Quand il s’agit d’évoquer des souvenirs, les navettes sont pour certains ce que les madeleines sont pour d’autres. Biscuits à la fleur d’oranger emblématiques de Marseille, ils parlent autant au cœur qu’aux papilles. Celles des Accoules racontent avec passion la famille Orsoni, originaire de Corse.
La saga familiale a débuté non loin de là, dans une boulangerie rue Henri Fiocca où José Orsoni faisait déjà des navettes. Mais las de se lever aux aurores et de ne pas voir sa fille grandir, il décide un beau jour avec sa femme de ne se consacrer qu’aux biscuits provençaux et corses en bas du quartier du Panier qu’ils aiment tant.
Peu avant la célèbre Place de Lenche, la biscuiterie familiale ne bougera plus. Et bien que Marie-Julie. sa fille et Clément le beau-fils aient repris le gouvernail de l’affaire, le Pater, qui habite juste en face, continue de passer régulièrement pour vérifier qu’ils gardent bien le cap.
Restés dans leurs jus, les murs de la biscuiterie transpirent toujours cette passion pour un petit biscuit en forme de barque et aux senteurs de fleur d’oranger. Il est devenu si célèbre que les touristes sont tout aussi nombreux que les marseillais à vouloir le croquer.
La recette aussi reste immuable : farine, beurre, œufs, fleur d’oranger, peu de sucre et surtout pas de levure.
« La particularité de ce biscuit est qu’il ne lève pas. Pour éviter qu’il ne devienne trop dur, on ajoute énormément d’œufs » explique Marie-Julie.
Sa forme rappelle le bateau à bord duquel les Saintes et Lazare ont apporté l’Évangile en Provence. Il fut créé à l’origine pour les pèlerins qui venaient célébrer la chandeleur.
« Le geste de tailler la pâte se fait toujours la main. Nous ne voulons pas le mécaniser pour que chaque navette soit unique » précise Clément qui enfourne de 3 à 12 fournées par jour.
En fonction de l’humidité et la température du jour, la taille sera différente. C’est pour cela qu’elles sont vendues au poids. « On veut que le touriste qui achète une boite en souvenir, comme l’enfant qui n’en veut qu’une au goûter en sortant de l’école puissent se l’acheter. »
Bien que les navettes peuvent se conserver plusieurs mois, les vendre en vrac permet aussi de n’acheter que la juste quantité.
« Les habitués peuvent revenir chaque jour pour en avoir des fraîches, ce qui garantit ce mélange subtil de moelleux et de croquant ».
Si la dernière génération à cœur de perpétuer près de quarante ans de « navettologie », elle propose aussi de nombreux autres biscuits traditionnels.
Les corses tout d’abord, comme des canistrelli aux œufs et beurre (nature ou à l’anis vert), mais aussi les cuggiulelle à l’huile d’olive et vin blanc.
Pour ce qui est des biscuits provençaux, vous aurez le choix entre des barquettes, des croquants aux amandes, des macarons à la poudre d’amande (et donc sans gluten) et enfin un gâteau 4/3 (en clin d’œil humoristique à la scène du Picon bière dans le film Marius de Pagnol), recette de cake maison où l’huile d’olive remplace le beurre.
Après avoir vécu est travaillé à l’étranger, le couple est ravi de transmettre leurs goût et passion pour les navettes. « Des Accoules ! » précisent-ils en cœur comme pour bien les différencier des leurs cousines de l’autre rive du Vieux-Port.
Le Petit Plus : Vendus au poids, tous plus ou moins au même prix, vous pouvez faire des assortiments de biscuits pour goûter à chaque recette.
Par Eric Foucher