Au Musée Regards de Provence, la peintre et plasticienne Katia Bourdarel nous invite à pénétrer dans un univers à la fois sensuel et troublant, entre douceur et vertige. De fiel, de miel et de sel offre ainsi une expérience totale — esthétique, émotionnelle et spirituelle. Cette exposition, comme son titre l’évoque, laisse sur la langue un goût complexe : celui du réel et du rêve mêlés.
Le corps et la beauté : entre grâce et inquiétude
Dès les premières salles, Bourdarel confronte le regard du visiteur à la beauté nue, héritée de la grande tradition picturale. Ses odalisques, Vénus ou nymphes semblent issues d’un âge d’or classique, mais sous la surface lisse affleure la tension : la chair, tout en lumière, s’alourdit d’ombres, de bijoux ou de feuillages qui l’entravent.
« Ce que j’aime, dit-elle, c’est ces dissonances entre ce qu’on voit ou croit voir et la réalité des choses. »
Son hyperréalisme, nourri de photographies retravaillées, brouille la frontière entre représentation et réalité. Derrière la perfection formelle, un doute s’installe. La beauté devient ambiguë, parfois oppressante — à la fois célébrée et mise à mal.
La nuit et les mythes : au seuil de l’invisible
Dans un second parcours, la lumière décline pour laisser place à un clair-obscur hypnotique. Forêts, cabanes, eaux dormantes ou châteaux composent un décor où le réel se fond dans le songe.
Katia Bourdarel y explore une nuit intérieure, peuplée de figures issues des mythes anciens — oiseaux, nymphes, créatures de l’entre-deux.
Ici, la peinture dialogue avec la vidéo et l’installation. L’artiste déploie un imaginaire où la nature et la féminité s’entrelacent, oscillant entre douceur et menace, entre l’innocence du conte et la profondeur du chaos.
Dissonances et résonances : un art du vivant
À travers ce parcours non chronologique, Bourdarel compose une œuvre hybride et sensible, ouverte aux bouleversements du monde contemporain. Ses thèmes — la nature, le corps féminin, la fragilité du vivant — résonnent avec les préoccupations féministes et écologiques d’aujourd’hui.
Son travail, à la croisée du symbolisme et du réalisme photographique, interroge la place du regard .
Que voyons-nous vraiment ? Que croyons-nous voir ? Ces dissonances, entre miel et fiel, entre douceur et morsure, forment la clé de son œuvre.
Par Eric Foucher / Texte et photos









