Enfant de Marseille d’origine portugaise par son père, arménienne par sa mère, rien ne prédisposait Silvio Mildo à une carrière artistique. Cette dernière l’a pourtant choisi et il la lui rend bien. Son style s’affine année après année par des couleurs aussi tranchantes que sa détermination à laisser une trace dans le monde de l'art.
Dans une partie de l’Espace Jouenne que son galeriste Jo Yana occupe plusieurs fois dans l’année, ses tableaux éclaboussent les cimaises immaculées de couleurs vives et texturées. Du graffiti de ses débuts, le jeune artiste de 30 ans a gardé la spontanéité et l’énergie du mouvement. Mais sa peinture s’est enrichie. Elle s’est nourrie d’influences diverses (il cite volontiers l’expressionnisme abstrait, le mouvement COBRA, Alechinsky et Combas) et d’une expérience nouvelle : le travail en atelier dans un lieu collaboratif à Marseille (Buropolis). Ses racines ont aussi fait pousser le nouveau projet qui fait l’objet du présent solo show baptisé « Tsiran » (l’abricot en arménien). Il a en effet choisi ce symbole biblique qui a résisté au déluge au pied au mont Ararat, comme motif récurrent décliné sur toutes ses toiles. A la craie grasse, peinture à l’huile, spray ou acrylique, il a filé la métaphore en superposant, accumulant recadrant le fruit jusqu’à l’abstraction. Derrière une apparente spontanéité, il confesse un rigoureux travail de composition et de de présentation (il s’occupe lui-même de l’encadrement et a choisi la musique accompagnant l’exposition) une façon pour lui d’ « apprivoiser le chaos” (sic). En amont du vernissage, il a accepté de nous en dire plus sur cette passion qui le brûle.
Comment es-tu venu à la peinture ?
J’ai abordé la peinture en autodidacte, ce qui m’a permis de développer ma propre culture et approche de la peinture. La liberté et le non-formatage sont très important pour moi dans cette société malade qui justement nous pousse à l’inverse.
Quel était ta culture artistique d’alors ?
Ma culture artistique était alors mince à mes débuts. Il m’a fallu aller chercher et comprendre ce qui s’était fait et passé auparavant. Ce n’est pas ma culture à ce moment précis qui m’a poussé à peindre, mais plutôt mon instinct, mon cœur, mon corps. C’était comme une évidence je me suis sentis pris par ce besoin pressant de m’exprimer sous cette forme picturale. Ma culture artistique s’est étoffée par la suite.
Te souviens-tu du moment où tu as décidé que tu vivrais pour l’art et que l’art devrait te faire vivre ?
Je m’en souviens très bien c’était en 2013-2014. J’étais alors assis dans le jardin de ma grand-mère dans les collines de la Salette. J’étais au téléphone avec mon confrère et ami peintre Ludovic Bouillot.
Au cours de cet échange, nous avons réalisé que la peinture allait devenir notre vie, et qu’il fallait prendre le pinceaux et épouser cette vie de peintre qui s’offrait à nous avec la plus grande des évidences.
C’est un souvenir indélébile qui m’a marqué à jamais.
Comment nourris-tu aujourd’hui tes œuvres (l’actualité, des films, la musique, etc.)
Mes œuvres sont nourries tout d’abord par ma propre sensibilité et ressenti face au quotidien de la vie, je n’épouse pas forcément de concept en premier lieu, celui-ci me vient une fois la température extérieur prise. Je me nourris des gens, des sons, des images, des odeurs je me nourris aussi de la nostalgie d’un passé que je n’ai pas connu. J’essaie de m’en faire ma propre idée. Je me nourris de mes prédécesseurs qui ont laissé leurs empreintes dans la peinture. Je recherche l’évasion et le rêve pour pouvoir continuer de vivre sainement dans ma tête. Je désire me libérer, je n’accepte aucune forme d’angoisse. Je dois me défaire des parasites quels qu’ils soient. La musique joue un rôle très important elle me touche énormément. J’en ai besoin au quotidien. Il n’y a pour moi pas de vie sans musique ni peinture. Le cinéma m’impacte aussi beaucoup, mais de façon différente.
En quoi tes racines portugaises et arméniennes influencent-elle tes créations ?
Je pense comme chaque être humain, que les racines quelles qu’elles soient jouent un rôle très important dans la vie de tout un chacun. L’homme a besoin de savoir d’où il vient pour je pense savoir où il va et qui il est. Cela s’accentue avec l’âge. Le retour à mes racines arménienne était alors pour moi une évidence, de par ma relation très forte avec ma mère, une femme incroyable qui a su m’insuffler les valeurs et la force nécessaire pour affronter cette aventure formidable qui est la vie.
Tu as fait partie de l’aventure Buropolis. Comment as-tu vécu cette aventure et qu’attends de vos nouveaux ateliers collectif de Saint Just ?
L’aventure Buropolis a été pour moi la meilleure expérience que j’ai pu avoir dans ma vie de peintre. Les mots me manquent pour décrire ce que tout cela m’a apporté.
J’ai grandi, j’ai mûri, j’ai ri, j’ai pleuré, j’ai eu espoir et désespoir. J’ai rencontré des gens formidables qui sont devenus une famille, un groupe de peinture.
Je pense à Théo Ouaki, Rebecca Brodskis, Redlips, Robin Szczygiel, Déniz bedir, Tony Ceppi, Flora Redbull, Virgile Belaval. Je remercie l’entière famille de buropolis du gardien à la direction tout les artistes et autres acteurs du projet. Nous sommes une ville de créations, une ville de lumières qui mérite un intérêt beaucoup plus grand. Tout cela débouche sur nos nouveaux ateliers à Saint Just. L’aventure, la vie se poursuit nous avons mis un point d’honneur à continuer ensemble. Cette cohésion est bien trop précieuse pour l’abandonner.
Comment un jeune artiste travaille-t-il avec un galeriste en 2022 ?
Je travaille d’une manière des plus simples et saine avec mon galeriste Jo Yana. La communication, la tolérance et la confiance sont pour moi primordial pour effectuer un travail de qualité.
Dans ta dernière expo, tu apportes un soin particulier à tous les détails (depuis l’encadrement jusqu’à la musique diffusée). C’est important aujourd’hui de contrôler tous ces aspects ?
Oui je présente un ensemble, une idée, une démarche. Pour cela, j’ai besoin que tout soit parfait et que rien ne vienne interférer ou entraver la bonne lecture de la peinture, du travail si durement produit et travaillé. Je trouve à travers ce contrôle un certain apaisement.
La peinture est le seul aspect de ma vie où je suis encore libre de pouvoir contrôler ce que je désire. Je me rassure de ce fait à travers mes productions et expositions.
Quels sont tes prochains projets ?
Les projets arrivent vite : un group show à Berlin avec la galerie Kristin Hjellegjerde en août, une exposition personnelle avec la galerie Ground Effect à Paris à l’automne prochain, et une exposition personnelle à Hongkong avec la Yidi Art Gallery.
Quelles sont les adresses ou les lieux où l’on peut te croiser à Marseille (Shop, restau, bar, décors naturelles)
L’unique et seule adresse marseillaise où vous êtes le plus susceptible de me croiser est le café, restaurant, cave à bière Monsieur Madame aux 5 avenues. Je vous invite vivement à visiter cette institution marseillaise. Il n’existe pas de lieu similaire à Marseille. Quand je ne peins pas, je suis là-bas. J’aime aussi m’évader en Provence je m’y sens chez moi, la lumière y est extraordinaire, la vie douce. Tout reprend son sens. C’est l’endroit parfait pour aborder une nouvelle révolution picturale.
Notre génération de peintres se doit d’apporter sa propre vision du monde et de notre société.
Pour finir, on peut bien évidemment croiser dans les travées du Stade Vélodrome les soirs de match, comme tout bon marseillais qui se respecte.
Propos recueillis par Eric Foucher / Photos E.F sauf couverture (Geoffrey Taligado) et photo atelier (dr)