Au fond d’une discrète traverse du village de Saint Marcel, se niche un trésor bien gardé aux portes des Calanques. Dans un château somptueusement rénové, découvrez la fine fleur de la scène Post Graffiti et de l’East Village.
L’entrée déjà impressionne. Passé le portail, vous découvrez au milieu des pins parasols cette magnifique bâtisse au milieu d’ un parc luxuriant de sept hectares avec sa volière, sa serre, ses bassins et jardins à la française. Méconnu du grand public, le Château de Forbin a pourtant une riche histoire puisqu’il a appartenu à une illustre famille de la noblesse provençale (marins, armateurs, commerçants anoblis par le roi René) qui a bâti ses châteaux un peu partout en Provence (le Château de la Barben en est un autre exemple).
Celui de Saint Marcel fût acquis au XVème siècle mais la configuration actuelle et le style Renaissance date des grands travaux de 1865. En 2000, il fût entièrement réaménagé pour être habité. Depuis un an, il est la propriété de trois collectionneurs qui y ont leurs appartements, mais ont aussi décidé d’en ouvrir une grande partie aux visiteurs pour partager leur goût pour l’art contemporain. Plus précisément pour le courant nommé « Post-graffiti », à distinguer du street-art. Si les œuvres se font toujours à la bombe, elles n’ont plus les murs ou les trains pour support mais des toiles souvent de grands formats afin d’être achetées par des collectionneurs et exposées dans des galeries et musées.
Tout l’intérêt de cette riche collection – seules 130 toiles sont pour l’heure exposées sur un fond de plus de 500 pièces – réside dans cette ligne directrice qui fait qu’on évite le grand fourre-tout. On parle ici d’une période très resserrée, deux décades tout au plus dans le New-York des années 80-90 où est née une école artistique dans un quartier nommé East-Village. Les artistes sont en grande majorité des noirs américains ayant grandi dans les quartiers défavorisés d’alors (Bronx ou Queens). A défaut de faire partie du cénacle de l’art contemporain, ils ont créé leur propre scène, inspirée du hip hop et de la pop-culture. Ils se nomment Dondi White, Rammellzee, Futura 2000, A-One, Phase2, Lee Quinones, Daze ou encore Lady Pink et vont fonder les bases d’un nouveau courant artistique que l’on n’apprend pas dans les écoles d’art mais dans la rue.
Armés de bombes, le plus souvent volées dans des ateliers de carrosserie dont ils mélangent les couleurs pour augmenter la palette chromatique, ils vont recouvrir la ville et les trains de leurs fresques et signatures, passant pour la grande majorité par la case prison. Chacun y va de son expérimentation. Quand Phase 2 innove avec ses lettres bubble, comme gonflées à l’hélium pour créer le Wild style, Rammellzee va plus loin dans les champs des possibles en créant ce qu’il nomme un « futurisme gothique » dont l’écriture sera l’apanage des seuls artistes initiés du mouvement qui se verront confier chacun une lettre.
Toutes les pièces du rez-de-chaussée, mais aussi de l’étage et du rez-de-jardin deviennent les cimaises pour ce mouvement encore jeune mais qui fait dorénavant partie intégrante de l’art contemporain. Les photographies de Martha Cooper et Henry Chalfant permettent de documenter cet âge d’or du graffiti, quand il était encore clandestin et avant que ses prix ne s’envolent dans les salles des ventes. Le lieu offre aussi un résidence d’artiste sur le domaine. Au terme de celle-ci, les œuvres produites in situ seront exposées le temps d’un solo show et offriront un beau moment de rencontre avec l’artiste du mouvement encore vivant ou leurs descendants.
Le Petit Plus : Le riche fond ne permettant pas de tout exposer, de nouveaux accrochages seront régulièrement réalisés avec les prêts de collectionneurs français ou étrangers. Des sculptures seront aussi installées dans le parc dans le futur.
Par Eric Foucher