Elle a la silhouette gracile et fragile d’une danseuse de Degas. N’était-ce le mode préparatoire (une production photo minutieuse plutôt qu’une peinture sur le motif), son atelier et ses thèmes de prédilection n’ont rien de bien différents de ceux des maîtres impressionnistes. C’est justement ce besoin d’un rapport fort à la matière qui a convaincu cette tête bien pleine, diplômée de Sciences Po et d’HEC, de lâcher les tableurs pour les tableaux. Comme trois amis de promo, Fanny Moreau est devenue peintre, non par accident mais par un besoin profond de faire jaillir son moi profond. Comme un double de sa personnalité, son assistante Chloé est devenue sa muse. Elle l’a promené dans des lieux emblématiques de la cité phocéenne (Musée des Beaux-Arts, Villa Gaby, Passage de Lorette, Rotatives de la Marseillaise, etc.) où elle vivait déjà, mais qu’elle a souhaité représenter à sa façon : évanescente et vibrante. Juste avant l’accrochage, nous avons discuté de la rencontre entre son univers pictural et Marseille.
Elle date de l’adolescence, ma rencontre avec la peintre Maggie Siner, qui m’a fait découvrir la magie des couleurs. Avant ça je dessinais, bricolais, barbouillais. J’ai vraiment découvert le pouvoir de la peinture avec Maggie.
Quand décide-t-on de se consacrer entièrement à celle-ci après de brillantes études ?
Quand on admet qu’on préfère vivre son rêve d’enfant que de devenir l’adulte qu’on s’était imaginé être un jour.
L’aspect solitaire est-il ce que vous recherchiez ?
J’aime beaucoup l’aspect solitaire de la peinture, c’est ce qui me nourrit, c’est les choses éclosent. Comme certains font de la méditation ou recherche du temps à soi, la peinture m’offre un concentré de ça. C’est nécessaire à ma peinture mais aussi à mon équilibre perso. Ceci étant dit je suis plutôt sociable et j’aime beaucoup échanger, rencontrer, sortir… l’un ne va pas sans l’autre.
Comment définiriez-vous l’activité d’artiste aujourd’hui ?
Je pense que – comme dans beaucoup de domaines – l’activité d’artiste est en train de se modifier profondément. Les relations entre le trio: « artiste – galeriste – collectionneur » sont beaucoup moins moins cloisonnées. Les artistes produisent leurs expo, rencontrent les collectionneurs, vont parler aux journalistes. Internet bien sûr a accéléré ce phénomène.
Quand avez-vous commencé à vivre de votre peinture ?
J’ai été est classée parmi les 15 artistes sur lesquels investir en 2015 par Saatchi Art. Cela m’a ouvert les portes de nombreuses galeries et fait connaître auprès de collectionneurs à Londres, Paris, New-york ou Dubaï. J’expose maintenant à Marseille ma ville de cœur.
Comment se passe une journée type de création à Marseille ?
J’ai plutôt tendance à penser que l’inspiration ne tombe pas du ciel et qu’il vaut mieux être debout devant son tableau à peindre pour qu’elle arrive. J’arrive à l’atelier après avoir déposé bébé chez la nounou, je repars pour aller la chercher. Entre ces deux moments, le temps est élastique, parfois le tableau advient, parfois pas. J’ai aussi la chance de pouvoir déléguer tout ce qui n’est pas strictement la peinture et ça c’est un luxe que tous les artistes n’ont pas. C’est précieux.
Si vous deviez décrire votre atelier ?
C’est mon havre de paix. Là que je suis 100% moi. Concrètement c’est assez basique, des toiles au mur, une desserte avec les tubes, un miroir et deux grandes fenêtres orientées nord.
Le mode préparatoire ?
Je peins d’après photo, à l’atelier. J’accorde de plus en plus de place à la photo. De simple image support, la photo est peu à peu devenue un outil de plus en plus précis de mon univers. J’accorde de plus en plus d’importance aux séances photos. Elle deviennent chaque fois plus précises, anticipées, scénarisées. Je découvre en fait le pouvoir que j’ai sur le processus dans ces moindres détails et j’adore ça.
Marseille vous a inspiré le thème de votre nouvelle série mais a-t-elle aussi changé votre façon de peindre ?
Marseille a surtout changé les sujets, les ambiances de mes tableaux. J’ai du sortir de ma palette de prédilection, plutôt pastel, intimiste, et aller vers des teintes, des lumières, des associations de couleurs que je ne connaissais pas. Ce jaune! Ce blanc! Ce bleu! C’est donc à ça que sert le bleu outremer?!!!!
Où rêveriez-vous d’exposer ?
Chez Gagosian à NYC. En toute modestie, bien sûr. Plus sérieusement, à Beyrouth, il y a une scène contemporaine très belle et j’adorerais découvrir le Liban.
D’ou vient ce curieux nom d’artiste?
Maman m’a toujours appelé Fanushka. C’est devenu mon surnom. Quand j’ai commencé à peindre ça s’est imposé comme une évidence: Nushka. Je pensais pas que ça prendrait autant de place dans ma vie et ça me plaît. C’est chouette non?
Des projets intéressants pour le futur?
Une maison d’édition anglaise qui avait remarqué mon travail m’a commandé des peintures qui serviront à illustrer l’an prochain leur nouvelles éditions Flaubert. Je suis aux anges !
>> Le premier solo show de Nushka à Marseille est organisé hors-les-murs par la Double V Gallery et à découvrir du 13 au 30 septembre à la Maison Buon
(NB : 20% des ventes des tableaux seront reversés à l’association Voeux D’artistes qui se bat pour le bien-être des enfants bien-être des enfants hospitalisés )
Propos recueillis par Eric Foucher