenter un fait géologique : il en fait une matière narrative et spéculative, brouillant les frontières entre documentaire et fiction.

Cette approche, nourrie de récits populaires, de documents scientifiques et de propagande impériale, a convaincu le Mucem d’acquérir sept œuvres majeures du corpus — une entrée remarquable dans les collections nationales.

« L’île éphémère que nous raconte Clément Cogitore est à la fois une réalité invisible, un fait géologique, un combat politique, une question existentielle », souligne Pierre-Olivier Costa, président du Mucem.

Ferdinandea, une île née pour disparaître

Entre juin et juillet 1831, au large de la Sicile et face aux côtes tunisiennes, une activité volcanique sous-marine donne naissance à une île nouvelle. Visible à peine cinq mois, elle devient aussitôt un objet de fascination et de rivalités : France, Royaume-Uni et Royaume des Deux-Siciles se disputent ce territoire stratégique, le rebaptisant tour à tour Julia, Graham ou Ferdinandea.

Avant même que le sol ne refroidisse, on y plante des drapeaux. Puis la mer reprend ses droits, laissant derrière elle un récit fragmenté, nourri de rumeurs, de croyances et de fantasmes.

« Ce sont principalement les marins, les militaires et les scientifiques qui ont pu voir l’île. Le peuple, lui, n’a vu que des remous, laissant place aux rumeurs et aux mythes », explique Clément Cogitore  .

Un laboratoire géopolitique toujours brûlant

Si Ferdinandea appartient au XIXᵉ siècle, ses enjeux résonnent pleinement avec notre présent. Aujourd’hui immergée à six mètres de profondeur, elle repose sur le volcan Empédocle, étroitement surveillé par les scientifiques.

Sa possible réémergence soulèverait de nouvelles tensions : frontières maritimes, flux migratoires, exploitation des ressources, câbles sous-marins, stratégies impérialistes renouvelées. Cogitore projette ainsi Ferdinandea dans un futur proche, en faisant une utopie dystopique où se rejouent les logiques d’appropriation et d’exclusion.

« L’île apparaît comme un élément insaisissable, que tout le monde veut posséder mais qui n’appartient à personne », résument les commissaires de l’exposition, Kathryn Weir, Hélia Paukner et Enguerrand Lascols  .

Le Petit Plus : Pourquoi il faut voir l’exposition ? Parce que Ferdinandea n’est pas seulement une exposition sur une île disparue, mais une réflexion saisissante sur notre manière d’habiter le monde. Entre émerveillement esthétique et lucidité politique, Clément Cogitore transforme un épisode oublié de l’histoire méditerranéenne en une fable contemporaine, aussi belle qu’inquiétante.

Par Eric Foucher / Texte et photos