Multi-instrumentiste, chanteur, producteur et DJ, l’ancien batteur du groupe Pony Pony Run Run, Frédéric Rivière alias "Anoraak" tombe la veste pour nous raconter son Marseille et ses projets.

Installé à Marseille depuis cinq ans, difficile de trouver personne plus enthousiaste sur la ville que Frédéric Rivière. Contrairement à son pseudo, c’est plutôt en tenue légère (chemisette californienne, jeans et nu-pieds que vous risquez de la croiser en ville sur sa Vespa . Il en a vite pris les codes et la décontraction (avant d’attaquer notre interview, il prendra le temps d’une photo avec un collectif de street artistes devant une fresque en cours de réalisation). Il se sent ici comme un poisson dans l’eau et s’y produit régulièrement en attendant de pouvoir à nouveau voyager pour sa musique. Un bon Karma qui a inspiré son dernier EP.

Quelles sont les raisons qui t’ont donné envie de t’installer à Marseille ?

Depuis toujours, j’ai une attirance un peu déraisonnée pour Marseille. Et le truc,  c’est que je n’ai pas été déçu!

“Tout ce que je cherche dans une ville, je l’ai trouvé ici. Ce côté bordélique qu’on pourrait lui reprocher, moi il me plaît beaucoup. Cela a un charme qu’on ne trouve plus qu’ici.”

Toutes les autres grandes villes ont été un peu ré-urbanisées de la même façon et font qu’elles se ressemblent beaucoup.

Qu’est-ce qui te séduit tant ici ?

C’est peut-être la première fois de ma vie où je me sens chez moi quelque part. J’ai bougé toute mon enfance au fil des mutations de mon père (ndlr cadre chez EDF). Carcassonne, Nantes, Mont de Marsan. J’ai été ballotté entre différentes cultures.

Marseille me convient très bien parce que d’où que tu sois, c’est à toi de décider si tu es chez toi ici.

C’est une pure ville méditerranéenne. Les gens parlent fort, s’invectivent, mais ce n’est pas violent. Je vois plus la facilité de parler aux gens.  C’est sans doute pour ça que tant de parisiens descendent aussi. Les interactions entre les gens dans la rue n’existent plus dans la capitale.

Connaissais-tu la scène musicale locale ?

Quand je suis arrivé à Marseille je ne connaissais personne dans le milieu, à part Simon Henner (French 79) que j’avais croisé en tournée quand il jouait avec Nasser et Jérémy qui est manager de skateurs. Mais j’ai été très étonné en arrivant du nombre de musiciens qui vivent ici.

On dit que le soleil ramollit les cerveaux et nuit à la motivation. Qu’en est-il pour toi ?

J’aime bien prendre le temps de vivre, donc ça me va très bien. Quand je sors de chez moi,  la plupart du temps il fait beau. Donc je peux profiter de l’extérieur et de la nature. C’est clair qu’ici il faut gérer son temps différemment. Moi maintenant je me baigne aussi l’hiver même si je n’y vais pas non plus tous les matins comme les petits vieux des Catalans.

Une baignade un lendemain de fête un peu trop arrosée ça te remet droit !

Quelle est ta formation musicale ?

Je n’ai pas de formation classique, mais plutôt empirique. J’ai appris la guitare sur Tablature quand j’étais enfant puis le piano. Puis un peu de basse, de la batterie, j’ai même chanté. Premier groupe et concert à 13 ans (ndlr : il en a maintenant 40). J’ai ensuite fait plein de boulots et je continuais à avoir des petits groupes à côté.

Quand as-tu décidé d’en faire ton métier ?

Je suis venu à la musique de manière professionnelle assez tard, au milieu de la vingtaine. J’ai mis du temps à comprendre que c’était uniquement ce que je voulais faire dans ma vie.

Alors un jour à Paris au début des années 2000, je devais avoir 24 ans et j’étais barman, on a décidé de remonter un groupe avec des amis de Nantes et d’Angers et c’est là qu’est né Pony Pony Run Run. On a répété un temps dans une grande maison de Colombes que je partageais et j’ai déménagé à Nantes. On a commencé à faire des tournées très indé avec notre propre van et la vie rock-and-roll qui va avec.

Quand et comment est né le projet Anoraak ?

Au début, j’ai commencé en parallèle de Pony Pony Run Run. C’était une façon de faire tout ce que je ne pouvais pas faire dans le groupe. On était très contenant d’avoir signé sur une maison de disque mais la direction artistique a gommé tous le côté rock du groupe et je ne m’y retrouvais plus du tout artistiquement. Et moi en tant que batteur, je devenais une pièce interchangeable. Je me suis donc consacré entièrement à Anoraak.

Multi-instrumentiste, quel est ton process de composition ? 

Je n’ai pas de schéma. Je n’utilise aucun sample, je crée tout de base. Dès fois ça part d’un rythme, une autre fois d’un son, d’un rif de guitare, une onde de chant. C’est très interchangeable.

Quel est ton emploi du temps au quotidien ?

J’ai un rapport à la création qui m’est propre.  Je ne peux pas aller au studio à heure fixe comme j’irai au bureau, bien que je comprenne tout à fait que certains aient besoin d’un cadre. Je ne peux pas me forcer. Quand je n’ai pas envie, je file faire autre chose. Et l’avantage c’est qu’ici je peux faire plein d’autres choses comme courir sur la Corniche ou me baigner.

Pour l’heure,  j’ai un tout petit studio à l’appartement, un peu comme une cabine d’enregistrement.  Mais je ne sais pas si j’aurai la place dans la petite maison dans laquelle je vais m’installer (ndlr : comme un signe, le jour de notre rencontre, il venait d’apprendre qu’il pourrait s’installer au pied de la Bonne Mère).  Je vais voir pour monter studio avec d’autres musiciens ici.

Penses-tu que ta ville d’adoption influe sur ta manière de composer ?

C’est difficile à dire mais c’est vrai que depuis deux ou trois ans je fais des trucs qui sont beaucoup plus disco et hédoniste qu’avant. Mais je pense que c’est plus par rapport à un état d’esprit perso.

Quand je ne vais pas bien je ne vais pas écouter Björk (rires) je vais plutôt vers des choses qui me tirent vers le haut comme Jill Scott Héron, un petite mélodie qui va me dire « t’inquiète » ça va bien aller.

Le gros avantage d’être solo c’est de mouvoir multiplier les featuring comme celui que tu as fait cette année avec Sarah Maison?

Quand j’ai composé « Gang ,  j’avais besoin d’une voix et c’est un peu comme le syndrome des lunettes que tu cherches et qui sont sur ton front. J‘avais croisé Sarah il y a deux ou trois ans quand elle enregistrait des voix en studio pour des amis. Mais je n’avais pas pensé à elle au départ alors que c’était la voix qu’il me fallait. Le morceau a bien marché en playlists sur Nova, ce qui nous a motivé pour faire un EP vu qu’on arrivait à bien travailler à distance (ndlr: Sarah Maison vit à Paris). J’ai adoré bossé avec elle. On était complémentaire et c’était facile. Sa pop indé avec des touches orientalisantes m’a donné envie de travailler avec d’autres personnes et d’amener d’autres touches.

Tes projets justement …

J’ai une collab’ prévue avec Mozambo qui sont devenus des potes et une autre avec Jo Keïta, chanteur, guitariste et joueur de n’goni (guitare malienne) pour un morceau disco avec une vibe d’afro-beat.

Comment as-tu vécu la pandémie et le confinement ?

J’ai presque honte de le dire mais plutôt pas mal. J’ai essayé de mettre à profit le temps qui nous était donné.  Avant je jouais beaucoup à l’étranger des dj sets, des lives en solo ou en groupe. J’avais beaucoup de mal à me poser pour bosser sur des projets.

Forcé et assigné à résidence avec la chance d’avoir mon petit studio,  j’ai pu pas mal composer.

Bon je t’avoue que maintenant j’aimerai bien repartir un peu mais là j’ai encore très peu de dates car il est encore difficile de se déplacer à l’étranger.  Et en France du coup, il y a beaucoup de concurrence.

Si tu devais nous donner trois adresses que tu aimes à Marseille ?

Mouné, 30 rue Fortia (1er), un restaurant Libanais que j’ai découvert d’abord sur Instagram et qui a été une révélation, tant culinaire qu’humaine.

TakoSan, 36 Rue du Petit Puits (2è), un petit restaurant japonais au milieu du Panier qui rappelle vraiment le Japon.

– Nenette, Place St Eugène (7è), une épicerie qui fait d’incroyables pâtes, dont des raviolis à la daube à tomber par terre.

Et trois spots contemplatifs et une musique qui irait avec ? 

– Malmousque – la plage des légionnaires avec Anoraak feat. Sarah Maison – Levantine

– Cascade des Aygalades avec Minnie Riperton – Adventures in Paradise

– Esplanade de la Bonne Mère avec TOPS – Drowning in Paradise

 

Propos recueillis par Eric Foucher