Deux lettres pour un grand nom de la cuisine à Marseille qui travaille ses plats comme des toiles, l’odeur et le goût en plus. La gastronomie pour tous les sens, c’est ici. Chapeau l’artiste!
Pour le tout-venant dont je suis, aller dîner chez Alexandre Mazia (auréolé en 2015 d’une étoile au Michelin et du titre de créateur par Omnivore) coûte un braquage. Mais sa cuisine, contrairement à d’autres tables qui souhaiteraient en mettre plein la vue, n’est pas maquillée comme une voiture volée. Elle vaut son pesant d’euros et mérite le détour, ou plutôt le voyage puisque c’est ce que l’on vous propose chaque soir, en ligne intérieure, moyen et long courrier selon vos finances et vos envies d’évasions culinaires. Soit un restaurant scandinave qui aurait rencontré la zenitude orientale où le chef d’orchestre vous propose la découverte de textures et saveurs jusqu’à là inconnues de votre palais. Une partition déclinant en de multiples bouchées des harmonies végétales autour du dieu poisson. On avait découvert cet enchaînement rythmique des plats au Ventre de l’architecte de la cité radieuse, sa précédente table, mais l’exercice avait encore cet aspect laborieux et zélé qui rendait la performance théâtrale. Maintenant seul maître à bord, le chef peut laisser libre court à son imagination. Il apporte chaque soir devant vos yeux la dernière note aux petits plats composés par une brigade au diapason. On oublie pour une fois le traditionnel refrain « entrée-plat-dessert », les notes sucrées ou salées puisqu’ici tout n’est que variations pour mieux vous surprendre. L’œuf de saumon sauvage au lait fumé et noisette fait place à la dorade à la poire et chocolat blanc, la lotte au tapioca et wasabi au citron et goyave. Certaines escales expliquées à chaque fois par les cuisiniers au moment du service seront plus heureuses que d’autres. Elles ne manqueront jamais cependant d’ouvrir grand nos papilles. Et n’est-ce pas là le but de cette aventure culinaire hors normes? (EF)