Avec un patronyme pareil, des esprits malins auraient pu l’associer à des trafics peu recommandables. Sauf que ce dealer-là a un négoce on ne peut plus réglo et qu’il représente des caïds aux bombes inoffensives.

Eux aussi ont des noms que seuls les initiés déchiffrent : ils se nomment Toxic, Zephyr, Brusk, Blade ou encore Spyk. Eux aussi ont joué au chat et à la souris avec la police en leur temps. Mais plutôt que de semer la mort, ils ont redonné des couleurs aux entrepôts à l’abandon, aux trains de banlieue glauques d’un New-york en pleine dépression avant que d’autres ne leur emboitent le pas. Avec leur style à part, ils ont bousculé à leur tour une vieille Europe sclérosée par sa culture des Beaux-Arts. Les cartels de Diego servent à donc à faire connaître leur came devenue maintenant très fréquentable chez les collectionneurs et qui a donné une bouffée d’air frais venue de la rue. Le Graffiti, street art ou plus globalement l’art urbain ont maintenant leurs entrées dans les salons et galeries et leurs ventes explosent sur le marché de l’art contemporain. Diego en a appris les codes, rencontrés ses acteurs dans les grandes maisons de vente avant de lancer lui aussi sa propre filière. L’avenir dira s’il deviendra un baron du milieu. En attendant, il nous a reçu dans sa nouvelle planque, l‘Artcan Gallery. Une ancienne imprimerie qui recèle bien des trésors venus des quatre coins de la planète. En compagnie de Jules, il nous raconte ce qui le fait tripper dans son métier de marchand de couleurs.

Comment devient-on marchand d’art ?

J’ai toujours voulu travailler dans le domaine artistique, d’abord au sein de maisons de vente aux enchères en tant qu’expert/spécialiste en art contemporain. La découverte de l’art urbain a quelque peu bouleversé mes plans. Des enchères j’ai rapidement souhaité pouvoir défendre les artistes qui me tenaient à cœur et organiser des expositions.

Raconte-nous ta rencontre avec l’art urbain ?

En 2011/2012 je travaillais alors pour Sotheby’s à Londres et j’habitais le quartier de Brick Lane où tout n’est que Art Urbain, des murs au mobilier urbain, impossible de passer à coté de ces créations éphémères. À force d’arpenter mon quartier, j’ai commencé à m’y intéresser, à me documenter et surtout à me passionner pour celui-ci.

Qu’as-tu appris de ton passage dans les diverses maisons de vente ?

J’ai surtout formé mon œil. On y voit tellement de choses, du magnifique au banal. Le mode de fonctionnement de ces institutions est aussi très formateur pour acquérir une certaine rigueur et une approche pragmatique du marché.

Comment expliques-tu l’explosion des ventes d’art urbain ?

Je reste dubitatif, entre explosion et implosion.  Malheureusement toutes ces ventes de sont pas de qualité ce qui a tendance à desservir ce mouvement, qui est pour moi le plus important de ce début de siècle.

L’anonymat et le côté anti-système sont-ils compatibles avec la spéculation?

Pour moi, anonymat/anti-système et spéculation sont des choses biens différentes. Il est certain que comme tout marché, l’art urbain subit les affres de spéculateurs peu intéressés par la qualité artistique de leurs acquisitions. Néanmoins, ils ne représentent qu’une minorité, nous avons plus à faire à des passionnés.

 

Quel rapport entretiens-tu avec les artistes que tu représentes ?

A vrai dire le rapport commercial établit à la base glisse rapidement vers l’amitié. Je suis heureux de pouvoir échanger avec chacun d’entre eux que ce soit à propos de leurs nouvelles créations ou bien de leurs autres projets d’expositions.

Quel est l’artiste qui t’a le plus surpris?

Sans hésitations, TOXIC, ami de JM Basquiat, pionnier du graffiti,  qui m’a accueilli dans son atelier sur les hauteurs de Florence. Sous ses airs d’artiste légendaire de la scène new-yorkaise  se cache aussi un cuisinier hors-pair.

Comment choisis-tu ceux avec qui tu travailles ?

Pour ça nous sommes deux.  Avec mon associé Nicolas Maillefer , collectionneur passionné à l’oeil aiguisé (nb: également opticien reconnu à Marseille), nous sommes en perpétuelle recherche de nouveaux talents et nous ne nous fixons aucune limite géographique. Preuve à l’appui, les 10 nationalités différentes présentées à notre inauguration.

Pourquoi avoir choisi ce lieu à Marseille ?

Lors de la création de la Galerie ArtCan en 2016, l’idée était déjà de s’installer à Marseille mais nous n’avions pas trouvé d’espace qui nous plaisait.  Cette nouvelle installation sonne un peu comme un retour aux sources pour moi qui suis originaire de Toulon.

Plus de  40 ans après les débuts du graffiti peut-on maintenant commencer à dégager des courants et des styles majeurs dans l’histoire de l’art urbain ?

Je ne sais pas si on peut parler de courants ou de styles majeurs, du Wild Style des débuts aux éditions de Toys d’aujourd’hui, le mouvement de l’art urbain englobe une telle multitudes de techniques, de styles et de supports qu’il me semble inclassifiable.

Propos recueillis par Eric Foucher 

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