Traits d’union.s est le volet central dans la programmation de la Biennale Manifesta. Il est composé de 6 chapitres (La Maison, Le Refuge, L’Hospice, Le Port, Le Parc et L’École) qui ouvriront progressives dans autant de musées emblématiques à Marseille.
Manifesta, biennale d’art contemporain, vient enfin de débuter avec plusieurs mois de retard dus aux événement que vous connaissez. Une manifestation assez atypique dans la paysage culturel dont la directrice directrice, Hedwig Fijen, explique la finalité concernant le volet central : « Les différents chapitres de Traits d’union.s traitent d’enjeux sociétaux essentiels qui sont évidents pour Marseille et pourtant résonnent également à travers le monde. L’équipe artistique et les participant·e·s ont entrepris individuellement et collectivement d’aborder certains sujets dont l’importance a été accentuée par les récents événements, pour permettre à des publics locaux, nationaux et internationaux de se réunir à Marseille et d’utiliser la ville comme une loupe à partir de laquelle analyser ces débats mondiaux communs, conduisant à la création de modèles alternatifs, clés des transformations à venir. »
L’équipe artistique précise elle pourquoi la thématique de Traits d’unions ‘est imposé comme une évidence dans notre ville : « Marseille est marquée par les transitions : lieu d’arrivées et de départs continus, à la fois échappatoire et sanctuaire. Mais Marseille est aussi l’incarnation de résistances car souvent le théâtre de moments uniques de tensions fécondes. Marseille est une ville exceptionnelle au sein de la matrice européenne puisqu’irrésolue – une ville en perpétuel mouvement, tournoyant autour de multiples centres, aussi bien historiques qu’informels. Ses innombrables histoires, biographies et anecdotes donnent forme à ses multiples existences. Marseille résiste à toute tentative de catégorisation, sa singularité résidant dans son identité hétérogène. »
En couverture The Keepers (2020), installation de l’artiste Arseny Zhilyaev à découvrir dans l’un des salons du Musée Grobet-Labadié
Vous retrouvez ci-dessous le programme des six chapitres tels que proposé par l’équipe organisatrice que nous tâcheront de vous faire vivre régulièrement suite à nos visites.
1 / La Maison : loyers, expériences, lieux
- Lieu : Musée Grobet-Labadié
- Hors-les-murs : Cité Radieuse, Bel Horizon du 28 août au 29 novembre 2020
Le logement est un défi mondial majeur. Pour beaucoup, il est devenu de plus en plus difficile de trouver un endroit où vivre en toute sécurité, et pratiquement impossible d’accéder à la propriété. À l’ère des migrations massives et des déplacements de population entraînés par le changement climatique, la guerre, les régimes totalitaires et le racisme, tout autant que par la pollution, le développement urbain et la gentrification des territoires locaux, avoir un chez-soi – un endroit sûr – est la condition préalable à la possibilité de développer de nouvelles formes de communauté, d’égalité, de dignité, de soin et d’amour. À Marseille, les signes d’une crise du logement locale et mondiale sont visibles. Au cours des derniers siècles, la ville a été une terre d’accueil pour de nombreux·ses migrant·e·s et exilé·e·s du monde entier. Les dernières décennies ont vu de nombreuses associations locales militer et œuvrer pour améliorer leurs conditions de vies, mais aussi pour leur donner accès à des droits sociaux, culturels et juridiques. Ainsi, à Marseille comme dans le reste du monde, le concept de chez-soi se trouve à la croisée des chemins entre déplacement et appartenance, rêves et cauchemars.
Participant·e·s : Black Quantum Futurism* (Collective, US), Martine Derain* (1960, FR), Lukas Duwenhögger (1956, DE), Jana Euler (1982, DE), Ken Okiishi* (1968, US), Cameron Rowland (1988, US), Reena Spaulings (Collective, US), Arseny Zhilyaev* (1984, RU).
2/ Le Refuge : dans l’attente de nouveaux départs
- Lieu : Musée Cantini
- Du 11 septembre au 29 novembre 2020
En 1940 pendant l’Occupation allemande, certain·e·s des artistes et penseur·se·s les plus éminent·e·s du XXe siècle (Wifredo Lam, Jacqueline Lamba, Victor Serge, Anna Seghers, Hannah Arendt, André Breton, Claude Lévi-Strauss, Marcel Duchamp, entre autres) dont beaucoup étaient juif·ve·s, mais aussi communistes et membres de la résistance, se réfugient dans une bastide de la région, la Villa Air-Bel, tenue par le diplomate américain Varian Fry. Aujourd’hui, presque rien ne subsiste de cet ancien sanctuaire de temps de guerre, ni monument ni mémorial. La Villa Air-Bel fut un havre de paix où se côtoyèrent des individus que l’incertitude unissait. Dans un temps comme suspendu, il·elle·s participèrent à des jeux et des expérimentations artistiques, trompant la morne réalité qui était la leur alors qu’il·elle·s attendaient leur départ pour les Amériques. En retraçant la migration des formes dans les objets du quotidien, l’exposition Le Refuge examine les frontières entre l’art dans l’espace public et dans les vies privées, entre les beaux-arts et les arts décoratifs, entre la culture savante et la culture populaire. Il ouvre des possibilités de rencontres, dans l’espace public, entre l’histoire de l’art et la culture urbaine vernaculaire contemporaine. Le Refuge rappelle que la notion même d’originalité a toujours été utilisée pour dévaluer et exclure l’Autre, et que dans les moments de grande incertitude, ces récits peuvent rapidement changer de direction.
Participant : Marc Camille Chaimowicz* (1947, FR) entre autres participant·e·s, et plusieurs prêts d’œuvres.
3/ L’Hospice : l’étrange, le poétique et le possible
- Lieu : Centre de la Vieille Charité
- Du 11 septembre au 29 novembre 2020
Marseille a été construite et façonnée par une complexe histoire d’immigrations et d’émigrations, de départs et d’arrivées. Ce chapitre observe et, plus important encore, écoute le paysage linguistique aux multiples facettes de la ville. Y est exploré sa culture multilingue, dans toute sa complexité, et les récits souvent concurrents des différents langages qui la composent : les ruptures inattendues et les connexions parfois poétiques entre langues « étrangères » et locales, les dialectes qui construisent et façonnent la pluralité des identités marseillaises.
Ce chapitre rappelle l’histoire des institutions psychiatriques à l’aune de la modernité, son rapport aux aliénations sociales, politiques et mentales ainsi que le droit à la folie. A l’instar du langage, la Vieille Charité a occupé des fonctions de confinement différentes au cours des siècles. Elle a notamment été un hospice, un asile, un hôpital et un cloître. Désormais, elle abrite plusieurs musées.
Participant·e·s: Hannah Black* (1981, GB), Anna Boghiguian* Communiqué — 4 Publication immédiate Marseille 10 juin 2020 (1946, EG), Aoziz* (Béatrice Pedraza, Ludovic Mohamed Zahed, Andrew Graham) (Collective, GB / FR), Judith Scott (1943-2005, US), Dennis Cooper and Gisèle Vienne (1953, US / 1976 FR, AT), Pauline Curnier Jardin (1980, FR), Lionel Soukaz (1953, FR), Reena Spaulings (Collective, US). Avec des œuvres historiques de : André Acquart (1922-2016, FR), Antonin Artaud (1896-1948, FR), Roland Barthes (1915-1980, FR), Georges Bataille (1897-1962, FR), Pierre Guyotat (1940-2020, FR), Arthur Rimbaud (1854-1891, FR), Hélène Smith (1861-1929, CH).
4/ Le Port : à la croisée des Histoires
- Lieu : Musée d’Histoire de Marseille
- Hors-les-murs : Centre Bourse du 11 septembre au 29 novembre 2020
Ce musée est un espace singulier, niché entre un centre commercial et le jardin des vestiges, un espace intermédiaire, ni ici ni là-bas, entre le Vieux-Port et le quartier de Belsunce, entre l’Antiquité et une boutique Nike, entre conservation et consommation. 2600 ans d’Histoire s’y déroulent et s’y racontent, au grès des rencontres entre politiques culturelles et urbaines. Les villes apparaissent clairement comme des espaces de conflits, de négociations, d’accords ou de contraintes. Ainsi, la mémoire collective est devenue, à juste titre, un enjeu de plus en plus important et questionné permettant de retrouver la trace d’histoires tues.
Participant·e·s : Yassine Balbzioui* (1972, MA), Samia Henni* (1980, DZ), Sara Ouhaddou* (1986, FR/MA).
5 / Le Parc : devenir un corps liquide
- Lieux : Musée des Beaux-Arts, Muséum d’histoire naturelle, Consigne Sanitaire du Vieux-Port
- Du 25 septembre au 29 novembre 2020
- Citerne des Moulins du 9 octobre au 29 novembre 2020
Le Parc : devenir un corps liquide fait des fontaines qu’encadrent deux musées marseillais aux trajectoires liées – le musée des Beaux-Arts et le muséum d’histoire naturelle –, les symboles du changement et de l’interconnexion. En écho aux épistémologies du Sud qui s’imprègnent de formes d’actions collectives, Le Parc explore les systèmes idéologiques binaires entre nature et culture présents dans les deux musées. Il y propose un nouveau type de relations humaines et un rapport renouvelé aux autres êtres vivants, mettant ainsi à l’honneur la Communiqué — 5 Publication immédiate Marseille 10 juin 2020 fluidité des identités et la force de leurs alliances.
Participant·e·s: Minia Biabiany (1988, FR), Center for Creative Ecologies* (Isabelle Carbonell, Hannah Meszaros Martin, T. J. Demos) (Collective, US), Ali Cherri* (1976, LB), Peter Fend* (1950, US), Mathieu Kleyebe Abonnenc (1977, GF), Amy Lien & Enzo Camacho* (1987, US / 1985, PH) (Citerne des Moulins), Reena Spaulings (Collective, US).
6 / L’École : le sonore, l’audible, le réduit au silence
- Lieu : Le Conservatoire National à Rayonnement Régional
- Du 9 octobre au 29 novembre 2020
Depuis deux siècles, le Palais des Arts a abrité bon nombre des institutions éducatives et culturelles de la ville : musées, bibliothèques, archives, ballets et, à présent, une école de musique. D’une pièce à l’autre du bâtiment résonnent, de manière claire ou feutrée, le son des répétitions qui s’y tiennent. L’École : le sonore, l’audible, le réduit au silence se déploie au sein de l’architecture néoclassique du lieu convoquant ses fonctions passées tout autant que ses potentialités présentes. Dans cet espace acoustique aux couches multiples, les travaux en cours côtoient une virtuosité ostensible et performée. Ces dissonances soulignent les tensions historiques et idéologiques entre le·a soliste, l’orchestre et le·a chef·fe d’orchestre.
Participant·e·s : Yalda Afsah* (1983, DE), Mounir Ayache* (1991, FR), Mohamed Bourouissa* (1978, DZ/FR), Julien Creuzet* (1986, FR), Benjamin de Burca & Barbara Wagner* (1975, DE / 1980, BR), Ymane Fakhir* (1969, MA), Tuan Andrew Nguyen* (1976, VN), Reena Spaulings (Collective, US).
Source : Manifesta