C’est une figure majeure et pourtant méconnue de l’art de la première moitié du XXe siècle que nous donne à voir le Musée Cantini. Une plongée dans l’univers mystique de Jawlensky, coloriste hors pair et portraitiste jusqu’à l’abstraction.
Alexej von Jawlensky (1864 – 1941) a grandi dans la Russie impériale et s’est formé à l’école des Beaux-Arts de Saint Pétersbourg. Mais c’est en Europe occidentale qu’il va vraiment se faire connaître en côtoyant les avant-gardes artistiques. En Allemagne à travers le courant expressionniste du Cavalier Bleu où il côtoie d’autres artistes comme Vassili Kandinsky, Paul Sérusier mais aussi Franz Marc. En Suisse plus tard, où il noue des relations fécondes avec Jean Arp et Marie Laurencin à Zurich.
Bien qu’il ait participé au Salon d’automne en 1905, aux côtés de Matisse et acquit une certaine notoriété de son vivant, son nom n’obtiendra jamais la notoriété qu’auront ses pairs. Sans doute du fait de position d’entre-deux, au tournant des XIXe et XXe siècles, entre l’Est et l’Ouest, entre les fauves et les expressionnistes, entre une figuration et l’abstraction. De nos jours on dirait « le cul entre deux chaises ».
Itzhak Goldberg, le commissaire d’exposition et spécialiste de l’artiste a tout simplement souhaité nous le faire mieux connaître par un parcours la fois chronologique et thématique (des « périodes » comme on le dit souvent en peintures). Des œuvres d’artistes qui lui sont contemporains (Derain, Vlaminck, Klee, Kandniski, etc) et avec qui il a partagé les mêmes préoccupations pour le lyrisme en peinture ou la recherche d’une certaine abstraction, permettent un dialogue fécond avec ses œuvres.
On sera surpris d’emblée par la taille modeste des tableaux sur les grandes cimaises du Musée. C’est au départ un choix : « je cherche moins des nouvelles formes qu’à m’approfondir. Je ne veux pas m’étendre en surface mais aller en profondeur » dira-t-il. Mais cela deviendra aussi une contrainte à la fin de sa vie, quand il doit attacher des pinceaux à ses mains paralysées par une arthrose.
On note toute l’influence des impressionnistes puis des expressionnistes dans ses premières œuvres. L’influence d’un Van Gogh dans ses autoportraits semble indéniable. Puis une série de paysages où l’on perçoit toutes les hésitations du peintre (dont la palette des couleurs vibrantes est proche alors des Fauves) à s’abandonner complètement à l’abstraction. Si les couleurs de la nature deviennent libres, les formes, elles, demeurent.
C’est au travers ses portraits (l’angle d’ailleurs choisi par l’exposition) que les transformations de son style seront les plus flagrantes, passant de portraits réalistes à des têtes abstraites en passant par des têtes géométriques.
« J’éprouvais le besoin de trouver une forme pour le visage, car j’avais compris que la grande peinture n’était possible qu’en ayant un sentiment religieux. Et ceci, je ne pouvais le rendre que par le visage humain »
Le Petit Plus : Dans une petite salle au fond du premier étage, un documentaire intéressant à découvrir de Terence Malik en écho à cette obsession des visages et de la spiritualité de Jawlensky : La représentation du visage de Christ depuis les débuts du cinéma jusqu’à nos jours.