« La mer les a bercés » chantait Charles Trenet. C’est particulièrement vrai pour Noé Selve, jeune créatrice de bijoux marseillaise, qui puise son inspiration dans le monde marin et la cité phocéenne pour créer des bijoux délicats fabriqués artisanalement par ses soins. Rencontre dans son arche...
Du corail, des coquillages, un livre qui lui a inspiré le nom de sa marque : on est vite mis au parfum quand on pénètre dans l’atelier de Noé rue de Rome, à deux pas de Noailles. Celui de la mer et de ses habitants, des légendes antiques aussi, d’après lesquelles elle forge des petites collections de bijoux délicats et contemporains qu’elle remise dans un joli meuble de métier. Inspiration, travail manuel, développement d’une marque, nous avons souhaité en savoir plus sur le quotidien d’une jeune artisane d’art d’aujourd’hui.
Quand as-tu découvert l’univers de la bijouterie ?
J’ai découvert le monde de la bijouterie assez jeune. Les parents de ma meilleure amie sont les propriétaires de la bijouterie d’achat et revente d’or Gold’Or située rue de Rome à Marseille. À l’époque il m’est arrivé d’y passer des après-midi entiers, c’est un endroit très inspirant, j’y ai vu beaucoup de très belles pièces et j’ai eu la chance quelques années plus tard d’y revenir différemment. Lorsque j’ai décidé d’entamer ma formation de bijoutier joaillier, c’est chez eux que j’ai fait la majorité de mes stages et Fabrice Flores l’artisan bijoutier m’a transmis son métier.
Comment le projet “Mermere” a-t-il mûri dans ton esprit ?
Après avoir fait des études et travaillé dans le marketing, j’ai décidé de prendre un virage à 180 et de me diriger vers un métier manuel, de retourner aux sources en quelques sortes. La bijouterie avait toujours été dans un coin de ma tête et c’est lorsque je vivais au Chili que j’ai décidé de me lancer enfin. J’ai rencontré un artisan qui m’a proposé de passer les samedis a son atelier. J’ai tout de suite été fascinée par l’univers et le savoir faire. C’était trop tard, j’étais piquée.
Mermere est un hommage évident au monde marin. De quelle façon as-tu voulu l’évoquer?
Je suis fascinée par les fonds marins depuis toute petite, ce sont mes parents qui m’ont transmis cette passion. Les deux étaient moniteurs de plongée dans un cadre associatif et j’ai passé mes étés dans l’eau. J’ai décidé d’appeler l’atelier Mermere d’après le roman d’Hugo Verlomme, une fable écologique en lien direct avec la mer, qui nous est très chère à ma famille et à moi.
Je pense que je ne saurais pas m’exprimer autrement qu’à travers le prisme de la mer. C’est un monde qui m’a vu grandir et aujourd’hui, je ne saurais pas vivre ailleurs qu’au bord de l’eau.
À travers mes créations je mêle toutes ces influences et j’essaye de mettre en valeur cet univers fragile et poétique qu’est la mer.
La ville de Marseille revêt aussi une symbolique particulière dans tes créations….
Marseille est ma ville de cœur. Elle regorge d’une histoire riche et d’un paysage alliant urbain et marin qui ne cessent de m’inspirer. Ses roches, son bleu profond, la bonne mère, les marseillais … c’est ce qui rend cette ville unique. J’ai vécu 5 ans au Chili et lorsque je suis rentrée a Marseille j’ai voulu rendre hommage notre ville. Ma dernière collection, Gyptis et Protis, est une ode a l’amour, au mythe fondateur de la ville de Marseille. Je souhaitais créer les bijoux d’apparat du mariage de Gyptis et Protis, la bague Delphis est par exemple une interprétation de la bague de fiançailles traditionnelle toi et moi, la bague Sous les mers une alliance d’un genre corallien si l’on peut dire …
Quelles histoires souhaites-tu raconter à travers tes bijoux…
Avant tout, je souhaite conserver cet aspect authentique du métier de bijoutier joaillier. Le fait-main est selon moi un gage de qualité et perpétue la tradition de l’artisanat d’art. Le challenge était de pouvoir allier mes influences dans un seul et même univers, tout en gardant une production raisonnée faite à l’atelier Mermere et par des artisans locaux pour les spécialités telles que le sertissage, la gravure ou le plaquage.
Mermere est aussi un terrain d’expérimentations. Je travaille avec des matériaux provenant de la mer pour mes créations. Par exemple, le sertissage d’ormeaux pour les amulettes. C’est une dimension de mon travail à laquelle je souhaite donner plus de temps.
Enfin je pense que l’histoire de Mermere s’écrit avant tout avec les gens qui portent mes créations, il est important pour moi de concevoir des bijoux non-genrés et intergénérationnels, Mermere est une marque qui se veut inclusive et je fais de mon mieux pour qu’elle parle au plus grand nombre.
Outre les matériaux “classiques” de la fabrication de bijoux des éléments de nature ont une place de choix dans tes créations, notamment dans ta capsule “One-Off”
En effet, ONE-OFF c’est une sélection exclusive d’amulettes qui a été conçue pour mettre en avant la beauté naturelle des coquillages. Chaque pièce est faite sur mesure et raconte une histoire différente. Chaque ormeau qui passe par l’atelier provient directement de la mer, soit recueilli par mes soins ou bien offert à l’atelier Mermere. Chaque premier mercredi du mois, je lance une nouvelle sélection exclusive sur mon compte Instagram (@mermere__) et sur mon eshop.
Combien de temps te prend la fabrication d’un bijou, hors conception et dessin ?
C’est très variable, tout dépend du bijou, du matériau utilisé ou encore des finitions. Je travaille aussi parfois avec des intermédiaires par exemple pour le plaquage, les gravures ce qui, malgré le fait qu’ils soient locaux, ajoute des heures de travail sur la pièce.
Comment sélectionnes-tu tes fournisseurs de métaux et de pierres précieuses/semi précieuses ?
Je ne travaille qu’avec des prestataires locaux qui garantissent la traçabilité de leur métaux précieux de leur extraction jusqu’à leur transformation. L’or utilisé pour confectionner mes bijoux a été extrait dans le respect des populations locales et de l’environnement. Il est très important pour moi, à mon échelle, de tout mettre en œuvre pour exercer une activité éthico-responsable et durable. Toujours dans cette démarche d’upcycling, je propose également à mes clients de réutiliser leurs bijoux de famille pour leurs projets sur-mesure. Transformer un bijou qu’on ne porte plus pour une nouvelle création qu’on ne quitte plus. Pour ce qui est de la provenance des pierres que j’utilise dans mes créations c’est un défi, je propose un maximum de pierres précieuses et semi-précieuses provenant de bijoux anciens.
Néanmoins l’industrie a de grands progrès a faire et il est important je trouve, en tant que créateurs et consommateurs de ne pas fermer les yeux sur cette réalité et de faire de notre mieux pour aller dans la bonne direction.
Pourquoi favoriser la vente en atelier plus que dans une “vraie” boutique vitrine ?
L’atelier Mermere est encore assez jeune et c’est vrai que je trouve de nombreux avantages à seulement avoir mon atelier à l’étage. Cela me permet de me concentrer sur la création de mes bijoux et de recevoir mes clients de manière intimiste et exclusive. Ils plongent directement dans mon univers et découvrent la face cachée de la fabrication de leur bijou. C’est aussi je trouve, un gage de transparence.
Des collaborations ou des projets annexes en vue ?
Il y a beaucoup de projets et de collabs à venir ! En autre, une collaboration avec Emma Lange, avec qui nous avons décidé de lancer une série limitée des Bagues Delphis Gems déclinées dans de nouveaux coloris, de nouvelles pierres semi-précieuses. Le lancement se fera au mois de mai et on a vraiment hâte de dévoiler tout ça. En ce qui concerne les projets plus personnels, une toute nouvelle collection sera disponible en juin et elle ne ressemble à aucune précédente.
Des adresses où tu aimes te rendre, des lieux où tu te resources ?
Chez Romain et Marion, le petit restaurant de cuisine afghane boulevard de la Libération, la bijouterie Gold’or de la rue de Rome pour trouver de magnifiques pièces vintages, Emmaüs Pointe Rrouge où j’adore chiner, la Maison Empereur non loin de mon atelier et le quartier Noailles en général pour s’approvisionner et déjeuner sur le pouce. Quant aux endroits où me ressourcer, je ne vais pas être très originale, je pense tout de suite aux bordx de mer. La Corniche pour courir le soir et aller se baigner. Les calanques pour prendre de la hauteur avec vue mer.
Propos recueillis par Melissa Cassar / Photos Mc et Charlène Lambert (pour les trois dernières)