L’œuvre de l’architecte Fernand Pouillon, l’une des plus importantes sur le deux rives de le méditerranée, est encore largement méconnue. L’exposition de Léo Fabrizio au Centre Photographique Marseille est une belle réhabilitation par l’image.
A Marseille, il n’y en a souvent eu que pour Le Corbusier, voir Castel. L’architecte de la reconstruction n’a jamais été un bâtisseur célébré à sa juste valeur. Normal, car bien qu’on lui doive le plus vaste ensemble construit par un seul homme au 20e siècle, il n’y a dans les réalisations de Fernand Pouillon (1912-1986) rien de spectaculaire ni de pompeux.
Les traces qu’il a laissées en Iran, Afrique de l’Ouest ou au Maghreb bien avant les architectes stars ne soit sollicités, n’étaient pas de gestes faits pour que son nom passe à la postérité, mais pour que leurs habitants puissent vivre dans des conditions décentes.
Dans ses Mémoires d’un architecte, il écrira :
« J’ai axé ma vie de bâtisseur sur le rôle social de l’architecture : avant tout, construire des villes pour l’amélioration de la condition humaine, en mettant à la portée de chacun le confort et la beauté ».
Le photographe suisse Léo Fabrizio a réalisé depuis plusieurs années un travail de fond sur son œuvre. Une partie de celui-ci avait été visible au Rencontres d’Arles il y a deux ans. L’exposition au Centre Photographique Marseille se concentre elle cette année sur les deux villes où il a le plus produit, principalement des cités et des complexes touristiques : Marseille et Alger.
Au cours de cinq années d’études et de nombreux voyages en Algérie et à Marseille, il a pu capter à la chambre toute la beauté et l’humanité de ces constructions. Elles prouvent qu’un habitat populaire bien réalisé peut être esthétique et durer dans le temps – n’oublions pas qu’une grande partie de ces bâtiments date des années 50.
L’ironie de l’histoire veut que celui qui n’a jamais travaillé à ses archives aient de très nombreuses réalisations classées maintenant à l’inventaire des monuments historiques. A juste titre quand on considère leur singularité derrière leur apparente simplicité comme les immeubles du Vieux-Port à Marseille dont les façades concilient deux aspects apparemment antagonistes, l’urbain et le balnéaire. Et que dire du complexe de la Tourette et ses 260 logements juste à côté aux portes d’entrées cernées d’œuvres en céramiques.
A l’invitation du Maire d’Alger, ce n’est pas moins de 6 500 logements qu’il faudra mettre au crédit de celui qui prétendait bâtir « mieux, plus vite et moins cher » dans les années 50. Certains ensembles architecturaux de la capitale algérienne sont désormais fameux : Diar Es-Saada (la Cité du bonheur, 1954), Diar El-Mahçoul (la Cité de la promesse tenue, 1955), et Climat de France (1959) mais aussi des complexes touristiques comme le Tipasa club ou l’Hôtel du Port.
Après “Bunkers, Dreamworld, Archetypal Landscape” le Photographe de Lausane poursuit avec cette série son travail sur la relation entre le bâti et le paysage.
Le Petit Plus : Pour les curieux, un site recense toutes les réalisations de Fernand Pouillon de par le monde Ici
Par Eric Foucher / Photos Leo Fabrizio (Vues d’expos: Quentin Besson/CPM)
Exposition présentée au Centre Photographique Marseille par le Consulat général de Suisse avec l’appui de Présence Suisse. Dans le cadre du cycle Architecture, enjeux et regards d’aujourd’hui organisé par le Centre Franco- Allemand de Provence, le Consulat Général de Suisse, l’École Nationale Supérieure d’Architecture de Marseille, la librairie-maison d’édition Imbernon, la Société des Architectes, le Consulat général de Belgique et avec le soutien du Goethe-Institut.
Jusqu’au 19 mai les visites sont réservées aux professionnels et se font par inscription sur le site
Photo de couverture : Tipasa Club