On dit d’un lieu dans lequel on se sent bien qu’il a une âme. C’est indéniablement le cas ici. On y découvre, entre une table ouverte et un vaste salon, toutes les inspirations qui ont façonné l’univers de marque Sessun.
Les amoureux(es) de la marque Sessun ont toujours été sensibles aux idées de sa créatrice. Des envies véhiculées au travers de ses collections, textiles dans un premier temps, puis chaussures, objets et même plus dernièrement accessoires de décoration maison. Une liberté de goûts, une esthétique du voyage et un certain mysticisme âprement défendu par Emma François souvent à rebours des tendances, et qui sans doute ont fait son succès.
Sessun Alma (l’âme en espagnol) semble être non pas l’aboutissement mais le point de départ d’une nouvelle aventure où tous ses centres d’intérêt peuvent s’épanouir dans les différents univers d’un même lieu. Ce dernier sera pour les profanes une excellente façon de découvrir tout ce qui a nourri et inspire encore aujourd’hui la marque marseillaise, de la cuisine à l’artisanat et passant par l’édition.
L’ancienne savonnerie du haut de la rue Sainte (qui avait déjà été remodelée dernièrement en un restaurant) a été entièrement repensée par le talentueux duo d’architectes marseillais Marion Bernard. Leur ingénieux travail d’aménagement et délicat travail des matières (sol aux teintes d’ocre, banc en béton, murs blanchis et verrière opalescente) devait permettre de révéler l’essence du lieu et permettre l’éclosion des créations présentées, sans les phagocyter. Mission accomplie avec brio. Grimpées les marches gravées à l’enseigne, passée la porte en acajou classée, vous entrez en un territoire d’une Méditerranée indéfinie – sommes-nous à Minorque, Malte ou Corinthe ? – dont le seul trait commun est la lumière et la chaleur qui baignent les lieux et indique qu’on est bien au Sud.
Convivialité oblige, c’est par une petite cantine de vingt-quatre couverts que l’on pénètre dans l’espace brut et minéral. Du bon, du frais, du coloré dans les assiettes, cela ne surprend guère quand on découvre que c’est Aline (que l’on avait déjà croisé chez Piou et Yima) qui vous concocte cette petite carte de quatre plats et deux desserts, qui change selon le marché et les saisons. Dans l’assiette cette pita au poulet effiloché à l’orange et son houmous à l’avocat et coriandre nous donne un avant-goût de cette rencontre des traditions et des cultures populaires auquel nous convie le lieu. Les tapas, elles, sont fournies par l’excellent traiteur voisin, la Fabriquerie.
La délicate signature visuelle (toute en pleins et déliés) déclinés en féminines illustrations autour d’expressions clés et emblématiques qui définissent le lieu (« floraison créative, amour sacré, soleil Safran, temple-racine, etc ») est le fruit des dessins du Studio marseillais Flirt. Sessun Alma s’est également aidé des conseils d’ Emmanuelle Oddo (Pièces à part) pour sélectionner les ouvrages de la librairie et les pièces de déco et d’art qui complètent ses propres collections (coussins, plaids, valises, sacs, décoration murales). Tous les six mois l’aménagement du lieu changera autour de propositions thématiques. C’est le workwear en denim et l’artisanat en terre qui ouvrent le bal dans un beau duo chromatique bleu-terracota.
Sur un énorme piètement en pierre au centre de la pièce ou sur les marches , des éditions en exclusivité ( comme le magazine de décoration Londonien Cabana à couverture textile), des livres d’art édités par Yvon Lambert mais aussi des éditions plus locales comme Fotokino ou a Week Abroad.
Outre son indéniable attrait esthétique, la sélection offre le mérite de proposer des objets à tous les prix mais aussi de mettre en avant des talents reconnus comme de faire des paris sur des talents en devenir. Dans les niches de la bibliothèque ou sur les tables, les céramiques de terre et cellulose de la designer Paola Paronetto, très en vogue en vogue en ce moment, côtoient ainsi les pièces en argiles représentant des microarchitectures de la céramiste parisienne Emmanuelle Roule, les céramiques de Lisa Alegra qui incruste des pigments de couleur pop dans la terre, la collection de soliflores et chandelier en bois de Auros, les suspensions en raphia teinté de Golden Edition (Ghana) ou bien encore les petits carnets faits et cousus à la main par un jeune stambouliote (Musvede) ou petits savons portugais au packaging inspiré de la Belle époque. La marque de cosmétiques bio et naturelles fabriquées en Suède (La: Bruket) sera elle aussi pour beaucoup une découverte.
La vraie réussite de ce lieu tient au rapport harmonieux et inspiré entre le contenant et les contenus (mention spéciale aux menuiseries et pièces de mobilier de l’ébéniste Paul Demarquet) dans lequel les matières se font écho. L’expérience offerte – que ne procurera jamais aucun achat en ligne – n’est-il pas tout simplement l’avenir du retail ?
Le Petit Plus : Evénements, expositions, l’espace se prête bien évidemment à tous les formats de rencontres, pourvu qu’ils aient une « âme »
Par Eric Foucher