Installé à Marseille, l’artiste belge Spyk, dévoile avec « Vortex Chromatique » une nouvelle série hypnotique où la couleur devient mouvement pur. Inspiré par les ciels spectaculaires capturés par les chasseurs de tornades, il explore la tension entre chaos et beauté. Il mêle abstraction, énergie atmosphérique et profondeur émotionnelle dans des toiles qui semblent littéralement aspirer le regard.
Quand nous l’avions rencontré pour la première fois il y a un an, il venait tout juste d’arriver à Marseille, ville dans laquelle il avait décidé de s’installer. Bien sûr le décor était plus vallonné et le ciel plus bleu que dans le plat pays de son enfance, mais il y découvrait beaucoup de similitude avec Liège, sa ville de cœur. Nous l’avons retrouvé dans cet ancien moulin du 13ème arrondissement où il a déballé bombes, toiles et châssis pour faire le bilan de plus d’un an de rencontres, de découvertes et d’inspiration au sud. Dans bordel organisé qu’il promet d’organiser au fil du temps, il s’affairait à terminer les dernières toiles de sa nouvelle série « Vortex chromatique » qui seront exposées à la galerie Diego Escobar qui le représente. Ou comment parler de Turner, Apéro, IA et paddle dans une même conversation…
Depuis notre première rencontre comment s’est passée ton implantation à Marseille ?
Cela va faire tout juste un an que je suis installé ici avec des allers-retours en Belgique qui sont parfois un peu trop longs à mon goût. En fait, j’ai du mal à quitter Marseille mais aussi Liège. Il y a beaucoup de similitudes entre les deux villes : la simplicité des habitants, une culture qui dépasse le cadre du travail, le fait de prendre le temps de faire les choses et de les vivre, enfin cette bonne énergie. Mais il y a le climat et le ciel bleu en plus ici. Par contre on ne sait toujours pas faire ici une bière de tire avec un col bien moussu (rire).
Le fait d’y vivre a-t-il changé ton regard sur Marseille ?
Bizarrement je ne connaissais pas Marseille. Lors de mes premières expos ici avec mon galeriste Diego Escobar, j’arrivais pour deux jours : on accrochait et je repartais directement. Je pensais que Marseille était une mégapole comme Paris, alors que c’est plutôt un gros village où tout est plus facile. Avec un côté très pratique pour mon activité. Le dernier magasin de bombes a fermé à Liège alors qu’il y a en a trois encore ici qui vendent les marques avec lesquelles je travaille. Comme j’ai besoin d’énormément de nuances, je peux m’y rendre très régulièrement.
As-tu pu te tisser un réseau ?
J’ai eu beaucoup de chance justement quand je suis arrivé, car j’ai pour hôte ici quelqu’un qui connaît très bien la ville a un gros réseau, surtout dans la musique ndlr : (Julien Guillome, organisateur de soirées et l’un des instigateurs du renouveau du Marlin). Ce type avec qui je cohabite et cotravaille aussi parfois m’a présenté beaucoup de monde et m’aussi transmis son goût de la fête. Donc on peut dire que l’on fait des « co-conneries. » En dehors des soirées je vois beaucoup d’expositions mais je ne vais pas aux vernissages et fuis les mondanités.
Que t’apporte cet ancien Moulin ?
Ce lieu est formidable pour moi car je travaille à l’aérosol. Avec le temps qu’il fait ici je peux aérer très facilement pour ne pas m’intoxiquer presque toute l’année. Je n’ai pas besoin de travailler en manteau et je n’ai plus mal à la tête. En Belgique actuellement, il ne fait déjà plus que six ou sept degrés et ça va durer jusqu’à fin mars. L’espace intérieur est immense et dans son jus. Je m’y sens beaucoup mieux que dans un petit atelier design et blanc. J’aime ce côté capharnaüm même si je vais tâcher d’organiser tout cela un peu mieux
Comment occupes-tu tes journées ici en dehors de la peinture ?
J’ai beaucoup d’activités car la peinture ce n’est pas toute la vie. J’aime beaucoup la musique et la photographie d’architecture. J’ai d’ailleurs découvert Olab, un labo argentique où je vais pouvoir faire mes propres tirages. Je me fais toujours un petit break dans ma journée de travail alors j’aime aller sur les terrasses ensoleillées de la Plaine, manger un bout au Grisbi, et dans les petits apéros festifs en fin de journée, que je préfère aux grosses soirées. Il y a tellement si tu es à l’affût. Et puis, j’ai découvert la balade sur l’eau à Pointe-Rouge après qu’une amie m’ai offert un paddle. C’est très relaxant.
Tu aimes bien travailler en séries thématiques. Peux-tu nous en dire plus sur la nouvelle « Vortex Chromatique » ?
J’essaie de m’éloigner de plus en plus du figuratif et d’avoir un fil rouge dans mes séries. Dans la dernière, il s’agit des nuages. J’ai eu l’idée de ce thème en regardant une série sur les chasseurs de tornades. Ils sont quelques-uns sur la planète et se filment beaucoup. Les formes, les couleurs de ces nuages m’ont fort rappelé le travail de Turner que j’ai découvert dernièrement – car comme tu le sais je ne suis pas un grand érudit en peinture. C’est en voyant le film de Mike Leigh que j’ai eu envie d’effectuer des recherches sur son travail que j’ai trouvé passionnant. Et puis il y a Gérard Richter dont je suis allé voir l’expo extraordinaire à la fondation louis Vuitton qui est parti du figuratif pour aller vers l’abstrait. Les mers, les ciels, j’ai réalisé que lui avait déjà tout fait.
Quid de tes prochains projets ?
J’ai envie de travailler dix peintures figuratives et les laisser réagir au soleil pendant deux ans. Comme le graffiti d’où je viens qui a pour vocation d’être éphémère, je voudrai étudier le process de la pluie et du soleil qui délave les couleurs, de la lumière qui détruit l’œuvre au fur et à mesure du temps. On sait que les pigments verts résistent très bien alors que les rouges se décolorent très vite. Mais quid du reste ? Je vais aller sur ce terrain. Au mois de janvier, je vais aussi louer un appartement nu afin de m’immerger dans l’intelligence artificielle. Tâcher de comprendre pour ne pas subir car j’avoue que c’est assez flippant.
Propos recueillis par Eric Foucher / Photos E.F
VORTEX CHROMATIQUE : Exposition à découvrir du 20 Novembre au 12 décembre 2025 à la Galerie Diego Escobar









