Kin, ce sont des traditions culinaires d'Afrique centrale qui s'acoquinent avec les jus et les émulsions d'une cuisine bistrot française des plus créatives. Une table bien ancrée dans son époque qui exalte à chaque plat les qualités de la nouvelle gastronomie marseillaise : joyeuse, métisse et gourmande.
Tout vient à point à qui sait attendre. Après quatre ans passé à Marseille, le chef Hugues Mbenda possède enfin un restaurant aux dimensions de son talent. Celui qu’on avait vu poindre très vite avec son frère lors de la courte aventure de la Table de l’Orphéon puis être bridé dans une minuscule mais gourmande cantine baptisée Libala.
« Derrière chaque grand homme se cache une femme » dit le proverbe. Derrière Hugues, il ya en a deux : sa mère Jeanne qui lui a donné le goût de la cuisine dans son petit restaurant de rue en République Démocratique du Congo et Mathilde, sa compagne et partenaire dans l’affaire avec qui il a pu donner naissance à Kin (diminutif de Kinshasa, la ville de son enfance).
N’attendez pas cependant de cette nouvelle table qu’elle vous serve tous les stéréotypes éculés sur la culture et la cuisine africaine. A peinte trentenaire, Hugues a grandi comme les personnes de sa génération dans un monde connecté et biberonné aux réseaux sociaux.
Dans l’assiette, la force de ses propositions sera justement de revisiter les produits des cuisines traditionnelles et familiales, et de faire exploser en bouche ceux-ci par de nouvelles associations. Des inspirations issues de ses expériences professionnelles à Londres ou Paris mais aussi de ses voyages.
Croquer une chips de manioc avec une crème d’oignon brûlé, tremper des tempura de gombo dans une sauce piment-mangue, déguster du manioc en risotto, de la banane plantin en gnocchis twistés par une sauce aux épinards infusée au poisson, découper un mille-feuille de patate douce et terminer l’escale dessert par un pain de mais avec de la glace fruit de la passion…
La carte ne ment pas. C’est bien un voyage dans lequel sont embarqués nos papilles et la surprise est au bout de la fourchette. Là où l’antagonisme sucré-salé auquel on nous a biberonné n’existe plus. Le menu en six étapes changera régulièrement pour de nouvelles destinations, mais toujours avec un cette science infuse des jus et des épices qui apportera à la gastronomie locale un exotisme dont elle s’est toujours nourrie. La carte des vins, élaborée avec Pierre Kangem (Vinologic, propose une quinzaine de références qui fait la part belle au vin bio et nature. Ce soir là nous nous sommes délecté d’un délicieux blanc du Val de Loire (Chenin) et d’un vin de Camargue qui porte bien soon nom (Guéritout).
Le décor, sobre et contemporain, ne joue pas dans le folklore.
Derrière le rideau, une grande salle de bistrot chic sous un plafond végétalisé dans lequel on aperçoit la brigade s’affairer depuis la cuisine ouverte, et des murs couverts de symboles inspirés de l’alphabet bantou. Au fil du temps, le restaurant devrait se parer d’autres clin d’œil à ses racines.
Le Petit Plus : L’adresse offre deux visages. Le midi, elle s’appelle Libala et continue de servir une streetfood accessible aux saveurs métisses. Le soir elle devient Kin, table plus chic aux lumière tamisée.
Par Eric Foucher