Dans le cadre de l’année Giono, le Mucem organise une grande rétrospective consacrée cet écrivain populaire (1895-1970). C’est un éclairage au plus près de la vérité sur Jean Giono qu’apporte cette exposition avec ses parts d’ombres, ses errances, ses doutes, son processus créatif sans oublier bien sûr sa part de génie.
Enfant du pays, Giono est connu pour ses nombreux ouvrages littéraires comme le Hussard sur le toit que nous avons tous étudié à l’école et une filmographie riche en collaborations avec des acteurs aussi mythiques que Fernandel ou Gabin.
Cette exposition conçue par l’écrivaine Emmanuelle Lambert va plus loin que l’image simplifiée du personnage et dépeint la personne qu’on peut débusquer à l’intérieur de son œuvre avec toute sa noirceur et son pessimisme.
Une citation de Giono nous guide dans toutes les pièces et la citation inaugurale : « L’intelligence est de se retirer du mal » va donner la couleur de l’exposition, structurée en trois parties chronologiques.
Comment exposer une œuvre littéraire, comment montrer le style d’un auteur ? C’est toute la difficulté de cette exposition qui a contourné le problème en faisant appel à l’art, et en particulier à des commandes d’artistes. Ces moments artistiques ouvre chacune des sections.
D’ailleurs on est accueilli à l’entrée de l’exposition par une mitraillette (allemande), qui pointée sur nous nous fait entrer dans le vif du sujet, la guerre et son incidence majeure sur le personnage de Giono. L’artiste, Jean-Jacques Lebel collectionne l’art modeste des tranchées et ouvre l’exposition par une installation de reproductions d’Otto Dix, d’images d’archives et d’objets.
Puis on sort de la guerre pour découvrir l’œuvre murale et majestueuse de Thu Van Tran qui nous livre une interprétation des couleurs et paysages de la Provence. En effet, la Provence de Giono était aux antipodes de celle de Pagnol, plus sèche, plus aride beaucoup moins riante. Enfin la plasticienne Clémentine Mélois revisite la bibliothèque de Giono avec une bonne dose d’humour à travers un cabinet d’amateur. Mention spéciale pour le papier peint qui reprend les ouvrages de la bibliothèque de Giono, à la fois esthétique et drôle! C’est la partie plus légère de cette exposition qui sinon traite de sujets graves comme la guerre, le pacifisme, la collaboration, la prison, la politique… Ici on aborde le Giono érudit, amoureux des livres qui lit comme il respire…
La deuxième section de l’exposition quant à elle s’ouvre par une série de tableaux de Bernard Buffet assez effrayants car la deuxième guerre mondiale est un retour en enfer pour Giono. Heureusement le parcours alterne entre moments difficiles et phase plus calme. La pièce qui montre les carnets de travail de l’auteur ainsi que tous les tableaux qui lui ont été offert par ses amis peintres est particulièrement touchante. On a le sentiment de toucher du doigt le point le plus intime de l’auteur.
Enfin on découvre en introduction de la troisième section une œuvre mystérieuse de l’artiste Charles-Frédéric Brun, à qui Giono a consacré un livre nommé le Déserteur. Puis le visiteur est invité à cheminer à travers un couloir qui s’enroule comme une bobine de film pour découvrir une partie de l’œuvre cinématographique de Giono.
Prévoyez de passer du temps dans cette exposition très riche qui pour la première fois réunie près de 300 œuvres et documents : archives familiales et administratives, correspondances, reportages photographiques etc… L’un des principes de l’exposition est de « fétichiser » le manuscrit, le présenter comme un petit objet merveilleux. Les mises en scènes alternent donc entre vitrine (pour les carnets de travail par exemple) ou documents exposés en mural.
Grace à cette exposition, on découvre le personnage de Giono dans sa totalité et on accède à de nouvelles clés de lecture de son œuvre. Vous trouverez d’ailleurs dans la boutique à l’issue de votre visite la totalité de son œuvre à lire et relire sans modération.
Le Petit Plus:
Ne manquez pas en complément d’aller au musée Regard de Provence voir l’exposition « Lucien Jacques, le sourcier de Giono » du 30 octobre au 16 Février 2020.
Par Nathalie Boscq