Séduisante modèle devenue djette, Bettina de Boisse s’est toujours affranchie des fontières. C’est par l’humanitaire qu’elle est entrée dans l’univers de l’art auquel elle souhaite donner un supplément d’âme grâce aux projets d’Antipode Gallery.
A l’image du nom de sa nouvelle galerie en ligne, Antipode, s’intéresser à la vie de Bettina de Boisse vous fait voyager. Née à la Réunion d’un couple de médecins, des racines vietnamiennes du côté maternel, elle grandit à Marseille où elle étudie le commerce international jusqu’au début de la vingtaine. Après Pékin pour son diplôme direction Paris où elle est repérée par le milieu de la mode. Sa grâce naturelle ajoutée à un regard expressif et mystérieux à la fois séduisent. Elle écume les podiums et s’affiche sur papier glacé avant de passer de l’autre côté du miroir pour s’occuper du concours Elite Model Look au Maroc. En parallèle de cet univers du glamour, elle s’implique activement dans des projets humanitaires à travers l’association « Autour de l’enfant » crée par son père il y a vingt ans afin de permettre un meilleur accès à la santé et à l’éducation pour des femmes et enfants dans plusieurs pays d’Afrique. Initiée au mix par un certain Djel à Marseille, elle se pique de musique électronique et devient djette à la faveur de rencontres heureuses et fortuites. Résidente dans des fameux clubs londoniens, elle est aussi de toutes les fêtes avec son comparse Ali avec qui elle forme un duo planant sur les plus beaux spots festifs de la planète : Burning Man, Tulum, Ibiza, Milan, Miami, New York et même Marseille où la globetrotteuse se retrouve à passer plus de temps cette année, confinement oblige. C’est au cœur d’un nouveau repaire artistique, le Hangar Belle de Mai, où elle a monté en compagnie de trois autres jeunes femmes l’exposition « Massalia » que nous la retrouvons pour parler de son envie de devenir actrice d’un monde plus solidaire au côté d’autres femmes qui ont pris leur destin en main.
Comment as-tu contracté le virus de l’humanitaire ?
C’est mon père, pédiatre, qui m’a emmenée en mission au Burkina-Faso quand j’avais 19 ans pour ses activités de l’association Autour de l’enfant qu’il avait créé en 2000. J’ai le sentiment d’avoir toujours eu ça en moi. Même si je fais des jobs où je gagne bien ma vie, j’ai toujours cherché à ce que ma vie a un sens, à pouvoir redonner aux gens ce que j’avais eu la chance de recevoir. Mon père gère toujours la partie médicale et moi plutôt les projets annexes.
En quoi consiste les activités de cette association ?
L’association axe ses actions sur la santé et l’éducation dans plusieurs pays d’Afrique (Sénégal en tête mais aussi Cameroun, Maroc) et aux Vanuatu. Concrètement, elle aide à la construction des centres sanitaires, d’écoles ou de puits pour que les femmes n’aient pas à aller chercher de l’eau trop loin. En France, on est plus sur des projets autour du bien-être des mamans comme des « Baby room » où tu peux allaiter et changer ton bébé dans les espaces publics et commerces à Marseille et bientôt un peu partout en France.
Tu as longtemps travaillé dans le monde de la mode. Comment es-tu arrivée dans celui de l’art ?
Je suis arrivé dans l’art par l’humanitaire. Avec l’association Autour de l’enfant, j’ai organisé des premières expos, notamment avec mon amie, la photographe marseillaise Charlotte Lapalus qui nous accompagne depuis cinq ans lors de nos voyages en Afrique pour documenter nos actions. C’est comme ça est née l’idée d’associer art et caritatif, en reversant une part des gains à des associations choisies.
Est-ce une façon de contrebalancer le sentiment d’être privilégiée ?
Je ne le vois pas comme ça. La mode est venue à moi. Elle m’a offert des opportunités que j’ai saisie et j’ai adoré cela car j’ai eu de belles expériences et rencontré des gens géniaux. Le métier de Dj pourrait aussi apparaître assez futile mais au final j’adore partager ces moments uniques avec des gens. L’humanitaire c’est encore autre chose. On est accueilli dans des villages où l’on vit avec les gens et comme eux. Dans ces conditions tu as envie que les petites filles puissent rester à l’école le plus longtemps possible, que la maman accouche dans de bonnes conditions et que son bébé ne meurt pas en couche.
Des causes nobles que vous traitez de façon tout sauf larmoyantes…
Oui on se bat au côté des femmes africaines afin qu’elles aient la liberté de choix, sur des notions importantes comme l’accès à l’éducation pour leur enfant et le problème de l’excision. La photographe Charlotte Lapalus est très impliquée dans ce combat pour l’émancipation des femmes. Les photographier est une façon de les aider à se réapproprier leur corps. Dans un village musulman, les femmes ont par exemple accepté de poser en sous-vêtements, même celles qui étaient voilées.
Comment est né le projet d’Antipode Gallery ?
Nous avons commencé par organiser des expositions pour sensibiliser le public et lever des fonds pour l’association Autour de l’enfant avec les tirages des photos de Charlotte et les œuvres d’artistes sénégalais invités à Marseille, notamment au MAMO en 2019. Quand le confinement est arrivé en mars de cette année, je me suis dit qu’il fallait vraiment mettre en place une galerie en ligne où on pourrait continuer par des expositions virtuelles à reverser une partie des bénéfices à des associations choisies, mais pas uniquement la nôtre.
Comment choisis-tu justement les structures à aider ?
On cherche à aider des associations plutôt petites et que l’on connait bien pour être sûr que l’argent versé serve bien à financer des projets plus que des structures. Ce sont avant tout des histoires humaines. J’associe toujours les artistes à des causes qui leur sont importantes. Par exemple, Laura Célina Gasse a eu à 20 ans un cancer des ovaires. Elle a commencé à peindre pensant sa convalescence. Ça a été un moteur pour la guérison et une libération. Ça lui a donné de la force et elle a continué à peindre. Elle a voulu reverser une partie des gains à une association pour les personnes souffrant du même mal. En juillet, j’ai organisé un groupe show en ligne baptisé « Black Gaze Matter » avec une vingtaine d’artistes noirs d’un peu partout dans le monde, suite au mouvement de contestation démarré aux USA. On a reversé une partie des bénéfices à neuf associations antiracistes.
Qu’en est-il de l’expo au Hangar Belle de mai à Marseille qui vient d’avoir lieu ?
Les trois autres curatrices et moi-même souhaitions réunir des artistes locaux auxquels on croit et que l’on a envie de souvenir : Delphine Denereaz, Sarah Sadik, Luisa Ardila, Basil Ghosn, Nicolas Pesqué, Thomas Maileander, Pierre Pauselli, Lena Durr, Charlotte Lapalus, Florent Groc, autant d’artistes femmes que d’hommes. Pour certains c’était leur première vraie expo, d’autres étaient plus connu mais tous font partie du futur de l’art contemporain. On a décidé de reverser une partie de ventes à trois associations locales : le Centre social de la Belle de Mai, Board Spirit Marseille et Autour de l’enfant. L’implication va au-delà la participation financière puisqu’il y a eu également des rencontres avec les artistes. Maintenant qu’elle est terminée – et que le pays est depuis devenu confiné – une sélection des œuvres se retrouve sur le site à la vente.
Concrètement comment fonctionne l’économie de la galerie ?
On est très transparent quant au partage de la vente. L’artiste prend 40%, les associations 35%, la galerie une commission de 15% et il reste 10% pour les charges annexes comme les frais de paiement en ligne ou les envois. (Pour le dernière expo la galerie ne prend pas de commission et reverse les ventes à 50/50 entre artistes et associations)
Comment la Galerie fait-elle connaître ses expositions ?
Chaque expo reste quelques mois en ligne puis on passe à une autre. On communique principalement par le biais des réseaux sociaux et de ses newsletters que l’on envoie à nos abonnées mais aussi par des évènements physiques que l’on organise quand les conditions le permettent.
Le futur projet ?
Une exposition à la Montgolfière dans le quartier République à Paris du 14 au 31 janvier autour du thème de l’Ornement. Il s’agira d’un solos show de Charlotte Lapalus qui sera accompagné de Talks organisés par d’autres associations autour du Women empowerment et d’un petit marché avec des marques engagées.
Propos recueillis par Eric Foucher